lundi 9 juin 2008 par Le Nouveau Réveil

Fallait-il réagir (au risque de paraître irrespectueux) à cette énième sortie médiatique de notre prolixe de chef, Laurent Gbagbo, qui dès qu'il perçoit une caméra ou un micro de journaliste - surtout quand ce journaliste est de peau blanche et qu'il vient de France ? Rappelons-nous que, dans notre pays, on en est même venu à suspendre le cours d'un journal télévisé de 20 H pour nous annoncer avec une joie de sous-développés que M. Sarkozy, le président de la République de France, vient de donner un coup de fil à M. Laurent Gbagbo ! Une manière en somme de nous dire que notre chef fait partie des grands de ce monde ! Misère mentale !...
Fallait-il aussi se taire à la lecture de cette interview, au risque (peu honorable) de se voir traiter demain de complice, par le silence que l'on aura observé sur les déviances d'un chef qui, selon toute vraisemblance, a perdu depuis belle lurette le chemin de la sérénité qui caractérise le comportement des vrais chefs ?
Comme à mes habitudes, j'ai choisi la seconde voie : refuser le silence irresponsable des lâches en usant de mon tour de parole et de mon droit citoyen de donner mon opinion sur le discours de notre chef. Oui, j'ai choisi de parler, de dire mon refus ferme des discours de la honte et de l'opprobre, afin de débusquer les contrevérités intolérable et inacceptable. J'ai choisi de réagir à cette interview offensante au peuple de Côte d'Ivoire, que vient de nous servir le chef de l'Etat ; une interview injurieuse et mauvaise, autant dans la forme que le contenu.
J'ai fait cette option parce que l'auteur des propos tenus est notre chef, et que tout ce qu'il dit et fait (de bon comme de mauvais) engage mon pays, notre pays, notre intelligence collective, et détermine le regard que l'opinion internationale jette sur nous : une réflexion gênante affirme en effet que les peuples sont à l'image de leurs dirigeants - ce qui n'est pas forcément à l'avantage des premiers, car trop de mauvais dirigeants prospèrent sur la terre.
Il y a tant à dire sur cette interview. Je me limiterai cependant à quelques centres d'intérêt.

I/ A propos de la démocratie : falsification de l'histoire
Dans cette interview, M. Gbagbo se dresse sans pudeur, le portrait d'un démocrate achevé. Il serait bon de signaler que nombre d'entre nous (dont moi-même) s'étaient laissés à croire à cette vertu qu'il ne cesse de se donner, jusqu'à ce que les faits (eux qui ne mentent ni ne trompent jamais), nous aient éclairés sur la véritable nature de cet homme. Gbagbo déclare, dans cette interview (2è colonne, 3è paragraphe) ceci : " Je ne pouvais pas accepter que des gens veuillent prendre le pouvoir par les armes. QUE CE SOIT EN 1999, en 2002 ou lors de cette tentative de ''pieds nickelés'' ().
Comment un homme, qui se prévaut de la chrétienté et qui plus, est un chef d'Etat, triplé d'un professeur d'histoire, peut-il accumuler tant de contrevérités en si peu de mots ? M. Gbagbo prétend qu'il ne peut pas accepter que des gens veuillent prendre le pouvoir par les armes, lui qui avait intégré dans son programme de conquête du pouvoir, l'usage de la violence. Oh ! Je vois d'ici les refondateurs et toute la faune des fanatiques bêtisés de ce régime criminel réfuter énergiquement mes propos. Allons, calmons-nous, et lisez tranquillement avec moi ce que Gbagbo Laurent, lui-même, a écrit et dit au cours de l'année 1997, lors de la Fête de la Liberté qui s'était tenue à Adzopé ; propos qu'il a repris presque intégralement, précisément le 29 décembre 1999, en Côte d'Ivoire, quand il adressait des félicitations à ses amis militaires qui avaient réussi le coup d'Etat de décembre 1999 contre Henri Konan Bédié :
" Si le régime veut ruser avec Laurent Gbagbo qui veut l'opposition pacifique, ILS TROUVERONT SUR LA ROUTE DES LAURENT KABILA. Nous sommes là, nous sommes dans ce cas de figure. Je leur proposais une bataille loyale avec mesure pour que le plus populaire et le plus aimé gagne. On a voulu ruser avec moi. Je pense que tous les hommes politiques ivoiriens doivent comprendre, premièrement, que ça n'arrive pas qu'aux autres. Deuxièmement, que la Côte d'Ivoire est un pays comme les autres. Donc ce qui amène une situation chez les autres, peut amener la même situation ici ". Conf. Journal Notre Voie du 30 décembre 1999.
