samedi 26 avril 2008 par Le Nouveau Réveil

Dans cette sortie de crise, nous avons une responsabilité à gérer, voire à assumer. Si nos entreprises ne sont pas viables, qu`est-ce qu`on peut attendre des patrons de presse qui n`ont pas toutes les dispositions matérielles et financières pour pouvoir subvenir aux besoins de leurs travailleurs ? Nous sommes obligés à prendre en main notre destin en examinant en profondeur tout ce qui concerne la vie de nos entreprises. Quant à notre partition dans le processus de sortie de crise, nous disons que pour travailler en toute quiétude, il faut vivre en paix. Pour travailler de manière aisée, il faut vivre en paix. La paix est une préoccupation pour les éditeurs de presse. Depuis l`accord de Ouagadougou, et la communauté internationale elle-même le dit, la presse joue sa partition même si de temps en temps il y a des dérives, des dérapages. Mais à l`opposé de la période avant Ouagagoudou, je pense que chacun lisait un peu les journaux et chacun sait ce que la presse faisait comme travail. Nous pensons aujourd`hui que nous participons efficacement à l`application de l`accord de Ouagadougou. Ce qui n`exclut pas les critiques. Donc, nous allons à ce congrès pour pouvoir discuter longuement de la vie de nos entreprises qui sont sinistrées. Voyons aujourd`hui, en l`espace de 6 mois, des entreprises de presse qui ont fermé, des quotidiens ont disparu. Entreprises privées, nous sommes tenus de travailler pour nous-mêmes, de réfléchir pour nous-mêmes.

Le fonds d`aide à la presse : y a problème

Et c`est ce que nous allons faire à notre 2è congrès de Bassam
Il s`agit d`un fonds de soutien au développement de la presse. Je voudrais d`abord dire que depuis l`avènement du GEPCI et depuis que nous sommes à la tête de cette structure depuis 2005, ça a été notre bataille. La bataille du bureau que je dirige. D`abord, dans ce fonds, il y a un flou. Il y a l`argent que l`Etat de Côte d`Ivoire doit aux éditeurs de presse. Vous savez, quand la publicité passe dans nos journaux, même à la télévision, il y a ce qu`on prélève qu`on appelle " la taxe sur la publicité ". Depuis 1996, cet argent nous est prélevé, gardé quelque part. On ne nous a jamais indiqué le numéro du compte, on ne nous a jamais dit dans quelle banque où cet argent est déposé. Donc, dans nos revendications, c`est d`abord cette partie que nous avons réclamée. Aujourd`hui, on nous confirme que c`est un acquis. A combien s`élève cet argent qui nous a été prélevé de 1996 jusqu`à aujourd`hui ? Je ne peux vous le dire. Par contre, ce que je sais, c`est que le 3 février 2007, le Premier ministre Charles Konan Banny, recevant la presse à Yamoussoukro, a annoncé qu`il mettait à la disposition de toute la presse un fonds de 1 milliard. Certains d`entre vous étaient à Yamoussoukro, nous avons tous applaudi. Donc ça aussi, c`est un acquis. Alors, les taxes qui nous sont prélevées de 1996 jusqu`à aujourd`hui, plus le milliard promis par le Premier ministre Banny, l`administration étant une continuité, nous disons que si nous n`avons rien eu, c`est au bas mot 3 milliards. Parce que les cotisations de 1996 à 2008, nous estimons cela à 2 milliards. Ajouté à cela le milliard du Premier ministre, cela fait 3 milliards. La partie la plus intéressante, c`est le fonds. Le GEPCI s`est battu pour avoir le fonds. Ce n`est pas Denis Kah Zion et son bureau qui vont gérer ce fonds. Il y aura un comité de gestion qui sera mis en place. Certains journaux ont même publié le décret et il est clair. Le GEPCI n`aura qu`un seul représentant dans ce comité. L`UNJCI, le SYNAPPCI seront représentés au sein de ce comité de gestion et les représentants des ministères concernés. Le ministère de la Communication, le ministère de l`Economie et des finances, le ministère de la Fonction, le CNP et le CSP. Ce que nous pouvons aussi ajouter et qui est très important, ce fonds est dit " fonds de soutien au développement de la presse ". Dans le décret, on nous dit que c`est un fonds destiné à la presse et aux entreprises audiovisuelles privées, c`est-à-dire que nous allons partager ce fonds avec les radios de proximité. Ça, c`est la nouvelle donne. Pour le moment, nous ne savons pas le contenu de cette enveloppe, encore moins, comment cet argent sera reparti entre nous, les entreprises de presse, qui avons lutté pour avoir ce fonds et qui nous nous rendons compte que ce fonds ne nous ait pas entièrement destiné. Mais, c`est un fonds que nous devons partager avec ceux qui ne cotisent même pas pour la publicité. Parce que les radios de proximité, c`est maintenant qu`il vient d`être décidé que ces radios doivent faire la publicité à hauteur de 25%. Mais, elles n`ont pas cotisé avec nous depuis 1996. Et elles n`ont pas mené le combat avec nous pour obtenir ce fonds. Je ne peux pas pour l`instant vous dire que nous protestons. Mais, nous ne comprenons pas grand-chose. Nous avons rencontré le ministre qui nous a donné des assurances, que c`est un fonds commun mais, qu`il y aura 2 guichets. Le comité de gestion n`est pas encore mis en place. Le directeur exécutif n`est pas encore nommé. Le GEPCI s`abstient de faire trop de commentaires pour le moment.

