mardi 15 juillet 2008 par Le Temps

La guerre a éclaté, je ne suis pas venu, pour qu`on fasse un jugement, pour qu`on cherche qui a tiré le premier coup de feu et pourquoi, il a tiré. Mais la guerre étant survenue comment faisons-nous pour la vaincre, comment faisons-nous, pour ramener la paix.


Je suis à la fois ému et heureux d`être à Séguéla pour des raisons diverses que le maire Amadou Soumahoro a rappelées tout à l`heure. Je suis venu vous voir mais avant de rentrer dans le vif de mon sujet, je voudrais répondre à certaines interrogations pour qu`on se consacre au sujet de la paix. Monsieur le maire, petit frère et porte-parole des populations de Séguéla, oui, je reviendrai en visite d`Etat. Il ne reste pas beaucoup de temps, donc je vous confie au Premier ministre pour que vous fixiez ensemble la date parce que lui et moi quand nous avons discuté, ce qui nous gênait, c`était le mois du carême en septembre. Peut-il le faire après, je n`en sais pas grand-chose. Discutez et fixez une date et je me plierai à cette date.
Monsieur le préfet m`a soumis le cas du ranch de la Marahoué où les travailleurs ont de grosses difficultés et où ils ont des arriérés de salaire portant à peu près 400 millions. J`ai donné tout à l`heure, les Instructions au Premier ministre pour que dans les semaines qui viennent, on puisse débloquer les arriérés de 400 millions et qu`on puisse leur permettre de vivre dignement. Vous savez le problème le plus compliqué, sera l`usine d`égrenage du coton pour laquelle nous allons lancer les réflexions dès notre retour à Abidjan. On m`a aussi soumis le problème d`érection de Kani en département. j`ai consulté rapidement les uns et les autres et je puis vous affirmer que Kani est érigé en département. Les enseignants volontaires qui ont été recrutés après cette visite, c`est-à-dire après les examens dès que le ministre de l`Education nationale va nous soumettre le décret que nous allons signer immédiatement. Voilà M. le maire et porte-parole de la population, chers amis ce que je voulais dire d`entrée de jeu pour ne pas que notre propos sur la paix soit greffé par d`autres pensées. Avant de commencer, je voulais saluer toutes les personnalités de Séguéla. Les personnalités traditionnelles avec qui, j`ai discuté tout à l`heure, tous les imams à commencer par le plus grand imam de Séguéla, les chefs, à commencer par le chef Diomandé. Ils m`ont honoré en m`adressant une invitation à venir les voir. Je reviendrai pour la visite d`Etat, je me suis précipité pour aujourd`hui, pour les raisons que nous allons évoquer tout à l`heure. Je voulais saluer les femmes de ce département que je connais parce que les femmes et les hommes de ce département sont très nombreux dans mon département d`origine à Gagnoa. Et les Koyaka sont les plus nombreux. Et d`ailleurs, nos voisins les gouro, pour se moquer d`eux, on dit quand un gouro vieillit, il devient un Koyaka. Je crois que ce n`est pas faux. Les gens de Natis, voilà un qui est assis là Guai Bi Poin, il commence déjà à rassembler à un Koyaka. Je voulais saluer les personnalités religieuses et je voulais aussi saluer les prêtres qui sont venus m`accueillir qui font la vie quotidienne à Séguéla. Je voudrais aussi saluer les ministres Barry Batesti, Timité qui a été ministre de l`agriculture, Messemba Koné et Soumahoro et les ministres qui sont actuellement en fonction, Bakayoko des Affaires étrangères et Bakayoko des NTIC. A vous, tous chers frères, je vous dis merci de vous être déplacés pour venir m`accueillir. Chers amis, je suis à Séguéla, une terre que je connais bien. J`ai fait sept mois au camp militaire et c`est ici que j`ai écrit mon premier livre Soundjata, Lion du Manding. Mais je ne dis pas ça pour être amer puisque c`est un passage de ma vie qui m`a permis de mûrir et qui m`a permis de connaître beaucoup de personnes et qui m`a permis en particulier de connaître le fonctionnement de l`armée. Et si aujourd`hui, je parle à l`aise avec les militaires, c`est parce que je suis passé d`abord à Séguéla puis à Bouaké. Donc je connais cette ville. Le