lundi 11 février 2008 par Nord-Sud

Parue en fin janvier, l'?uvre de Cissé Ibrahim Bacongo, ''Alassane Ouattara une vie singulière'' se porte bien sur le marché de l'édition. Nord Sud Quotidien a échangé avec l'auteur sur des pans entiers de la vie de l'ancien Premier ministre d'Houphouet-Boigny. Son arrivée dans l'arène politique, la crise de succession avec Bédié, le Front républicain Bacongo revisite les fondements étiologiques de la crise ivoirienne.





?M. Cissé Ibrahim Bacongo, vous venez de publier : ''Alassane Ouattara une vie singulière''. Une première impression : votre héros apparaît quand tout semble désespéré. Ce choix, est-il une simple volonté de valorisation?

Non, il ne s'agit pas d'une volonté manifeste de ma part de valoriser le président Alassane Dramane Ouattara. J'ai essayé de restituer Alassane Ouattara à une époque connue de tous, quand la situation était désespérée. C'était en 1989. Le pays, vous le savez, était dans une espèce de coma social, culturel, économique et politique très profond. C'est dans ce contexte que le président de la République Félix Houphouët- Boigny lui a fait appel. Il a renoncé à tout le prestige et avantages rattachés à son statut de gouverneur de la Bceao pour venir se mettre à la disposition de son pays dans le guet, je dis bien dans le guet parce que le microcosme politique ivoirien est un véritable guet. Il a fait ce qu'il a fait. Il était en train de réussir ce qu'il convenait d'appeler le miracle, c'est-à-dire faire en sorte que la conscience nationale naisse chez les Ivoiriens, que l'engagement tout court naisse chez les Ivoiriens. C'est ce que un journaliste qui ne comptait pas pourtant parmi ses amis, Michel Kouamé alors Directeur général de Fraternité- Matin, a appelé en son temps ''L'esprit Ouattara''. Voilà les faits. Alassane est arrivé dans un contexte qu'il n'a pas créé. Un contexte sur lequel il a tenté d'agir. Ce n'est donc pas de ma part une volonté malicieuse de le valoriser en le plaçant comme un héros ou si vous préférez comme un héraut.



?M. Ouattara arrive dans un contexte difficile. Il est applaudi dans son propre camp, il est craint par l'opposition et même dans son propre camp aussi. Il va alors être combattu. Comment expliquez-vous que dans le sérail du Pdci, il soit perçu en même temps comme un sauveur et un danger ?

Là se trouve toute la complexité de la situation politique dans son propre camp. Ses amis du Pdci auraient bien aimé qu'après avoir été l'éboueur, qu'après avoir nettoyé les ordures qui ont été déposées de par leur fait, qu'Alassane se retire puisqu'ils disaient souvent dans des propos qui leur échappaient qu'Alassane a dit qu'il ne ferait jamais de la politique. Qu'il a dit à Houphouët Boigny qu'il était venu juste pour redresser le pays au plan économique et qu'après avoir fait son travail d'économiste ou de gestionnaire, il s'en irait d'où il est venu. Ses partisans s'attendaient qu'Alassane remettent les choses en l'état et s'en aille ensuite. Mais par leur propre faute, ils en ont fait une bête politique parce que dans la précipitation, ils ont déclaré à partir d'un bout de phrase qu'Alassane voulaient faire de la politique. Ils ont décidé qu'il fasse de la politique. Vous vous souvenez bien de cette émission de la télévision (L'invité de la Première) c'était le 1er octobre 1992. Alassane Ouattara était l'invité du Directeur général de la Rti, Ally Coulibaly. Il avait répondu à une question posée par un journaliste du nom de Sangaré, à savoir s'il serait candidat à la succession du président Félix Houphouët Boigny. Après un long développement, il avait fini par dire qu'on verra, chaque chose en son temps



?Mais n'y avait-il pas une arrière-pensée politique, une volonté de succession derrière ce bout de phrase ?