Laurent Kabila est-il l'exemple d'homme politique qui conquiert pacifiquement le pouvoir d'Etat ? Pourquoi Gbagbo n'a-t-il jamais fait référence à Gandhi et à Martin Luther King dans son approche du combat politique ? Pourquoi ses modèles de référence sont-ils L. Kabila, Paul Kagamé, Kadhafi, Mugabé, Dos Santos, sans oublier Lénine et Mao Tsé Toung qui lui furent enseignés par Bernard Zadi, notre maître à tous - nous autres les apprentis socialistes des années 1970 ? Sont-ce là des références de conquérants pacifiques du pouvoir d'Etat ?

II/ Du coup d'Etat de 1999
Laurent Gbagbo prétend qu'il s'est insurgé contre le coup d'Etat de 1999. C'est grave ! Lisez avec moi ce que Gbagbo a confié officiellement, et qui a été transcrit et diffusé publiquement dans le journal français La Croix, le 10 janvier 2000, (deux semaines après le coup d'Etat de décembre 1999 : " Ce coup de force (contre Bédié - précision faite par le journal La Croix), NOUS l'APPROUVONS TOTALEMENT. Il y a des moments où l'intervention des militaires fait au contraire progresser la démocratie. Dans les pays africains, ou dans les pays de dictature affichée ou larvée, les putschs ne sont pas forcément une mauvaise chose. Parfois même, c'est une avancée pour la démocratie ".
Tous les Ivoiriens ont lu ces propos ; tous les Ivoiriens ont vu à la télévision, le FPI donner sa caution au coup d'Etat de décembre 1999 sur, bien évidemment, consignes de M. Gbagbo Laurent. La suite du plan prévoyait en effet qu'il soit à la tête de ce gouvernement de putschistes ; heureusement pour lui, ses amis socialistes français (à qui il arrive de temps en temps d'avoir du bon sens) lui ont déconseillé cette voie. Ce soutien que Gbagbo et son parti, le FPI, ont donné au coup d'Etat avait même fait dire au Pr Zadi, les propos suivants : " Laurent Gbagbo et le FPI doivent quand même comprendre que l'idéal socialiste a proscrit le coup d'Etat comme moyen d'accession au pouvoir. Comment peuvent-ils soutenir ce qui vient d'arriver à notre pays ? "
Oui, comment ont-ils pu soutenir ce coup d'Etat ? Maître, acceptez que l'élève vous donne la réponse à cette question qui a interpellé l'intelligence de tous ceux d'entre nous qui nous réclamions de la gauche démocratique, et qui sommes restés fidèles à ses idéaux : c'est parce que le coup d'Etat de 1999 est une inspiration du FPI de Gbagbo et de certains pays dont ils avaient acquis l'appui diplomatique. Rappelez-vous qu'au plus fort des tensions entre Gbagbo et le Président gabonais, le dernier avait menacé de nous faire des révélations sur le coup d'Etat de 1999. Il avait même dit que c'est lui qui avait prêté son avion à Gbagbo pour que ce dernier regagne vite la Côte d'Ivoire. Gbagbo a ainsi regagné la Côte d'Ivoire, une nuit, par Bouaké, après une escale au Burkina. A Bouaké, il a été accueilli comme un président par les militaires FPI infiltrés au sein des Fanci. Pour éviter que le président Bongo (qu'il avait traité de rigolo), nous révèle ces choses, il s'est dépêché de se rendre à Syrtre (Tripoli) pour lui demander pardon, en catimini
