mardi 3 juin 2008 par Nord-Sud

Pour se donner toutes les chances lors de l'élection présidentielle, les principaux candidats ont fait confiance en des vendeurs d'image. C'est-à-dire des directeurs de campagne dont les choix sont au centre de débats contradictoires au sein des partis.


Ils représentent désormais au sein de leurs partis politiques, ce qu'est le directeur commercial pour une entreprise. Ils ont un objectif précis: Faire en sorte que le produit de l'entreprise se vende au mieux. De produit, il s'agit en fait du candidat du parti à l'élection présidentielle. Sombre ou éclatante, triste ou affectueuse, l'image du candidat devient principalement leur affaire. Comment? Seul le résultat compte. A eux de mettre en place la stratégie idoine, de déployer les actions appropriées, de choisir les bonnes personnes sur le terrain de la mobilisation pour faire accepter cette image par le maximum d'électeurs le jour du scrutin. Ils, ce sont les directeurs de campagne retenus par les présidents des formations politiques en lice pour la course à la magistrature suprême. Difficile de dire pour l'instant celui qui réussira le mieux sa mission. Seule certitude par contre, c'est que les vendeurs d'images de Bédié, Ado, Gbagbo et Mabri sont loin de faire l'unanimité sur le choix porté sur leurs personnes respectivement au sein du PDCI, du RDR, du FPI et de l'UDPCI. Actualité oblige, commençons par le RDR.





Gon, le choix de la loyauté?





Samedi, au cours d'un secrétariat général extraordinaire à Cocody (Rue Lepic), le président du Rassemblement des républicains (RDR), Alassane Dramane Ouattara, a désigné son Directeur national de campagne (Dnc) en la personne de Amadou Gon Coulibaly (Secrétaire général adjoint du parti). Le choix n'a pas surpris. Militant de première heure, il est engagé aux côtés de Ouattara depuis 1993, juste après que ce dernier a bouclé sa primature (Au décès du Vieux) pour regagner le FMI avant de revenir dans le jeu politique ivoirien en 1997. Depuis le 2ème congrès du parti, les 1er, 2 et 3 février 2008 à l'hôtel Ivoire, son nom circulait dans les couloirs. Les militants favorables à Gon, saluent le choix de la loyauté. Car, Gon a prouvé sa fidélité. Une donnée fort importante en politique. Il est en outre un technocrate, éloquent, avec de la suite dans les idées. Aux heures chaudes du combat politique, Gon a su démontrer qu'il sait répondre aux attaques. Grand mobilisateur, il sait dire aux militants ce qu'il faut pour obtenir la réaction appropriée dit-on. Sa désignation cadre avec l'historique du RDR dans un contexte où il ne faudrait pas perdre le Nord du pays. L'on salue aussi chez Gon, une force de propositions. Au total, c'est un homme engagé qui sait tenir compte des qualités de modéré de son président. Mais, au RDR, il y a ceux que le choix du Lion (pseudonyme de Gon) ne fait pas sauter au plafond. Au premier plan des faiblesses chez le nouveau directeur de campagne d'Ado, ces militants remarquent que depuis qu'il est ministre, il est resté quelque peu coupé des réalités du terrain. Amadou Gon aurait manqué d'initiatives. On a eu l'impression qu'il attendait d'être nommé avant d'entreprendre. Alors qu'il pouvait commencer à travailler sur l'image du président et du parti en étant l'adjoint de Mme Diabaté, critique-t-on. Autres faiblesses, nos interlocuteurs dénoncent le tempérament quelque peu nerveux qu'ils croient percevoir chez le DNC de Ado. Si force est de reconnaître qu'il s'est amélioré, l'on craint toutefois que cela ne le desserve, à un moment ou un autre, dans ses relations au sein du parti où la cohésion sera plus que nécessaire pour le succès de sa mission. Gon est enfin défavorisé de peu de popularité dit-on dans sa propre région natale, Korhogo où les rivalités (fadénya) au sein de sa propre famille biologique continuent de faire rage. Autant il est adulé, crédible et légitime sur le plan national au sein du RDR, autant, dans sa ville natale, sa popularité laisse à désirer, commente-t-on.

Au Front populaire ivoirien (FPI), Affi N'Guessan n'est pas encore officiellement devenu le Directeur national de campagne du candidat Gbagbo. Il l'avait été par le passé avant les reports successifs de la date de l'élection présidentielle.

Mais, au FPI, l'on pense que Affi travaille bien pour être confirmé au poste de DNC. Il bouge beaucoup. Il s'échine depuis quelques semaines à faire sauter les verrous que le RDR croit avoir placé autour du Nord de la Côte d'Ivoire. Cela lui a déjà valu d'être désigné par le chef de l'Etat pour chapeauter l'équipe de Directeurs départementaux de campagne (DDC), à l'?uvre actuellement sur le terrain. Affi est bien parti, pensent ses proches que nous avons interrogés. C'est un homme du sérail. Un fidèle à Gbagbo. Il maîtrise bien l'électorat du parti.





