mercredi 2 juillet 2008 par Le Patriote

Faire passer l'honnêteté pour un délit et le courage pour la veulerie. C'est la peine que se donne une infime partie de l'opinion. Pour qui connaît suffisamment la scène politique ivoirienne, il y a forcement quelque chose qui ne tourne pas rond. Un mauvais coup se prépare. La victime expiatoire n'est autre que le ministre de l'Agriculture, Amadou Gon Coulibaly. A peine les juges chargés d'instruire l'affaire sur les présumées malversations dans la filière café-cacao ont-ils fini d'auditionner les directeurs, PCA et autres DAAF des structures de gestion, que des Procureurs sans toge ne manquent pas d'accabler le ministre de l'Agriculture. Amadou Gon Coulibaly, il est vrai, assure les responsabilités de patron du monde paysan et de la politique agricole ivoirienne depuis mars 2003 où il a fait son entrée au sein du Gouvernement de réconciliation nationale. A ce titre, tout ce qui est du secteur de l'Agriculture devrait être son affaire. Mais, n'oublions pas que nous sommes en Côte d'Ivoire. Depuis l'instauration des gouvernements dits de réconciliation nationale, plus rien ne tourne rond dans ce pays. Des ministres ont vu des pans entiers de leurs champs de compétence réduit comme peau de chagrin. C'est le cas des ministres du Transport et des Infrastructures économiques qui ne gèrent pas les Ports d'Abidjan et de San Pedro. C'est aussi le cas des ministres de la Communication auxquels, a échappé pendant un bon moment, le contrôle des médias d'Etat. C'est surtout le cas pour le ministre Amadou Gon Coulibaly auquel Laurent Gbagbo a retiré depuis 2004, la gestion de la filière café-cacao. Cela, tout le monde le sait. Et le ministre, du fait de sa coloration politique, ne saurait être accusé de quoi que ce quoi dans cette affaire de corruption dans la filière café-cacao. L'exemple patent est bien vivant sous nos yeux. Selon la dernière livraison de l'hebdomadaire Jeune Afrique , Laurent Gbagbo aurait décidé une réforme de la filière, à la lueur des investigations des magistrats ivoiriens. A qui devrait-il confier cette mission ? Au ministre de l'Agriculture, bien évidemment. Mais non ! Jeune Afrique précise que Laurent Gbagbo a donné les pleins pouvoirs à son Conseiller spécial Aubert Zohoré, chargé des relations avec les institutions financières internationales et des affaires économiques, de mener la réforme de la filière café-cacao qui prévoit la fusion de toutes les structures de gestion et le retour des ventes à terme des deux produits . Que vient chercher un conseiller spécial chargé des relations avec les institutions dans un tel dossier ? Curieuse démarche pourrait-on dire. Mais le chef de l'Etat est dans sa logique. Non seulement, Amadou Gon Coulibaly n'a pas été informé, du moins officiellement, de l'ouverture d'une enquête, mais les services de la présidence ne l'ont jamais saisi pour lui dire qu'une réforme de la filière était en cours. Pour eux, il est clair que la filière café-cacao est une affaire du palais présidentiel, sinon du FPI au pouvoir. En effet, anciennement Directeur de cabinet du ministre de l'Economie et des Finances que fut Paul Antoine Bouabré, c'est ce même Aubert Zohoré qui a pensé, orienté, animé et mis en place toute la politique de gestion de la filière après la belle mort de la Caistab et de la Nouvelle Caistab. Il en a piloté avec les dirigeants actuels, déférés à la MACA, toutes les options managériales et structurelles. Aubert Zohoré s'est affirmé, surtout, comme le défenseur du dossier de l'achat de l'usine de Fulton. En 2004, le Bureau National d'étude Technique et de développement (BNETD) avait estimé à quelques huit milliards de francs CFA les investissements nécessaires au fonctionnement de l'usine de chocolat de Fulton. Amadou Gon Coulibaly saisit alors le Premier ministre Seydou Diarra auprès de qui il proteste contre cette transaction. Autant dans la forme que dans le fond. Le dossier est abordé en Conseil des ministres. Le gouvernement s'oppose. Seydou Diarra Premier ministre, proteste aussi dans la même veine que son ministre de l'Agriculture et demande la suspension pure et simple de l'opération de rachat. C'était trop tard. Le Conseil d'Administration du FRC, le 1er mars 2004 avait déjà bouclé son deal. Ni le ministre de l'Agriculture ni le Premier ministre Diarra n'en étaient informés. Seulement, Angéline Kili avait reçu l'assurance d'Aubert Zohoré que le chef de l'Etat était au parfum de tous les arrangements et qu'il avait donné son accord. Pascal Affi N'Guessan qui n'est officiellement ni ministre, ni opérateur dans la filière, ni responsable d'une des structures de gestion ou de régulation, s'est rendu aux Etats-Unis pour fêter l'achat et célébrer l'amitié américano-ivoirienne à la tête d'une délégation d'officiels membres du FPI, le 14 mai 2004. C'est un exemple parmi tant d'autres. Ainsi ont fonctionné toutes les structures de la filière café-cacao. Les responsables ne dépendaient pas du ministre Amadou Gon. Les transactions non plus. Alors, d'où vient-il qu'après avoir bu jusqu'à la lie et dans le secret total le chocolat de la compromission, que les responsables de la gestion de la filière, le chef de l'Etat en tête, veuillent aujourd'hui, à l'heure du bilan, impliquer le ministre de l'Agriculture. Amadou Gon Coulibaly a-t-il été seulement consulté pour la nomination des Tapé Do, Angéline Kili, Placide Zoungrana et autres ? Non , précise une source proche de son cabinet. Au même titre que un Mabri Toikeusse ou Achi Patrick ne sauraient être tenus pour responsables des nombreux dérapages financiers de la direction du Port d'Abidjan, de même, le ministre de l'Agriculture ne saurait répondre des actes posés par les responsables de la filière qui, on se souvient, ne manquaient de le défier même dans la presse. Le dernier en date reste Tapé Do, patron de la Bourse du Café et du Cacao. Dans une interview accordée à un journal de la place, il chargeait le ministre de l'Agriculture arguant qu'il voulait prendre l'argent des planteurs pour le mettre à la disposition de son parti . Un homme qui dépend d'une autorité et qui répond d'elle peut-il raisonnablement tenir de tels propos ? Tapé Do répondait de Laurent Gbagbo. C'est lui qui l'a nommé, c'est à lui qu'il rendait compte. C'est surtout à son parti qu'ont été destinés les milliards de francs Cfa dont ont parlé les paysans de l'Anaproci dans une déclaration publiée dans la presse jeudi dernier. La justice ivoirienne ne devrait pas perdre de vue les enjeux essentiels. Si, en vérité, elle n'est pas manipulée, elle devrait se tourner vers ceux qui, en fin de compte, doivent rendre des comptes au peuple : Laurent Gbagbo et ses collaborateurs.

Charles Sanga

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