J'ai avec moi, comme soutien et autres preuves de ce que j'avance là, le témoignage de nombreux officiers (dont je ne peux me permettre de révéler les noms dans un article de journal), et surtout celui de Zoin Honoré que je cite souvent, dans cette affaire. Je précise que je connais l'homme, et que ce dernier me connaît également. Ecoutez Zoin Honoré, un des réalisateurs du coup d'Etat et ex-ministre de la Jeunesse et des Sports sous la transition militaro-FPI : " ( au mois de décembre, nous les jeunes militaires, nous étions partis pour manifester contre notre ministre de la Défense dans les rues. Et le président (du FPI - NDLR) nous a envoyé notamment Lida Kouassi, Odette Sauyet et Freedom Neruda dans la rue pour nous dire que la Côte d'Ivoire souffre depuis 40 ans avec le PDCI et que c'était une occasion rêvée. Et que notre manifestation ne devrait pas être qu'une simple manifestation de réclamation de primes". Conf. Le Nouveau Réveil, n°1143 du mercredi 05 octobre 2005.
Un détail frappant : Zoin Honoré cite Lida Kouassi, Odette Sauyet, Freedom Neruda (de son vrai nom Tiéti Roch d'Assomption, aujourd'hui ambassadeur en Iran) ; or, Lida Kouassi confirme presque cette accusation en nous révélant, dans une interview accordée à Fraternité Matin en mars 2001, que les 22, 23 et 24 décembre 1999, Odette Sauyet, Freedom Neruda et lui, se trouvaient effectivement " dans les camps militaires en ébullition ".
Il affirme même, dans cette interview, que le FPI avait infiltré l'armée ivoirienne depuis des années et que c'est grâce à cette démarche qu'ils ont pu survivre dans l'opposition et fait face à l'adversité. Nous remarquerons d'ailleurs que la plupart des membres de l'Etat major des militaires et civils putschistes qui entouraient Robert Guéi, sont en réalité des militants ou sympathisants du FPI ; entre autres : César Sama, Mathias Doué dont les rapports extra conjugaux (à l'époque) avec la cadette de Laurent Gbagbo n'étaient un secret pour aucun ivoirien) ; Lida Kouassi (membre du Comité central du FPI et conseiller militaire de Robert Guéi, le chef de la junte) Oh, comme il s'était retrouvé piégé par Gbagbo et les refondateurs, le pauvre Robert Guéi !!!
C'est le FPI de Gbagbo qui a été l'inspirateur du coup d'Etat de décembre 1999. C'est pourquoi Laurent Gbagbo s'était cru en devoir de dénoncer la première distribution des postes ministériels aux putschistes, et d'exiger de Robert Guéi, " des postes juteux " - l'expression est des refondateurs - au profit de son parti le FPI. Et Guéi s'est exécuté, à bon escient : il fallait rendre à Gbagbo et au FPI, ce qui était à Gbagbo et au FPI : le produit du coup d'Etat de 1999. Je repose la question que je n'ai eu de cesse de poser aux refondateurs : celui qui n'a pas tué l'éléphant a-t-il le droit d'exiger la part la plus grosse du gibier, à la distribution ?... à moins toutefois qu'il n'ait fourni les cartouches qui ont servi à tuer le gibier ! Dans un cas comme dans l'autre, la participation du plus grand bénéficiaire de la distribution du gibier à la chasse, tombe sous le coup du bon sens. Et, contrairement à ce que notre chef raconte dans cette interview de contrevérités choquantes et inadmissibles de la part d'un chef d'Etat, ni lui Gbagbo, ni aucun membre de son parti n'a jamais désavoué ce coup d'Etat. Bien au contraire, des films sont là, qui ont fixé pour la postérité, la joie inélégante et imbécile des putschistes et des demeurés qui avaient salué ce coup d'Etat, sabré le champagne, dansé sur un podium de la honte et du déshonneur, le zouglou des gueux et des conjurés qui chantèrent et dansèrent à la chute du président légal, démocratiquement élu en 1995, par la voie des urnes.
