mercredi 6 février 2008 par Le Jour

Il est prêt à recruter 10 000 (Dix mille) ex- combattants pour sa Société de Gardiennage. Noble idée, pour aider l'Etat. Pour, par Patriotisme , aider la République. Il veut donc recruter 10 000 (Dix mille) ex-combattants, dans des normes définies par lui.

Le quotidien Soir Info, en page 10 de sa livraison du Vendredi 18 Janvier 2008, annonce que pour aider l'Etat, un individu, propriétaire ou gestionnaire d'une soudaine Société de gardiennage, se propose de recruter des ex-combattants, par patriotisme . Or, deux camps s'affrontaient depuis Septembre 2002. Or, ces deux camps en sont parvenus à l'Accord Politique de Ouagadougou (APO). Les ex combattants appartiennent donc aux camps des deux belligérants. A l'analyse de la proposition d'un Privé qui s'invite dans la résolution de la crise ivoirienne, il apparaît clairement que l'offre ne concerne que les ex-combattants du Sud. Il ne s'agit point des Forces de Défense et de Sécurité (FDS). Mais bien des Forces dites d'autodéfense , qui ne sont rien d'autres que les Milices créées, entretenues, armées pour une cause. Et survint l'Accord Politique de Ouagadougou (APO) qui, prenant en compte la situation des ex-combattants , a pensé et décidé de la mise en place d'un SERVICE CIVIQUE . Dans le monde entier et depuis des lustres, on sait ce que veut dire le Service Civique. Il concerne en fait toute la population, dans sa frange jeune notamment. Le Civisme, ce sont des Valeurs. Le Civisme c'est le Travail ; la Formation ; le Mérite ; le Respect total des règles qui gèrent la Société ; la participation, en se sentant protégé par des Lois. L'égalité et la Justice. La Sécurité ; l'appel, dans la sérénité, à une appartenance citoyenne que l'on assume. Mais, comme nous sommes en sortie de crise, il est normal que l'enjeu du Service Civique soit de prioriser les jeunes sachant manier les armes, possédant des armes, (les ex-combattants en somme), dont la mise en rade peut constituer une bombe à retardement pour le régime en place lui-même, comme pour l'ex-Rébellion. L'APO ne le dit pas explicitement. Mais l'esprit de son Service Civique est celui-là. A la vérité, le Service Civique tel que conçu par l'APO ne concerne que celles et ceux qui portent des armes, du fait de la crise née de la Rébellion de Septembre 2002. Tant que les structures mises en place par l'APO pour le Service Civique devaient fonctionner sous l'Autorité de l'Etat, il n'y avait vraiment rien à redire. Ce Service Civique-là, avec l'encadrement de l'Etat, devait permettre à des jeunes, distraits un certain temps par la guerre, après une formation adéquate, de s'insérer dans la vie économique et sociale en maîtrisant un métier. Dans les forêts , dans nos casernes d'Etat, et jusque parfois dans nos Cités Universitaires, toujours avec des instructeurs militaires de l'Etat, ils ont été entraînés au maniement des armespar nos Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et les Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN). Au plus fort de la guerre, nous avons vu, jusqu'à l'Etat Major de nos FDS, faire des amabilités à ces Milices qui, elles aussi, étaient en missionde Résistancede Défense de la République. En ces temps-là, la confusion était totale. Les repères perdus, tout simplement parce qu'il n'y avait pas d'Etat. Ils ont ainsi eu leur hiérarchie à eux, les ex-combattants ; avec des Maréchaux, des Généraux, des Commandants, entretenus et adulés par les deux forces belligérantes, sur plus de cinq ans. Il faut maintenant les caser puisque la guerre est finie. Ils ont rendu service. Ils ont résisté. Ils ont défendu les mains nues la Républiquegloire à eux. L'Etat a prévu et veut exécuter son programme de réinsertion des ex-combattants. Il revient à l'Etat de gérer le problème qu'il a conçu. Mais qu'une Société de Gardiennage (structure privée) se propose de recruter 10 000 (Dix mille) ex- combattants, cela pose des problèmes et soulève des questions relevant de l'effectivité du Désarmement et de la sortie de crise. Nous savons tous l'existence reconnue des ex-combattants que sont les 4000 (Quatre mille) recrues des mois de Septembre et Octobre 2002. La prolifération des milices qui s'en est suivie nous indique des populations avoisinant 2O OOO (Vingt mille) combattants. Ce n'est pas là un ou quelques bataillons, c'est une Armée diffuse ; en fait une brigade, que l'on veut regrouper, sous