Affi, l'équation des contradictions





Affi est parvenu, jusque-là, à garder unis autour de Gbagbo les clans qui se livrent une lutte silencieuse au sein du parti. Entre le FPI de Simone Gbagbo et autres Mamadou Koulibaly, réputés être des va-t-en-guerre, celui que lui-même incarne avec les Miaka Ouréto et d'autres dirigeants, et le FPI version (en devenir) Blé Goudé -il affirme ne pas être militant du parti- et ses jeunes loups qui promettent en sourdine une guerre future de générations, Affi N'Guessan essaie d'être le trait d'union. Il force le respect de tous par ses qualités d'homme de terrain. Au Nord où il promet de ratisser large pour son candidat, Affi ne manque pas de jouer la carte des moyens financiers grâce à la manne financière que son parti a amassée dans l'exercice du pouvoir. S'appuyant ainsi sur la misère que la guerre a provoquée au Nord, il sait être généreux en promettant de reconstruire ici ou de partager là des billets de banque dans le cadre de micros projets. Depuis 5 ans, Affi tisse la toile de son parti. Il fait en sorte que les cadres du FPI ne coupent pas les liens avec la base, se réjouit-on dans son entourage. Mais, Affi, tout comme Amadou Gon au RDR, a ses faiblesses. Et comme dans tout système, ce sont ceux qui ont à redire sur son choix de DNC qui les présentent au mieux. Pour eux, la principale faiblesse de Affi provient justement de son manque de fermeté dans les cas d'indiscipline constatés chez certains cadres du parti, enclins aux déclarations intempestives. Cela pourrait alourdir le parti lors de la campagne, craignent ces militants. Qui pointent également du doigt le conflit profond qui oppose actuellement les fédéraux de plusieurs régions aux Directeurs départementaux de campagne (DDC). Les nombreux reports de la date des élections ont fait que les DDC qui étaient nommés pour une période déterminée se retrouvent installés dans la durée. Entre eux et les fédéraux, naissent donc des querelles de leadership à relent quelque fois tribal qui menacent profondément la cohésion du parti, reconnaît un proche de Affi. Ce dernier révèle que, conscient du danger, le FPI, à l'initiative de son président, organise ce week-end à Yamoussoukro un séminaire sur l'épineuse question de la cohabitation des DDC et des fédéraux. Ses adversaires reprochent aussi à Affi de ne pas associer tout le monde à certaines de ses actions. On a l'impression qu'il donne lui-même corps à la guerre des clans que des gens croient percevoir dans le parti. Il tient certains cadres à l'écart de ses tournées et de la stratégie du parti sur les questions brûlantes de l'actualité, charge-t-on.

Au Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), le choix est déjà fait. Bédié a convoqué un bureau politique au cours duquel il a désigné le secrétaire général du parti, Alphonse Djédjé Mady, comme Directeur national de campagne (Dnc).

Depuis sa désignation à ce poste, Mady marque des points. Il bouge beaucoup. Militant de la première heure, il bénéficie de la confiance du président du parti qui salue en lui le fidèle. Mady est réputé être un homme situé aux antipodes des clivages ethniques. Proche du président Félix Houphouët Boigny, il a beaucoup appris sur l'esprit PDCI.





Mady, un choix contre les clivages ethniques





Ces derniers mois, le secrétaire général a su démontrer la force de réaction rapide du vieux parti. Surtout quand il est attaqué sur ses fondements. Alors que le FPI, sous la houlette du chef de l'Etat lui-même, tentait de porter le glaive au c?ur du parti dans ses bastions, Djédjé Mady, aidé de Bédié, a su apporter la réplique, marchant dans les pas du FPI pour balayer les graines semées par la refondation.

Dans les affaires Djaha Jean à (Grand-Lahou et Dabou), KKB contre les chefs Bétés, Adjoumani contre le chef de l'Etat, le DNC de Bédié a su mobiliser les militants. Les mettant en ordre de bataille jusqu'à ce que la fièvre soulevée au plan national par ces dossiers s'estompe. Mais, Mady n'a pas que des bons points. Il pourrait souffrir du scandale de vente frauduleuse des médicaments dans lequel son nom est cité. Un important lot de matériels sanitaires et de construction aurait été sorti frauduleusement de la Pharmacie de la santé publique (PSP) avec son appui. Ce lot aurait été découvert et récupéré au domicile de Mady, (Ministre de la Santé sous Houphouët Boigny) à Saïoua. Ses adversaires pourraient tirer sur cette corde mettant son candidat à mal. Des sources au sein du PDCI voient en Djédjé Mady un has been. Elles citent son discours du tenu, au plus fort de la crise ivoirienne disant, que Gbagbo est [son] frère et qu'il ne serait pas prêt à souscrire à un plan visant sa mort. Ces mots avaient poussé certains militants à mettre en doute sa loyauté. Ces mêmes militants doutent de la capacité de Djédjé à faire rentrer dans les rangs les cadres du PDCI (entre autres Séry Gnoléba, Bra Kanon) qui ont du mal à se départir de leur image de suppôts de Gbagbo au sein du parti.


Djama Stanislas

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