Dans une interview qu'il a accordée à Jeune Afrique au cours de cette même période, M. Gbagbo avait même justifié ce coup d'Etat par des propos injurieux contre l'ex-président déchu (Bédié) dont il disait qu'il était " intellectuellement limité et incapable de diriger la Côte d'Ivoire ". Et, comble de mépris, il a même ajouté : " Et je pèse bien mes mots ! " On peut retrouver ce journal et ces propos vilains qu'il y avait tenus. Que nous raconte donc M. Gbagbo ? Comment peut-il se permettre, lui un professeur d'histoire, de falsifier des faits si récents, dont les cendres continuent de réchauffer les méandres encore meurtries de notre mémoire ? Quand est-ce que cet homme comprendra-t-il qu'il y a des responsabilités qu'on assume et qui ne peuvent s'accommoder des manquements éthiques, comme le fait de travestir des faits, de donner dans la contrevérité et le grossier mensonge ?
Non, n'ayons pas peur des mots : notre chef n'a pas dit la vérité. Et ce n'est pas la première fois. C'est pourquoi nous devons, non pas le haïr (comme avait décidé de le faire le conseil des Vieux dans la célèbre pièce " Le secret des dieux " de Bernard Zadi), mais oeuvrer à le démettre de ses fonctions, parce qu'il n'est plus digne de nous représenter et de parler en notre nom. Et je vous le dis, Ivoiriens : Tuons en nous la peur. Exprimons nos indignations, exigeons de notre peuple, de nos institutions et de l'opinion internationale, le rejet de la candidature de M. Gbagbo à la prochaine élection présidentielle, pour falsification de faits historiques, destruction de l'Education nationale, encouragement à la débauche de la jeunesse, déshonneur jeté sur la Côte d'Ivoire, sans oublier les crimes ignobles commis sous son règne. L'acte de candidature même de Laurent Gbagbo est déjà en soi, une insulte à l'intelligence des Ivoiriens !

III/ Sa vision de la politique et du pouvoir : complots, crimes et intrigues
Rappelez-vous chers compatriotes un des derniers propos du Gl Robert Guéi, une semaine avant son assassinat : il avait dit qu'il descendait sur Abidjan pour rendre la gifle qu'on lui a donnée et aussi, révéler aux Ivoiriens ce qu'ils ne savaient pas sur décembre 1999 et les élections de 2000. A cette occasion, il avait taxé notre chef de " boulanger " et d'enfarineur. Hélas ! Robert Guéi n'a pu faire ces révélations qui eussent pu ouvrir un tant soit peu les yeux des Ivoiriens sur la nature réelle de celui que nous avons eu l'imprudence de porter au sommet de l'Etat : il a été tué avec la complicité de deux membres importants du clergé catholique, sur ordre de qui?
Mais bon nombre d'entre nous savent certaines de ces choses que le général voulait révéler aux Ivoiriens : comment le FPI a triché à la présidentielle de 2000 en bourrant les urnes - les bureaux de vote étant remplis de leurs militants. Robert Guéi, qui n'avait l'appui d'aucun parti politique, s'était laissé berner par le machiavélisme de Gbagbo qui l'avait assuré d'une victoire tranquille en lui jurant qu'il ne lui ferait pas ombrage à cette présidentielle qu'il lui offrait. Seule précaution à prendre : éliminer, outre Alassane Ouattara, mais aussi et surtout, tout candidat Pdci, pour garantir le succès de cette opération. Ce qui a été fait avec la complicité de M. Tia Koné
" Qu'on se le dise franchement : Henri Konan Bédié (dont je suis vraiment loin d'être un farouche admirateur) n'a pas été défait par la voix (e) des urnes, mais plutôt par des mutins ou rebelles (ce sont les mêmes choses) armés, en treillis. Que nous ayons, par dépit, erreur ou cécité politique, ''fait avec la situation'' en nous inclinant au pouvoir des armes (nous n'avions pas d'expérience de cette situation), est une chose ; mais nous refuser, comme nous l'avons fait en octobre 2000, les possibilités de légitimation historique de ce coup d'Etat en faussant le jeu ''démocratique'' par élimination des candidats (Bédié et Ouattara) réellement populaires et indiscutablement représentatifs à eux deux, de la part majoritaire de l'électorat, ce fut assurément là, une grossière méprise et imposture politiques que nous devions payer, tôt ou tard - les mêmes causes produisant les mêmes effets. Il n'y a pas de hasard en Histoire et en politique !