Il y aurait une volonté de succession et ce n'aurait pas été un crime de s'intéresser à la vie culturelle, politique et économique de son pays surtout que cet Ivoirien venait de faire la preuve de l'amour qu'il a pour son pays. Ce n'aurait pas été un crime de dire qu'après le président Houphouët- Boigny on verra si je serai candidat. Cet Ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, était bien en droit de prétendre à la magistrature suprême, même s'il savait qu'il y avait des règles contenues dans la Constitution qui réglaient l'ordre de succession en quelque sorte. L'article 11, vous vous en souvenez, stipulait qu'en cas de vacance ou d'empêchement absolu c'est le président de l'Assemblée nationale qui devait assurer l'intérim. Alassane Ouattara ne pouvait pas ignorer cela. Il le savait. Il faut demander à ceux qui se sont précipités en le faisant passer pour un usurpateur sur une base que j'ignore. Est-ce que c'est seulement sur la base de ses propos ou alors d'actes posés qu'ils ont dit qu'Alassane, au-delà de faire de la politique, voulait s'accaparer du pouvoir qui était réservé pour quelqu'un d'autre ? C'est à eux qu'il faut poser la question.



?On le voit, cet épisode de l'émission télévisée est un point crucial où les événements vont s'emballer, notamment à l'Assemblée nationale où siégeait M. Bédié, le dauphin constitutionnel. On verra ensuite se cristalliser l'opposition au gouvernement. Est-ce que le chef de l'Etat Houphouët Boign, a laissé faire en partie cette opposition interne ?

Je ne saurais le dire avec certitude. Lorsque cette opposition à l'Assemblée nationale, dans le propre camp d'Alassane Ouattara, a commencé à se cristalliser contre lui, il en a été convaincu. Il en a aussi tiré la conséquence suivante : déposer sa démission. C'était le 9 décembre 1992. Bien naturellement, Houphouët - Boigny avait refusé cette démission et il a convoqué une réunion des instances du Pdci pour mettre les pendules à l'heure en indiquant aux uns et aux autres qu'Alassane Ouattara était bel et bien Ivoirien, originaire de Kong dont l'un de ses frères a été député, dont les frères et s?urs sont ici en Côte d'Ivoire, dont la maman est originaire de Gbéléban dans le département d'Odienné ; et qu'Alassane Ouattara en ivoirien bon teint était à sa place ; qu'il apporte à la Côte d'Ivoire ce qu'il peut grâce à ses réseaux d'amitié. On ne peut pas dire sur la base de cette déclaration que le président Houphouët- Boigny a laissé faire. Même s'il a voulu laisser faire les actes qu'il a posés, les propos qu'il a tenus ne nous permettent pas de conclure qu'il a voulu laisser faire.



?Mais vous le dites vous-même ? Le Premier ministre en arrive à déposer sa démission, c'est une espèce de rupture de confiance entre lui et le chef de l'Etat ?

Rupture de confiance entre lui et le chef de l'Etat ? Oui et non. Oui parce qu'il pouvait s'attendre à une réaction beaucoup plus vigilante et rapide de la part du chef de l'Etat, cette réaction n'étant pas venue. Il a été donc contraint de déposer sa démission. Non, parce que cette démission a été refusée. Bien au contraire, elle a été l'occasion pour le chef de l'Etat de réaffirmer publiquement sa confiance en l'homme. On ne peut donc pas dire qu'il y avait une rupture de confiance entre les deux hommes.



?La crise que nous avons connue et la cabale que nous avons connue ne sont-elles pas le fruit de cette gestion maladroite des oppositions internes au Pdci ?

Probablement oui, mais à l'époque moi je n'étais pas au Pdci pour savoir s'il y avait crise ou pas. Moi je ne fais que regarder ce qui apparaît à la faveur du débat sur la privatisation à l'Assemblée nationale. Un Groupe parlementaire s'est formé pour faire barrage à la politique de privatisation du Premier ministre Alassane Dramane Ouatara. Ce qui apparaît c'est que des députés du même groupe ont publié une déclaration dans la presse dans laquelle ils ont stratifié les Ivoiriens. Lorsque cela s'est fait sur la base d'une crise interne au Pdci. Ce qui apparaît aussi ? ce sont les propos tenus à l'occasion de certaines réunions. Par exemple, le député d'Ossey Gnansou est allé au Nord avec un autre député (du Nord ) dont je vais taire le nom pour entreprendre une campagne de dénigrement contre le Premier ministre, Alassane Ouattara. Cela s'est-il fait sur la base d'une crise interne ? Je ne saurai le dire.



?Un peu plus loin dans le livre, on va l'apprendre avec vous, la question de la succession crée deux tendances qui vont s'opposer. La première conduite par Philippe Grégoire Yacé, alors président du Conseil économique et social et la seconde est conduite par Laurent Dona Fologo, secrétaire général du Pdci. L'un militait pour une gestion consensuelle de l'après Houphouët et l'autre pour l'application mécanique et immédiate de l'article 11. Alors cette crise est-elle un des faits dont vous parlez ?

