lundi 4 août 2008 par Nord-Sud

Huit ans de brouilles et de relations difficiles. La Côte d'Ivoire et le Burkina Faso ont pris un nouveau départ , lorsque les présidents Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré ont apposé leurs signatures sur le Traité d'amitié et de coopération, le 29 juillet à Ouaga. Ce traité veut insuffler un nouveau dynamisme aux échanges bilatéraux politiques et commerciaux entre les deux pays. Ce traité marque une rupture dans les relations diplomatiques entre la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso. C'est un nouveau départ. Il y a des problèmes sur lesquels aucun chef d'Etat ne travaillera seul. Nous allons travailler forcément en commun , a commenté Laurent Gbagbo, précisant que les deux pays ont décidé d'attaquer en premier lieu l'autoroute du Nord, le port sec de Ouaga, le transport ferroviaire, les problèmes de la Poste pour lesquels les ministres concernés vont se retrouver dans deux semaines dans la capitale burkinabè.

Une offensive de Yamoussoukro aux contours multiples mais surtout d'un enjeu capital au moment où la Côte d'Ivoire amorce sa reconstruction post-crise et sa relance économique. Car, la crise ivoirienne a fortement modifié les flux des échanges régionaux. Selon l'Agence française de développement, les principaux enseignements sont la confirmation en 2004 de la réorientation des flux de transit identifiée en 2002-2003 au profit de Lomé et de Cotonou. Ces deux ports absorbent plus de 50 % du transit total de la sous région en 2004. L'émergence des ports ghanéens (Téma et Takoradi) comme deux corridors alternatifs s'est également poursuivie grâce à une politique incitative des autorités portuaires en direction des opérateurs burkinabè et maliens. Les autres faits marquants de 2004/2005 sont la réouverture timide du corridor ivoirien et la rapidité avec laquelle l'accès au Port autonome de Dakar (Pad) a été amélioré, permettant au Mali de faire du Pad son premier port de transit. Les événements ivoiriens intervenus en septembre 2002 et 2003 auront donc bousculé les réseaux de trafic de marchandises et obligé les pays de l'hinterland à repenser l'organisation des transports à l'import comme à l'export. Le Sénégal a bien évidemment saisi l'occasion. Pour faire face au développement du trafic, et en particulier du transit malien, le Pad a lancé depuis cette date un vaste projet d'extension du terminal à conteneurs avec la réalisation d'un troisième poste à quai et la création d'une plate-forme de distribution sur 20 ha en zone Nord du port. Ces nouveaux équipements devraient être opérationnels cette année et permettront de faire passer le nombre d'escales à 3 000. Cet investissement fait partie de la stratégie sénégalaise visant à spécialiser le port de Dakar dans le traitement des conteneurs. Après avoir réussi un projet de construction de voirie avec Nouakchott, Bamako dont 70% des importations passaient par Abidjan avant 2002 est convoité également par Conakry. Le président Lassana Conté a offert au Mali un espace de 5 ha sur le port de Conakry pour la construction d'entrepôts. Conakry n'est qu'à 800 km de Bamako contre 1200 km pour Abidjan. Le gain est énorme.

Mieux, le Mali et le Burkina Faso ont fait de Lomé leur premier port, avec respectivement 43 % et 53 % de leurs exportations totales de coton fibre, le reste étant à peu près équitablement réparti entre Dakar et le Ghana pour le coton malien, Cotonou et le Ghana pour le coton burkinabé.

Ce détournement de trafic a un impact non négligeable sur le marché des produits industriels. Avant la crise, les pays de l'hinterland constituaient des débouchés naturels pour l'industrie ivoirienne. Abidjan représentant alors 40% du Pib de la zone Uemoa. Depuis, les investissements se sont accrus dans les autres pays réduisant d'autant les parts ivoiriennes.

Gbagbo a-t-il pris la pleine mesure du danger ? Le renforcement de l'axe avec Ouaga pourrait être une bonne réponse à ce défi, notamment la montée en puissance du Sénégal.

Il est vrai que la réorientation des flux de transit à la suite des événements ivoiriens n'obéit pas à un modèle uniforme comme le précise l'Afd. Cependant, il est établi aujourd'hui que les pays de l'hinterland ne souhaitent plus dépendre exclusivement d'un corridor et vont poursuivre leur politique de diversification des voies d'approvisionnement. La réouverture du corridor ivoirien ne signifierait sans doute pas le tarissement du trafic vers les autres ports, mais plutôt un rééquilibrage.

Cissé Cheick Ely

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