S'il est admis que le peuple fut vraiment soulagé du départ de l'ex-président de la République (encore faudrait-il le démontrer réellement par des statistiques), j'incline aujourd'hui à croire que ce même peuple aurait été davantage soulagé et même très heureux et tranquille que le prince ''détesté'' fût battu de manière démocratique, par le verdict des urnes. Les élections d'octobre 2000 nous donnaient vraiment l'occasion, mieux, la chance de ce ''réajustement politique'' et, conséquemment, nous offraient des possibilités de légitimation historique du putsch de décembre 1999. L'objectif essentiel de la transition n'était-il pas, comme nous le rappelle encore Laurent Gbagbo dans son discours du 29 décembre 1999 à ses militants, de créer les conditions d'une vraie démocratie en vue de l'organisation d'élections justes et transparentes ? Il disait aussi, Laurent Gbagbo : Je ne veux pas qu'on fasse le changement contre des Ivoiriens. Je veux que l'ensemble des Ivoiriens soit associé au changement et qu'on arrive à un Etat démocratique parce que nous avons les moyens de faire un Etat démocratique. Nous pouvons être un Etat démocratique et être un exemple en Afrique - c'est nous qui soulignons.
La belle profession de foi politique ! Le changement s'est effectivement fait contre d'autres Ivoiriens, avec l'approbation et la complicité du FPI ; et nous n'avons rien fait non plus pour donner de nous, cette image de pays de démocratie, exemplaire en Afrique, dont on se faisait pourtant le chantre : nous avons, bien au contraire, triché avec la démocratie, rusé avec l'Histoire " Conf. Tiburce Koffi, Côte d'Ivoire, l'agonie du jardin, Abidjan Néi-ceda.
Bref, sur conseils de M. Gbagbo, Robert Guéi a accepté de faire éliminer tout candidat susceptible de gagner la présidentielle de 2000 ; et Tia Koné a trahi l'éthique de sa profession en acceptant ce jeu dangereux qui a conduit la Côte d'Ivoire dans l'impasse que nous connaissons. On sait la suite de l'histoire : sur un tapis rouge sang et ensanglanté, par dessus le martyre des populations du nord massacrées par centaines dans les quartiers populeux d'Abidjan par les miliciens du FPI, M. Gbagbo gravissait les escaliers du perron qui le menait au trône ; l'homme venait de réaliser sa grande ambition : devenir Président d'une République ! Etre un jour, chef d'Etat. Les derniers témoignages de Boka Yapi (au Bénin) ont révélé et démontré comment les tueries d'octobre 2000 ont été panifiées et menées par les milices. Venance Konan (qui a eu le bonheur de ''tomber'' sur ce témoignage de qualité historique exceptionnelle), a déjà eu à publier des pans importants de ce document, à Fraternité Matin - du temps d'Honorat Dé Yédagne bien sûr ; la précision n'est pas inutile !

IV/ La culture de la violence
S'il y a bien une chose, une seule que Laurent Gbagbo a assimilée dans sa compréhension et lecture de la politique, c'est la prise en compte du facteur violence dans l'Histoire ; une violence qu'il a intégrée à sa vision et à son action politiques. Rien que sur le plan littéraire, son modèle n'est-il pas Soundjata Kéita ? Quand éclate la rébellion en 2002, quelles sont les premières paroles qu'il a lancées à l'endroit des insurgés ? M. Gbagbo a brandi l'épée contre l'épée. Lisez attentivement avec moi, ce qu'il écrit dans Soundjata :
" Je suis au pouvoir, j'y reste " (p.18).