Cette crise est apparue lorsque la disparition du chef de l'Etat était devenue quasi certaine pour les uns et pour les autres. Lorsque l'heure de la succession a commencé à se percevoir, il y a eu comme une débandade générale dans laquelle il faut bien comprendre les positions des uns et des autres. Ceux qui disaient qu'il fallait gérer de façon consensuelle l'après- Houphouët voyaient poindre à l'horizon la situation qui nous a conduits là où nous sommes. Parce qu'ils savaient que l'héritage d'Houphouët pouvait être remis en cause d'une manière ou d'une autre. Il fallait que toute la famille se retrouve pour décider sur la base de l'application de l'article 11 de la Constitution ou alors sur la base d'un arrangement. Ce camp là voyait le danger poindre à l'horizon, tandis qu'en face, le camp dirigé par l'ex - secrétaire général se refusait de voir l'évidence. Il n'avait pas à l'idée d'appliquer l'article 11 parce que cet article est une disposition qui se trouve dans la constitution et qui obéit à une procédure dans son application. Si ce camp avait à c?ur l'application de l'article 11, il ne se serait même pas laisser entre - déchirer par quoique ce soit. Cette crise est intervenue lorsque la disparition du chef de l'Etat était devenue quasi certaine pour les uns et pour les autres. Alors est - ce qu'elle tire sa source du bout de phrase ''On verra'' d'Alassane Ouatara ? Je n'en sais rien. Est-ce qu'elle est apparue depuis l'arrivée du Premier ministre Alassane Ouattara en 1989 ? Au-delà des propos officiels, il faut savoir que son arrivée n'a pas laissé la classe politique indifférente.



?M. Ouattara était-il détachable de la position soutenue par le président Yacé ? Il en était même l'acteur de l'ombre pour certains.

M. Ouattara s'était toujours considéré comme un fils du président Yacé, il l'écoutait beaucoup parce celui-ci l'a adopté comme son fils. Est-ce que M. Ouattara était détachable de cette position ? On pouvait en douter. Mais est ce qu'il tirait les ficelles dans l'ombre ? Cela c'est une autre chose parce que le président Yacé bénéficiait de la considération et de la confiance de beaucoup de cadres du Pdci qui le respectaient. On peut donc déduire qu'il n'avait pas besoin de l'avis de quelqu'un comme Alassane Ouattara, un nouveau venu sur le terrain politique, pour faire sa proposition.



?Vous faites dans le livre deux révélations : la première dit que dans cette bataille de succession, des chefs traditionnels seraient allés voir le président Houphouët- Boigny pour faire pression sur lui afin de garder le fauteuil présidentiel dans le clan ethnique.

Oui c'est une information, c'est une révélation qui est malheureusement juste. Parce que j'aurais aimé voir nos chefs traditionnels ?uvrer dans le sens de la réconciliation nationale, de la cohésion nationale. Cette réunion a eu bel et bien lieu et des témoins se sont ouverts à nous lorsque je faisais mes enquêtes pour cet ouvrage.



?La deuxième révélation c'est que vous avancez que lors des événements qui ont bousculé le régime en 1990, le général Houphouët Kouamé, chef d'état particulier du président Houphouët a conseillé à ce dernier de démissionner et l'instigateur était le président de l'Assemblée nationale d'alors.

Bien sûr. Lors de l'enquête, nous avons bénéficié de témoignages de première main de personnes qui étaient nuit et jour aux côtés du chef de l'Etat. Des personnes qui ont été pour certains des intermédiaires dans la recherche d'un nouveau chef d'état major. Je crois avoir cité les généraux Palenfo et Coulibaly.



?Etes-vous inscrit dans la peau du politique ou de l'historien par rapport à ces faits qui peuvent avoir une certaine résonance dans la sphère politique ?

Je ne suis pas historien. C'est très clair. L'histoire est une science, je n'en maîtrise pas du tout les méthodes, les techniques, les procédures. Je ne suis donc pas historien. J'ai toujours dit aussi que je ne suis pas politique, je suis un observateur actif de la vie politique. Etre politique implique des atouts, des qualités que je n'ai pas. Je ne me suis inscrit ni en tant que historien, ni en tant que politique. Je me suis inscrit simplement en tant que un observateur actif de la vie socio-politique et économique de notre pays.





?Aujourd'hui, le membre d'un mouvement politique que vous êtes ne peut-il pas être desservi par les révélations de l'écrivain, notamment en pensant au Pdci et à certains de ses acteurs principaux qui peuvent se sentir écorchés ?