camp militaire et la ville elle-même. Mais je connais aussi le département, Sifié, Worofla, Djibrosso. C`est à Djibrosso qu`on m`a donné à manger la panthère de Djara. En me disant en 1993, qu`un chef mange de la chair de Djara. Et celui qui doit devenir chef mange aussi de la chair. J`ai mangé du djara et aujourd`hui, je suis devenu Président de la République. J`ai dormi à Djibrosso, à Kani mais Djarabana etc tout ça ce sont mes terres où j`ai mangé et dormi. J`ai marché parce qu`il faut chercher les voix l`une après l`autre. J`ai regardé les gens travailler dans les champs, dans les carrières de diamant partout et après je suis allé à Mankono où j`ai fait le même parcours. Je suis ici très à l`aise avec le peuple très à l`aise avec les gens. Je suis ici chez moi, content d`être là. C`est pourquoi, je vous dis chers amis ici à Séguéla, que la denrée la plus rare, la plus chère, c`est la paix. On ne nous jugera pas sur pourquoi nous avons fait la guerre. Mais on nous jugera demain sur notre capacité à faire la paix. Aujourd`hui, qui se souvient de celui qui a tiré le premier coup de feu dans la guerre de sécession aux Etats-Unis, personne. Mais on sait que c`est Abraham Lincoln qui a fait la paix. C`est le faiseur de paix qu`on retient. La guerre a éclaté, je ne suis pas venu, pour qu`on fasse un jugement, pour qu`on cherche qui a tiré le premier coup de feu et pourquoi, il a tiré. Mais la guerre étant survenue comment faisons-nous pour la vaincre, comment faisons-nous, pour ramener la paix, comment faisons-nous pour ramener la prospérité. Tel est le problème qui s`est posé à nous et qui se pose encore à nous. On a essayé plusieurs choses. On a essayé les discussions de Lomé, de Marcoussis, les Accords d`Accra 1,2,3, de Pretoria 1 et 2, la Kyrielle des résolutions de l`ONU, je ne sais même pas combien il y en a eu mais il y en avait tous les deux mois. Et j`ai un ami autrichien qui m`a dit, Laurent ne t`inquiète pas, si les résolutions tuaient, nous, on serait déjà morts. Mais prends courage et bats-toi. Tout ça, ne nous a pas apporté la paix. C`est alors qu`avec les amis, nous avons réfléchi et imaginé et que c`est nous- même ivoiriens qui devrons être auteurs de la paix. C`est le point de départ de la réflexion sur ce qu`on a appelé après, le Dialogue direct. Nous avons contacté les uns et les autres. Je dois dire qu`au bout du compte, j`ai rencontré des personnes qui ont rendu décisif cet Accord de paix. D`abord le Secrétaire général des FN, Guillaume Soro qui a saisi la main que je lui tendais. Et je voudrais ici le remercier publiquement. C`est pourquoi, lorsqu`il y a une ombre sur la paix, je ne peux pas le laisser seul à aller expliquer. Je dois venir moi aussi expliquer. Donc Guillaume Soro a saisi la main que je lui tendais, s`il ne l'avait pas saisie, je l`aurais tendu et quand la main allait être fatiguée, elle allait retomber auprès de moi. Ça, c`est une loi de la physique. Donc, je le remercie. La 2e personne a été le Président Compaoré qui m`a dit frère, cette affaire-là, viens on va s`arranger. Mais je peux vous aider. Je dis mais toi je t`ai accusé, et toi aussi tu m`as attaqué, comment nous allons nous arranger pour que ça soit crédible. Je voudrais saluer Guillaume Soro et Blaise Compaoré d`avoir saisi la main que je leur tendais. Blaise Compaoré est un ami de longue date. On s`est engueulé réellement, on s`est disputé comme les dents et la langue se disputent. On s`est même mordu et la langue a eu mal. Mais ça va. L`affaire est réglée et la guerre est finie. Chers amis de Séguéla, je suis réellement venu vous dire que la guerre est finie. La guerre est totalement finie, il faut croire à ça et si de temps en temps vous voyez quelques soubresauts, les chanteurs de zouglou disent que les moutons sont dans le même troupeau mais ils n`ont pas le même prix. Il y en a qui marchent un peu à reculons mais le troupeau avance. Et le troupeau arrivera à bon port. Donc je suis venu vous apporter la bonne nouvelle. Que la guerre est finie, elle est définitivement derrière nous. La 2e