Depuis qu'il a accédé au pouvoir, que dit d'autre Gbagbo, sinon, qu'il y reste ?
" Soumahoro est venu chez nous pour parler le langage des armes ; c'est par le langage des armes qu'il fallait lui répondre (p.27).
Conformément à ces propos écrits en 1979, c'est par le langage des armes qu'il décide effectivement de s'adresser à la rébellion, malgré les conseils de M. Bédié qui lui, proposait un dialogue direct avec les rebelles.
" Je ne suis pas de ceux qui chantent la paix
Alors que leurs peuples sont l'objet d'agressions quotidiennes " (p. 83).
Cette réflexion était une manière de désavouer le culte de la paix qui était un des fondements essentiels de la vision qu'Houphouët avait de la politique et de la cohabitation avec les pays alentours.
" Tu as pris le Manding par la force des armes
Nous le libérerons par la force des armes " (p.83)...
Ce fut effectivement son obsession : mettre fin à la rébellion par l'affrontement militaire. Mars 2004 signe les derniers échecs de cette vision offensive du règlement de la crise que connaissait notre pays.
Comme on le voit, chacune de ces citations est marquée du sceau de la violence. Chaque sortie de Gbagbo est aussi caractérisée par l'expression d'un ego inquiétant. Quand il parle du pouvoir, il dit " mon fauteuil ". On peut s'amuser à compter le nombre de fois où il parle de " son " fauteuil. Non, camarade Gbagbo : ce n'est pas TON fauteuil. C'est le fauteuil présidentiel ; un siège symbolique qui appartient à la République de Côte d'Ivoire (que tu n'as pas créée, mais que tu contribues plutôt à détruire). Il n'est pas à toi. Que cela soit clair une bonne fois pour toute dans ton esprit, camarade président !

V/ Un ego ridicule et peu sain
Laurent Gbagbo affirme dans cette interview : " C'est moi qui ai lutté pour la démocratie ; c'est moi qui ai fait de la prison Des prisons J'ai fait au moins quatre fois de la prison pour que nous ayons de nouveau cette démocratie. C'est moi qui ai été en exil pendant six ans et demi à Paris () Je suis là, et c'est moi qui ai ramené la démocratie par mon combat quotidien. Il faut que cela se sache ! "
Quelle vibrante proclamation d'amour de soi ! Quelle autoglorification ! Quelle infatuation ; et quelle énorme falsification et travestissement de l'histoire. Enfin, quelle récupération malsaine ! Non, que surtout personne n'essaie de me retenir : Jeunes gens de 15, 18, 20 ou 30 ans, je vous le dis tout net : cet homme ne dit pas la vérité. Et je me dois de rétablir la vérité historique qu'il transgresse de manière inacceptable. Oui, il a connu l'exil ; mais il n'a pas été le premier, ni le seul comme il le proclame. Bien avant lui, des Ivoiriens ont connu l'exil pour le combat en faveur du multipartisme, la démocratie et la souveraineté nationale. Mémel Foté a connu la prison et l'exil avant lui ; Françis Wodié, de même. Même après lui (Gbagbo), il y a eu Sahiri Léandre (un ami et camarade à moi qui vit toujours à Paris), Marcel Amondji, et bien d'autres dont les noms échappent, sur l'instant, à ma mémoire...