Oui pourquoi pas ? On peut me le reprocher. Mais je n'ai pas créé ces faits. Je ne les ai pas inventés, ce sont des faits qui s'imposent à nous tous et qui sont vérifiables et indiscutables. Que je les ai révélés et qu'on m'en tienne rigueur parce que je n'aurais pas dû les révéler ni aujourd'hui, ni demain, je ne les ai pas inventés.



?Dans cette même logique, vous avez beaucoup traité l'idéologie de l'ivoirité, vous avez même poussé loin en disant que pour l'histoire, je donne les noms des théoriciens de cette idéologie . Pour quoi ?

Cela, je l'ai déjà fait. Ce n'est pas nouveau parce que dans une vie antérieure, lorsque je publiais des articles de presse dans un organe auquel vous-mêmes vous avez collaboré, j'ai donné les noms de ces personnes depuis 1996 jusqu'à récemment. Ces noms sont attachés à l'ivoirité parce que ce sont ces personnes - là qui se sont révélées à la nation entière à travers des articles, à travers des prises de position à la télévision comme théoriciens de l'ivoirité. Aucun d'entre eux ne peut nier ses accointances avec l'ivoirité, pour ne pas dire la paternité de l'ivoirité. Je n'ai pas voulu par là chercher à discréditer qui que ce soit. Ce sont des faits qui s'imposent à nous tous. A cet égard, il est bon de souligner que lorsqu'on prend position publiquement, il faut se dire que l'histoire nous regarde.



?Après des batailles, il y a eu un rapprochement entre les présidents Bédié et Ouattara. Est-ce que vous ne craignez pas que votre brûlot réveille les vieux démons ?

Non, j'ai justement conçu cet ouvrage comme une page de témoignages sur ce que j'appelle l'enfer que nous avons tous vécu depuis plus de 10 ans. Témoignages pour contribuer surtout à l'avènement d'une nouvelle Côte d'Ivoire à nouveau fraternelle généreuse, hospitalière. Une Côte d'Ivoire de paix. Ce n'est pas dans l'oubli qu'on construit. C'est plutôt dans la conscience toujours vive. Ce n'est pas en niant son passé qu'on avance, on avance dans le futur en ayant toujours conscience de son passé, de ses erreurs, de ses moments de joie etc. en concevant cet ouvrage, j'avais à l'esprit l'idée que je contribuais ainsi à l'avènement d'une nouvelle Côte d'Ivoire réconciliée, prospère et forte. C'est par ces mots que l'ouvrage se termine.



?Pensez-vous avoir été objectif, très proche de la vérité dans le traitement de l'historicité des événements que vous racontez ?

Ce que je pense de ce que j'ai écrit importe peu. Moi j'attends simplement qu'on me dise que je n'ai pas été objectif. Mais les faits que je mets à la disposition du public sont des faits qui ne se sont pas produits dans un autre pays. Ce sont des faits auxquels nous sommes contemporains, donc à chacun de regarder s'ils se sont produits ou pas.



?On remarque aussi dans l'ouvrage que les témoignages se sont faits à travers une sélection d'événements et M. Ouattara apparaît tout au long du livre comme une victime. Mais quand on regarde son plan de stabilisation et de relance, il n'a pas fait seulement que des heureux à l'instar des 20.000 journaliers mis à la porte.

On ne peut pas me reprocher de n'avoir pas pris en compte tous les faits. Ce ne serait pas un ouvrage de 200 pages ; ce serait un livre de milliers et de milliers de pages entiers. M'étant contenté de 247 pages, Dieudonnée (ndlr : elle a signé la préface du livre) a raison parce que c'est un essai. C'est une ?uvre qui traite d'un sujet d'ordre général sans avoir la prétention de l'épuiser, en laissant la possibilité d'aller au-delà de ce qui a été fait. Je n'ai pas voulu faire une encyclopédie. C'est pourquoi je me suis limité à quelques faits saillants pour faire une démonstration de ce que j'ai appelé la vie singulière d'Alassane Dramane Ouattara. Cela dit vous faites référence aux conséquences malheureuses de son plan de stabilisation. C'était le sacrifice à consentir pour faire éviter le chaos au pays. Le président du Comité interministériel avait le choix entre plusieurs options : l'option Koumoé, c'est-à-dire la réduction des salaires. Celle-ci conduisait à une impasse puisque c'est ce choix qui a conduit aux mouvements sociaux que nous avons connus. L'autre choix était de laisser toutes choses en l'état. Là aussi, c'était une impasse parce que si c'était possible, il n'aurait pas eu de plan Koumoé. Ensuite le statu quo n'était pas possible. Il a été rejeté par les bailleurs de fonds parce qu'ils conféraient que dans le statu quo aucun sou ne parviendrait aux caisses de l'Etat. Il fallait donc trouver autre chose. Ce que le Premier ministre Alassane Dramane Ouattara a trouvé n'était pas une panacée, sa solution n'était pas exempte de critique. Mais il y avait un prix à payer, il y avait des sacrifices à consentir. Mais on peut dire que les conséquences de cette dernière option sont moindres que le statu quo. C'est vrai, certaines familles ont souffert. Mais il valait mieux que quelques familles souffrent sur l'ensemble des Ivoiriens (des mesures d'accompagnement étaient toujours prévues) que toute la Côte d'ivoire sombre.