La convention collective sera appliquée mais

Nous avons signé la convention collective révisée des journalistes sans aucune pression. Nous, les éditeurs, conscients de ce que nous sommes dans un pays de droit, autant nous avons le droit d`être soutenus par l`Etat en terme de fonds, autant nous avons l`obligation d`appliquer et d`avoir une nouvelle convention. Quand nous parlions de convention à réviser, pas parce qu`on ne voulait pas appliquer une nouvelle convention. Nous disons que la convention qui a été mise en place sous Fraternité Matin en tant que entreprise de presse unique en Côte d`Ivoire, au temps du parti unique, pour nous, était caduque. Dieu merci, les travailleurs ont compris et nous sommes allés à la discussion. Il y a eu un séminaire à Bassam. A l`issue de ce séminaire, un procès-verbal a été signé. Mais nous, en tant que président du GEPCI, avons refusé de le signer. Parce que, une chose est d`avoir une convention et, une autre est de la formaliser. La formaliser, il y a ce que les travailleurs gagnent, mais il y a ce que les employeurs gagnent également. De retour à Abidjan, nous avons été reçu par le ministre. Il a promis organiser un forum sur l`économie générale de la presse. C`est au lendemain donc de ce séminaire qu`on nous a appelé et nous avons estimé que le ministre qui lui-même a été de notre corporation, qui a été donc journaliste, un ancien patron de Fraternité-Matin, connaît donc nos difficultés. Et donc, nous avons déjà commencé à évoquer ce qu`on peut appeler l`esprit de ce forum qui doit avoir lieu très bientôt.

La question de l`application de la convention collective

L`application de la convention est liée aux mesures d`accompagnement qui sont annexées à la nouvelle convention collective signée le 12 février 2008. Il y a des mesures d`accompagnement. C`est l`une des raisons pour laquelle nous n`avons signé pas le procès-verbal du séminaire de Grand Bassam. Parce que pour nous, il faut formaliser les mesures d`accompagnement. Nous avons donc demandé avant même la signature de cette convention collective révisée que le syndicat, nous et les représentants des ministères, mettions en place un comité de suivi. Ce comité de suivi a été mis en place. Il est composé de 3 représentants du SYNAPPCI, de 3 représentants du GEPCI, d`un représentant du ministère de la Fonction publique et un du ministère de la communication. Voilà donc les membres du comité de suivi. Mais, que dit l`annexe ? Le contenu de l`annexe portant sur les mesures d`accompagnement de l`application de la convention collective . Il est dit que le comité de suivi doit se réunir chaque 3 mois pour évaluer et pour voir à quel niveau l`Etat est en train de satisfaire les mesures d`accompagnement. Les mesures qui doivent être prises par l`Etat de Côte d`Ivoire pour que nous, employeurs, puissions être à l`aise quand nous serons en train de régler le statut social de nos travailleurs. Aujourd`hui, nous n`en disconvenons pas, toute entreprise de presse qui ne tient pas compte du statut social des travailleurs, je pense qu`elle-même se fait du mal. Parce que si le journaliste n`est pas dans les bonnes conditions pour travailler, je ne sais quel résultat on peut attendre de lui. Mais, il ne faudrait pas aussi que nos entreprises disparaissent. Si nous voulons de manière aveugle appliquer cette convention, il arrivera un jour où les entreprises n`existeront plus et les travailleurs eux-mêmes se retrouveront à la rue. C`est pourquoi, les éditeurs sont en train de plaider aujourd`hui. Ils ne plaident pas parce qu`ils doivent avoir de l`argent, mais ils plaident pour la survie des entreprises, ces entreprises qui emploient. Nous disons une fois de plus que le comité de suivi doit se réunir chaque 3 mois et au bout des 18 mois, nous allons évaluer si l`Etat a fait ce qu`il a à faire. C`est-à-dire si les 6 mesures d`accompagnement sont satisfaites. Si elles ne sont pas satisfaites, le comité de suivi se réunira dans le dernier trimestre des 18 mois et si à l`unanimité le comité de suivi dit, non les mesures d`accompagnement n`ont pas été satisfaites, la convention collective révisée ne sera pas appliquée. Je dis bien de manière unanime. C`est contenu dans le document que nous avons signé ensemble. Mais, si les mesures d`accompagnement ont été toutes satisfaites et que le comité de suivi estime que la convention collective peut être appliquée de manière unanime, nous déciderons de l`application de cette convention. Après avoir décidé, elle s`appliquera à toutes les entreprises de presse de Côte d`Ivoire. Et à partir de ce moment, c`est la loi qui sera appliquée, la loi de 2004. Nous avons signé, certes la convention collective mais son application est liée à la satisfaction totale des mesures d`accompagnement