Le combat pour la pluralité d'expression n'est pas une invention ni une aventure intrépide de M. Gbagbo Laurent. Il y a eu, outre des prédécesseurs comme Gbaï Tagro (le plus intrépide d'entre tous à la fin des années 1970), des maîtres aussi qui ont semé ces idées et les ont fait prospérer. Précèdent encore Gbagbo dans ce combat, outre Mémel Foté, Désiré Tanoé (le maître de la pensée de gauche en Côte d'Ivoire), Françis Wodié, Doudou Salif, l'avocat Adam Camille, Désiré Ecaré, Barthélemy Kotchy, Oupoh Oupoh, Ngo Blaise, Bernard Zadi (son véritable maître - qui est aussi le mien), Samba Diarra, Kodjara, Amadou Koné et les figures légendaires et emblématiques des complots de 1963, parmi lesquels Bernard Zadi qui eut pour compagnon de cellule à Assabou, Jean Konan Banny, frère aîné de M. Charles Konan Banny. Bernard Zadi compte même au nombre des témoins de la mort d'Ernest Boka ; et Gbagbo n'a pas connu ces choses-là, qui figurent au nombre des moments les plus durs de la vie politique ivoirienne.
Oui, jeunes gens, celui qui vous tient ces propos compte au nombre des dernières mémoires libres de la gauche ivoirienne de la génération 1970-80, pétries entre les mains de nos maîtres universitaires que furent et demeurent les Pr Kotchy, Zadi, Wodié et Niamkey Koffi. Et je ne peux accepter que Gbagbo Laurent, devenu président de la République par un bégaiement de l'Histoire, falsifie l'histoire de ce combat épique pour lequel de nombreux ivoiriens ont fait tant de sacrifices.
Quand il a fui la Côte d'Ivoire, en 1982, à cause d'une petite colère d'Houphouët (pour aller se cacher en France et rédiger des tracts et un malheureux livre), nous sommes restés sur place, au pays, nos maîtres et nous, et d'autres enseignants courageux (comme Laurent Akoun, Ganin Bertin) qui étaient en avance sur nous dans le combat, et qui nous ont encadrés sur le terrain de la lutte syndicale et politique : Améa Jean, Patrice Nda, feue Jeanne K., Any Roger, Ndri Constantin, Josette Abondio, Guillaume Koffi Kouassi, Tapé Kipré, Danho Eléonore, Jean-Paul Ndépo, Valérie Diby, Désiré et Honoré Adé, entre autres, comptent au nombre de ces combattants pour la cause ; et tous ont continué la lutte pour faire triompher le grand idéal qui nous avait nourris et que les refondateurs ont trahi aujourd'hui. Et nous nous sommes vraiment battus. Nous avons, nous aussi, fait la prison (la Sûreté nationale, la DST, la Maca), Séguéla ; nous avons connu la fourgonnette bleue des RG, les menottes, la séparation d'avec la famille, les interrogatoires, les suspensions de salaire, etc. Certains d'entre nous n'ont pas survécu aux maltraitances de Séguéla et ils sont morts quelques temps après notre libération : Appia Koménan, Traoré Yaya (paix à vos âmes, camarades !)
Comment donc Laurent Gbagbo peut-il se permettre d'effacer toute cette histoire, tout ce combat collectif, pour ne parler que de sa personne ?! Quel (s) risques majeurs a-t-il pris que nous n'avons pris, nous autres qui sommes restés ici pour affronter la colère royale de Boigny-le-redoutable en ces temps là où, selon la belle expression du maître B. Zadi, " Le PDCI avait les dents rouges, grondait et crachait du feu comme dragon de nuit ? " Un chef d'Etat est-il Dieu pour (re) créer le monde à sa guise ? Si oui, que Gbagbo sache que les adversaires les plus farouches des hommes-dieux, ce sont les intellectuels libres et iconoclastes par option idéologique ! Et dans le cas précis de ce combat, j'en suis un. Non : tant que je serai vivant, tant que je ne serai pas devenu manchot, je ne laisserai aucune chance à M. Gbagbo et aux refondateurs de dire des contrevérités aux jeunes gens et de falsifier l'histoire des luttes libertaires de notre pays. Ca suffit !!!