le manteau d'Agents de Société de gardiennage. Une forme d'Armée parallèle A la date d'aujourd'hui, ils ne sont ni désarmés, ni démobilisés pour ne pas dire démantelés, ces ex-combattants. Or tous les Accords signés dans cette crise l'exigent. Ils constituent toujours une réelle et grave menace dans le processus de sortie de crise, pour le retour à la Paix, si leur cas n'est pas traité avec doigté, mais dans la rigueur qu'exige l'organisation de la Sécurité dans la Cité et sur tout le territoire national. Des questions donc se posent : - doit-on laisser ces supplétifs des deux armées dans la nature sans encadrement ? - doit-on les intégrer tous dans l'Armée Républicaine en construction ? - l'Etat peut-il confier un rôle qui, pour lui, est régalien, à des Sociétés de gardiennage (structures privées)? Nous comprenons tous qu'il ne faut surtout pas laisser dans la nature, des bandes armées qui risquent de trouver prétexte à Résistance partout, avec leurs armes, jusque contre le retour à la Paix, pour des raisons essentiellement alimentaires. Nous sommes aussi conscients de ce que leur systématique intégration dans l'Armée serait dommageable à tous les fondamentaux de l'Armée , de l'Armée Républicaine qui se construit toujours à partir de règles strictes, telles que le civisme et le respect de la chaîne de Commandement. Alors, des Sociétés de gardiennage! De 2002 à aujourd'hui, ont foisonné des Sociétés de Gardiennage. Certaines, venues d'Afrique du Sud, au moment où ce Pays assurait la médiation dans la crise ivoirienne. L'Angola aussi proposait alors à la Côte d'Ivoire son savoir faire en la matière. Quand on sait ce que fut la position très partisane de ces deux pays dans la solution de la crise en Côte d'Ivoire, on se pose encore des questions : - Le marché du gardiennage, aujourd'hui en difficulté, peut-il intégrer 10 000 (Dix mille) ex-combattants ? - ceux qui veulent recruter 10 000 (Dix mille) ex-combattants ont-ils eu ou sont-ils partenaires de Sociétés de gardiennage étrangères? - si c'est l'Etat que ces sociétés veulent aider pour résorber la masse des ex-combattants, quelles sont les clauses du contrat avec l'Etat et qui sont les interlocuteurs au niveau du Gouvernement ? - pour ces sociétés-mêmes, quelle est la nature de leur existence dans le temps ; qui sont leurs dirigeants ; où opèrent-elles ; quel est leur bilan pour la sécurité de la cité ? - que sont les rapports entre ces sociétés et le vaste programme gouvernemental du Service Civique ? - que sont véritablement ces Sociétés étrangères de gardiennage ? Leurs mission et leurs objectifs ? - que dit la législation ivoirienne dans ce secteur ? - quel contrôle l'Etat a sur ces Sociétés ? - de quelles armes doivent-elles être dotées, pour n'être que des gardiens? - que fera l'Etat pour contrôler les armes dans les Sociétés de gardiennage ? - quelle sera leur aire d'intervention ? Abidjan seulement, ou tout le territoire national ? - si l'Etat résout un problème, que gagne-t-il à fournir à des Sociétés privées du personnel qu'il a clandestinement formé ? - que seront les rapports entre la Police et les agents de ces Sociétés ? Car le gardiennage n'est nulle part secrété par une crise du genre de celle que nous vivons. Le gardiennage ne naît pas par la guerre. C'est un mécanisme contrôlé par l'Etat qui apporte un surcroît de Sécurité aux Populations. Car 10 000 (Dix mille) agents, ça fait tout de même un peu beaucoup! Il y a eu, dans cette crise, des Forces paramilitaires ; des supplétifs ; des Milices. Mettre en hibernation tout ce monde dans des Sociétés de gardiennage, maintient un environnement de possible reprise des hostilités, quand bien même tous s'accordent pour dire que la guerre est terminée. Les réseaux en sommeil peuvent se réveiller à tout moment ! Je m'interroge. Je suis même inquiet puisque ces problèmes sont du ressort du Gouvernement dans le cadre de l'exécution de l'APO. L'initiative et les propositions des Sociétés de Gardiennage me troublent. Recycler dans des Sociétés de Gardiennage 10 000 (Dix mille) ex -combattants, augure d'une troisième Armée de l'ombre qui n'est pas faite pour le retour à la Paix. Il est plus qu'impérieux de dire dès maintenant que cette affaire d'insertion est l'affaire de l'Etat. Hélas, parce que l'Etat n'existe pas, on pense que tout est permis


Professeur Alassane Salif N'Diaye

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