De la contribution au processus de sortie de crise

La presse ivoirienne est sinistrée. En temps de guerre, le pays était divisé en deux. Nos journaux n`étaient pas vendus dans une grande partie de la Côte d`Ivoire. Même pas les 40% du territoire. Mais pour nous, nous disons que c`était 60% parce que quand vous prenez les journaux depuis Yamoussoukro et puis Bouaflé et Daloa, ce n`est pas évident que vous trouviez les mêmes à Duékué, à Guiglo qui n`étaient pourtant pas des zones assiégées. Les journaux n`y arrivaient pas. Bref, je voulais donc dire qu`il y a eu la partition du pays en deux qui a été un facteur assez important dans la mévente des journaux. Deuxièmement, il y a la crise que nous avons vécue, qui a été une crise économique. Les Ivoiriens ont supporté cette guerre difficilement, à telle enseigne que la paupérisation a gagné presque tous les foyers. Donc, la possibilité d`acheter les journaux pour certains s`est amenuisée, certains même ne pouvaient plus acheter de journaux. Donc un facteur économique. Troisième facteur, c`est au niveau de la publicité. C`est vrai que beaucoup d`entreprises ont fermé. Et ces entreprises, qui étaient pour nous pourvoyeuses de publicités, ont fermé. Mais même celles qui étaient là, elles avaient aussi du mal à faire de la publicité parce qu'elles avaient des difficultés financières. Alors que c`est la publicité qui fait vivre l`entreprise de presse à 40%. Aujourd`hui, l`entreprise qui se sent la mieux en termes de publicité, elle ne respire même pas à 15%. Entre temps, les charges restent les mêmes. Et vous savez très bien que depuis 15-20 ans, tous les prix ont augmenté. Même le prix du pain a augmenté 3 fois, voire 4 fois. Mais au niveau du journal, vous avez le même prix 200 francs depuis plus de 15 ans. Les charges demeurent les mêmes. Les factures d`électricité, les impôts, les coûts des intrants, l`encre, le papier, tous les coûts ont augmenté. Economiquement, nous sommes lésés. En plus de cela, il y a l`espace publicitaire. Aujourd`hui, les panneaux publicitaires qui devraient être séparés de 500 mètres se chevauchent. Avec cela, que viendra faire l`annonceur dans nos journaux ? Donc la presse ivoirienne est dans le coma et je pèse bien mes mots. Si certains sont dans le coma, d`autres sont morts. C`est pour cela que depuis 2005, nous avons adressé un mémorandum au gouvernement dans lequel nous avons prévenu les autorités. Deux points majeurs sont contenus dans ce mémorandum : l`octroi d`un fonds. Un décret a été pris mais nous n`avons pas encore vu la couleur de l`argent. Et deuxièmement, il y a ce que nous avons appelé " une période verte ". C`est-à-dire qu`on nous déclare comme des entreprises qui sont dans une zone rouge. Sur le point fiscal, qu`on nous accorde un ou deux ans pour que nous puissions respirer. Je ne parlerai pas d`harcèlement fiscal, mais ce que nous vivons au niveau de nos entreprises, entre ce que nous gagnons et ce que nous devons verser à la CNPS ou aux impôts, c`est souvent insupportable. A côté de cela, il y a la convention de Florence, ratifiée par la Côte d`Ivoire mais non appliquée. Elle demande une exonération des taxes sur tout ce qui est intrants. Jusqu`à ce jour en Côte d`Ivoire, la convention de Florence n`est pas appliquée.

La plate-forme de collaboration avec la CEI

Depuis l`accord de Ouagadougou, des Ivoiriens se sont réveillés avec un autre visage de la presse. Même s`il y a encore des efforts à faire. Il y a une presse qui n`est pas totalement parfaite, mais il faut reconnaître que beaucoup d`efforts restent à faire. Les éditeurs de presse ont signé une plate-forme de collaboration avec la CEI. Cela veut dire que nous voulons accompagner le processus électoral. Ce qui reste à faire, c`est de vulgariser cette plate-forme pour que chacune des entreprises en fasse son credo. Pour résumer, nous avons failli à notre devoir à un moment donné. Mais, je dis que chacun doit faire son mea culpa. Autant on incrimine la presse, autant il faut aussi incriminer tout le monde. Nous ne devons pas être les seuls à porter le chapeau de cette crise en Côte d`Ivoire. Ce n`est pas les journalistes qui ont pris les armes.

Propos recueillis par Jean Prisca

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