mardi 19 février 2008 par Le Matin d'Abidjan

Le ralliement de l'ancien Premier ministre au leader de l'ancien parti unique livre ses secrets. Banny sort gagnant dans un deal aux contours tribaux.

L'affaire fait toujours grand bruit. Cinq jours après le come-back de Charles Konan Banny au siège du PDCI, les langues se délient. Au sein de l'ancien parti au pouvoir, des voix révèlent les contours de ce retour que Konan Bédié brandit aujourd'hui comme un trophée de guerre. A la vérité, c'est au terme d'une rude bataille que le président du PDCI a eu raison de la résistance du clan Banny. Retour sur de longues tractations souterraines initiées par le ?'Sphinx'' de Daoukro. Tout débute, confient des sources, dés le limogeage de l'ancien Premier ministre. Banny et ses proches redoutent alors que, libre de tout engagement, le banquier qui a perdu son poste à Dakar, ne fasse de la présidentielle son unique et immédiate ambition. Si dans les arcanes du parti cinquantenaire, l'on minimise les chances de Konan Banny de gagner cette élection, les stratèges du PDCI sont formels : à défaut d'un score honorable, Banny va fortement miner l'électorat du parti houphouétiste où il pêche la quasi-totalité de ses partisans. Certes Banny est des plus hésitants, mais sait-on jamais. Surtout que trois jours après son départ de la Primature, à RFI qui lui demande s'il va rentrer dans la grande maison du PDCI , il s'énerve. Personne ne peut m'écarter de la maison du père , avertit-il, pour porter le change à la direction du PDCI qui lui déniait presque son appartenance au parti d'Houphouët-Boigny. Au cours de cette interview, il jette un froid dans le dos des ?'bediéistes''. Si vous revenez au PDCI, est-ce que vous allez vous mettre au service du candidat Henri Konan Bédié ? La réplique de Banny frise la défiance : Un parti n'est pas au service de quelqu'un (...) Un parti défend une cause. Bédié ne veut pas se laisser surprendre. Il engage donc la politique de neutralisation de son adversaire. Des émissaires défilent chez Jean, l'aîné des Banny, qui dirige la fronde contre le président du PDCI. Des têtes couronnées interviennent même discrètement. A l'extérieur, un lobbying est constitué, pour faire plier Charles Konan Banny. Les soutiens communs du réseau françafricains sont sollicités. Au finish, bingo pour Bédié ! Le 9 octobre, il reçoit son jeune frère dans son fief à Daoukro. Trois heures d'entretien à huis clos. Officiellement, Banny noie cette visite dans le lot d'une série de rencontres qu'il entreprend pour remercier tous ceux qui l'ont soutenu. Mais déjà, les signes d'un rapprochement sont perceptibles après la guerre du PDCI contre l'ancien gouverneur de la banque centrale. Les arguments de Konan Bédié finissent par convaincre les Bannystes. Le leader du PDCI, confient des indiscrétions, fait vibrer la fibre tribale, outre sa prochaine retraite politique qu'il met en avant, il promet la Primature ou l'Assemblée nationale à Banny en cas de succès à la présidentielle. Cerise sur le gâteau, Bédié jure de passer la main à Banny à la tête du PDCI. Pour persuader son interlocuteur, il soutient que les cadres non Baoulé n'en finissent pas de trahir le parti. Il cite Emile Constant Bombet, Sery Gnoleba, Lamine Fadika, Denis Bra Kanon et d'autres qui s'en sont allés voir ailleurs après la perte du pouvoir en décembre 1999 . Aussi, rapportent les sources, Konan Bédié ne fait-il pas confiance à Zady Kessy, Djédjé Mady ou encore à Kacou Guikahué. Des bété qui peuvent à tout moment rejoindre leur frère Laurent Gbagbo. Pas plus qu'il n'a envie de confier la garde du fétiche familial à Edjampan jugé incontrolable. Il compte bien garder ?'l'héritage'' en famille, et choisit, selon les méthodes monarchiques, une personnalité de la même ethnie, un autre Konan. Ainsi, argumente encore Bédié, Banny pourra se servir de la machine pour assouvir ses ambitions présidentielles. La tentation est grande, surtout que l'ancien Premier ministre se sait incapable de créer un mouvement politique à même de soutenir ses aspirations nationales. Il fléchit, même si en contrepartie il est demandé à l'ancien gouverneur de la BCEAO une contribution financière pour assister les différents candidats du parti aux prochaines élections, avec un accent particulier mis sur la présidentielle. Et Bédié tient son premier engagement. Depuis le 14 février, le banquier est membre du bureau politique du PDCI, en dehors du congrès. Ce que fustige Fologo. Pour lui, l'ascension de Banny est illégale, et est mue par les prétentions de Bédié. On a même pris des revenants qui n'étaient pas membres des instances. Ils se sont payés leur congrès et subitement sont devenus membres de ces instances. Or un parti politique a des règles () Mais comme les élections approchent, il faut se montrer ouvert, généreux, bon c?ur , dénonce l'ancien SG du PDCI aujourd'hui en rupture de ban. Bédié fait donc d'une pierre deux coups. Il se débarrasse d'un concurrent, et règle sa succession à la présidence du PDCI. Une démarche qui va faire grincer les dents, et ressusciter un vieux débat sur l' ?'Akanisation'' du PDCI. Après Houphouët-Boigny et un détour à Daoukro chez Konan Bédié, le trône échoit à un autre Konan, issu de Yamoussoukro

Guillaume N'Guettia

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