VI/ La menace sur la Côte d'Ivoire
M. Gbagbo affirme : " En 1990, contre Houphouët, j'avais gagné les élections ". Ridicule ! Il sait très bien que personne, à part les zombies de son parti, ne le prend au sérieux. Ainsi, si je comprends bien, c'est M. Gbagbo, ex candidat à une élection, qui donne lui-même le résultat de cette élection, qui a été proclamé officiellement, il y a 18 ans ! Et sans aucune réelle contestation alors. Si M. Gbagbo peut se permettre une telle hérésie aujourd'hui, pourquoi ne se permettrait-il pas de proclamer lui-même les résultat du prochain scrutin présidentiel, comme il l'a fait d'ailleurs en 2000 ?
J'ai déjà eu à alerter les Ivoiriens sur ce qui va se passer à la prochaine présidentielle : Gbagbo s'est déjà proclamé vainqueur ! Vous êtes avertis. Le discours qu'il vient de dire sur sa prétendue victoire sur Houphouët signifie ceci : en 1990, j'ai battu le grand Houphouët ! Alors, ce ne sont pas vous, Alassane, Bédié ou Gnamien Konan qui pouvez me contrarier. Il a répété à deux reprises cette phrase étrange : " Pourquoi je serais battu ? Pourquoi je serais battu ? " (2è colonne, p.3). Gbagbo a donc déjà annoncé sa victoire à la prochaine présidentielle. Et si les forces de résistance et de refus de ce hold-up électoral (qu'il vient d'annoncer) s'avéraient fortes, il créerait sa République, en faisant sécession. Ecoutez-le parler de l'hypothèse de sa candidature ! Comme si cela devrait être une hypothèse qu'il soit candidat. M. Gbagbo prétend ne pas savoir s'il sera candidat ou pas ; il affirme que " c'est trop tôt pour le dire, pour le moment " (p.3, Col 1). M. Gbagbo a déjà eu à dire à Henriette Diabaté et aux candidats de l'opposition, de s'atteler à mener leurs campagnes électorales parce qu'il y avait longtemps que lui, était en campagne ! On peut retrouver les journaux où se trouvent ces propos. M. Gbagbo a déjà désigné ses directeurs de campagne qui, depuis belle lurette, sillonnent le pays et animent des meetings ; M. Gbagbo reçoit régulièrement ses clubs de soutien, leur donne de l'argent pour faire sa campagne électorale. Des tee-shirts sont même confectionnés à cet effet. Et M. Gbagbo affirme en toute sérénité qu'il ne sait pas encore s'il sera candidat, et qu'il n'a pas encore décidé ! On peut le dire : il se moque vraiment des Ivoiriens !...
Il y a tant à dire sur cette autre interview du dérapage de la pensée que vient de nous servir notre chef d'Etat qui, assurément, continue de porter un manteau (celui de chef d'Etat) qui n'est pas fait à ses mesures : ses réflexions sur la réfection des écoles françaises (qu'il a fait démolir par ses partisans ou ''patriotes'' enragés), sa lecture populiste et démagogique des accords de défense militaire avec la France, sa réflexion théorique sur l'agriculture, les acrobaties langagières sur le meurtre (vraisemblable) du journaliste Kieffer, les bégaiements maladroits et autres réfutations stupéfiantes sur le drame vécu par la communauté française en mars 2004, etc., tant et tant à dire. Mais il serait convenable de céder la parole à d'autres intelligences pour enrichir le débat. Qu'on me permette donc de fermer mon propos du jour en citant M. Gbagbo : " () Les hommes qui font de la politique doivent être toujours sérieux et toujours responsables () et les gens ne savent pas que les mots qu'ils prononcent peuvent amener à des débordements " (p.4, col 1).
M. Gbagbo, il y a longtemps que vous prononcez des mots mauvais et déplacés qui amènent à des débordements.

Tiburce Koffi,
Ecrivain, enseignant,
Membre fondateur et porte-parole
du Mouvement pour le Néo-houphouétisme (MN.-H)
Tél : (00225) 02-11-10-11
tiburce_koffi@yahoo.fr
http//tiburcekoffi.blogspot.com


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