nouvelle, c`est que le 30 novembre, il y aura des élections. Alors, il y en a qui sont là, oui est-ce que Gbagbo ne nous roule pas. Je dis, au lieu d`attendre et puis le 30 novembre et dire que je crois que c`était faux, au lieu d`attendre ça, préparez-vous aux élections parce qu`elles auront lieu réellement. Si vous n`êtes pas prêts, il ne faudra pas m`accuser. Moi, ça fait longtemps que je crie que les élections auront lieu le 30 novembre. Voilà, les deux nouvelles que je suis venu vous annoncer. La paix encadre le développement, j`ai parlé tout à l`heure avec les vieux dans la maison mais j`ai vu aussi et j`entends. J`ai écouté le porte-parole de la population, le maire de Séguéla quand il a demandé la visite d`Etat, il a dit pourquoi, ils ont des problèmes qu`il faut régler et c`est notre rôle de les régler. C`est ce que j`ai dit aux chefs, si les rues de Séguéla sont dégradées et que je dis à un entrepreneur d`aller les faire s`il dit non, j`ai peur d`aller là-bas, on fait comment ? Donc la paix encadre le développement, nulle part, ni à Séguéla, ni ailleurs. C`est pourquoi, le Premier ministre et moi-même nous nous battons pour mettre la paix dans la tête des gens. Et tituber et tomber, n`est pas un problème, mais rester dedans, c`est celui qui ne sait pas se relever. Si tu ne sais pas se relever, tu es perdu parce que le jour ou tu vas tomber, tu ne pourras plus de relever. C`est pourquoi, en apprenant à marcher, on apprend aussi à se relever. Aujourd`hui, le moment est venu pour la Côte d`Ivoire de se relever. Je suis prêt à ça. Je suis prêt pour ça. Il y a tellement à faire ici, et certains hésitent à avancer sur la voie de la paix. On ne reste pas là où on n`a rien à manger. Si un mouton s`entête à rentrer dans une maison qu`on lui ferme la porte au nez, c`est qu`il y a de la banane ! A Séguéla, ici les gens reculent, on dit la paix, ils reculent et empêchent les gens d`avancer c`est que à Séguéla, il y a du diamant. Et à Vavoua, il y a du cacao, il y a du café. C`est à nous de savoir ça et de nous tranquilliser. Et de régler tranquillement le problème et nous allons le régler. Nous allons le régler parce que nous avons besoin de la paix. Et pour montrer au monde que la paix est arrivée, nous devons faire des élections. Nous allons faire les élections pour nous-mêmes parce que nous devons renouveler nos Institutions. Mais le monde aussi attend les élections pour prendre acte de notre volonté de faire la paix. Chers amis, chers frères, allons à la paix. Bientôt, très bientôt, les gens de la SAGEM vont passer pour faire les listes électorales, inscrivez-vous. Inscrivez-vous si vous voulez porter au pouvoir celui que vous voulez. Quand le temps est fini, le temps est fini. On aura à peu près 9 à 18 millions d`électeurs sur les listes électorales, ça sera en même temps, le recensement. Si quelqu`un est inscrit sur une liste électorale, c`est qu`il est ivoirien et ceux qui sont ivoiriens recevront automatiquement leur carte d`identité. Chers amis, voici ce que je suis venu vous dire. Engagez-vous dans la paix, engageons-nous sur la voie de la paix. Nous sommes déjà engagés sur la voie de la paix, demeurons-y. je vous appelle à un sursaut pour construire notre Nation. Notre nation a besoin d`être bâtie après une épreuve comme celle que nous avons connue. Oui, aucune nation ne s`est bâtie sans épreuves. Relisez l`histoire de tous les pays du monde, l`Allemagne, la France, l`Angleterre, les USA, l`Italie. Tous ces pays-là, forment une Nation aujourd`hui, parce qu`ils ont un souvenir commun d`une crise commune. Nous profitons de cet accident qui nous est arrivé pour bâtir notre Nation. Nous savons désormais qu`il n`y a pas de Séguéla, sans Kani, Mankono, Korhogo, etc La Côte d`Ivoire c`est le rassemblement de toutes ses terres. La Côte d`Ivoire, c`est le rassemblement de toutes ses filles et de tous ses fils. Que Dieu bénisse la Côte d`Ivoire, je vous remercie".

Laurent Gbagbo
Président de la République

Propos recueillis et transcrits par
Zéré de Mahi

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