?Un acteur qui paraît aussi important dans l'ouvrage : c'est l'opposition notamment le Front populaire ivoirien incarné par Laurent Gbagbo. Cette opposition on la voit à vos côtés contribuer à la gestion de la crise interne au Pdci et en même temps avoir la capacité de gérer, de mener un deuxième combat avec le Rdr, son allié au Front républicain. Est-ce un dimensionnement ou véritablement un témoignage sur l'action ?

Ce sont tout juste des faits. L'opposition en 1990, avec l'arrivée du Premier ministre Alassane Dramane Ouattara était aux abois. L'opposition comme le dit bien le chef de l'Etat Laurent Gbagbo s'oppose à des lois, à une politique. Cette opposition était aux abois parce qu'il est apparu un homme totalement neuf dont les pratiques lui coupaient l'herbe sous les pieds. Les actes de tous les jours de cet homme correspondaient à ce que souhaitait l'opposition, de ce fait elle n'avait plus de voix. C'est pour cette raison qu'elle a sombré dans les attaques basses. Elle était aussi aux aguets parce qu'elle attendait qu'apparaisse la toute première friction au sein du Pdci pour bondir et c'est ce qu'elle a fait en 1992. Lorsqu'elle a été convaincue que des dignitaires du Pdci étaient dans une posture d'offensive vis-à-vis du gouvernement, elle a affûté ses armes. Pour finir, elle a fait chorus avec ceux qui critiquaient le Premier ministre.



?Vous dites au chapitre de l'application de l'article 11 que tout en dénonçant le caractère monarchique de cet article, l'opposition, avec le Fpi en tête manoeuvrait pour son application. Comment cela a pu être possible?

En son temps, la presse avait fait l'écho de tout ce qui se disait à ce sujet. De tous les temps, l'opposition a fustigé l'article 11. Elle s'est battue pour que cet article soit abrogé de notre discussion. Et ce discours-là, l'opposition n'y a pas renoncé. Mais au moment de son application, on a senti un bémol à ces critiques. Une position mi - figue, mi - raisin, plastique insaisissable consistait à dire oui et non. Mais en réalité l'opposition ne voulait pas prendre position ouvertement en faveur d'un camp contre l'autre. Elle voulait laisser les deux camps s'affronter tout en apportant discrètement son soutien au camp qui paraît le plus structuré, le plus fort pour pouvoir en tirer des dividendes par la suite. Le Fpi, le Pit, l'Usd etc ont agi ainsi. De tout cela la presse en a fait l'écho. Là non plus je ne fais pas de commentaire, je ne fais pas non plus de révélations. Je n'ai fait que reprendre et rendre cohérents des faits qui se sont produits.



?Le Fpi apparaît à ce niveau comme un parti où règnent la duplicité et l'opportunisme. Et dans ses relations avec le Rdr qui était son allié au Front républicain, ce parti s'apparentait aussi à un parti de naïfs ?

C'est vrai nous avons ouvertement dit que le Fpi était un parti où se pratiquait la duplicité, où on disait une chose le jour, et une autre la nuit. Le disant, nous ne sommes pas naïf, cela participe aussi du discours politique et de la rhétorique parce qu'au fond c'est cela la politique, non pas mentir mais essayer de surprendre l'adversaire. Moi j'ai l'habitude de prendre cette image. Sur un ring vous avez deux boxeurs, vous n'aurez pas de vaincu s'il n'y a pas un qui soit plus fort que l'autre. C'est n'est pas possible. Mais pour être fort, il faut avoir de la technicité, plus d'astuces, plus de tour dans son sac. C'est ce que le Fpi fait à travers ses discours à double, sinon à triple fond. Le Rdr est un parti naïf dans le discours, peut-être. Mais dans les actes non. En allant au Front républicain, le Rdr savait très bien qu'une alliance est toujours un conflit. Ceux qui sont alliés sont par définition différents. Ils sont des adversaires qui prétendent à la même chose. Et chacun pour soi. On se met ensemble, soit pour surmonter certains écueils qui mènent à l'objectif, soit on se met ensemble pour atteindre l'objectif ensemble. Même-là aussi, chacun veut avoir l'objectif et le partager avec l'autre. Dans une alliance, il est tout à fait normal que chacun utilise des astuces pour pouvoir avoir l'objectif avant l'autre. Le premier secrétaire général de notre parti, Georges Djéni Kobina disait en meeting : ''Ne soyons pas complexés, ne soyons pas naïfs, nous sommes dans le Front républicain avec le Fpi, mais nous sommes différents du Fpi, le Fpi est un parti qui veut prendre le pouvoir, nous sommes aussi un parti qui veut aussi le pouvoir. Nous sommes ensemble pour atteindre des objectifs intermédiaires, c'est-à-dire pour obtenir l'organisation d'élections transparentes, crédibles, justes et ouvertes à tous''. C'était cela notre objectif. Il y a des propos de certains de nos militants qui laissent croire que le Rdr est un parti de naïfs, mais je peux vous dire que le Rdr n'est pas un parti de naïfs.



?En vous suivant dans le livre, on voit que le secrétaire général d'alors Djeni Kobina qui selon votre explication semblait être au fait de la réalité selon laquelle entre alliés il y avait toujours des divergences qui peuvent conduire à la rupture, a semblé être très affecté par ce qu'il a considéré comme une trahison de M. Laurent Gbagbo ?

Oui, il a semblé être affecté pour ne pas dire qu'il a été très affecté parce que nous nous battions alors pour des objectifs intermédiaires. Malheureusement, nous ne sommes pas sûr que ces objectifs avaient été atteints puisque la Constitution de 1998 constitutionalisait les dispositions du Code électoral traitant des conditions d'éligibilité, donc renforçaient les conditions d'éligibilité. Or nous nous battions aussi contre ces conditions d'éligibilité. Il y avait encore du travail à faire, et lorsque notre secrétaire général s'est rendu compte que notre allié n'était plus disposé à continuer le combat comme nous le souhaitions, il en a donc été affecté jusqu'au jour où après une marche que nous avons organisée ensemble, le Fpi soit parti seul à une rencontre organisée avec le chef de l'Etat d'alors avait avec l'opposition. Il était pourtant convenu qu'on parte ensemble pour être forts dans la discussion comme on venait de l'être dans la rue. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne savait pas que le Front républicain était une alliance entre le Fpi et le Rdr, qui étaient deux partis différents se battant pour prendre le pouvoir, chacun pour son compte.



?Vous citez M. Aboudramane Sangaré par rapport aux conditions d'éligibilité. Si certains partis avaient des problèmes d'éligibilité de leur candidat, le Fpi ne va pas en pleurer, et il ira même à la conquête des militants de ce parti , disait-il. Ce constat froid ne montre-t-il pas que le Fpi a tactiquement mieux joué que le Rdr auquel vous appartenez dans le cadre du Front républicain ?

Que le Fpi ait bien joué, cela on ne peut le discuter. Le Fpi a joué sur deux tableaux à la fois : Une alliance officielle et une autre officieuse. Une alliance officielle avec le Rdr dans le cadre du Front républicain et l'alliance officieuse avec le Pdci. Il ne faut pas se faire de complexe, le Fpi a bien joué.



?Le juriste a été piqué par le virus de l'écriture. Est-ce qu'on peut s'attendre à d'autres livres de votre part de M. Cissé Ibrahim Bacongo ?

Certainement sur d'autres préoccupations. En réalité cet ouvrage est venu par accident parce que j'étais en train d'écrire deux autres ?uvres. L'un d'entre eux était même terminé, mais le manuscrit a été volé avec mon ordinateur. C'est un ouvrage qui porte sur le droit de la concurrence en Côte d'Ivoire. Le deuxième ouvrage, est un traité sur le droit du travail.

Ce sont ces deux ouvrages que j'étais en train d'écrire lorsque l'idée m'est venue d'écrire Alassane Ouattara, une vie singulière sur un coup de tête.

Interview réalisée par D. Al Seni et Assoumane Bamba

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023