mercredi 6 février 2008 par Le Nouveau Réveil

Le président du RDR, le Docteur Alassane Dramane Ouattara à c?ur ouvert dans "Le Nouveau Réveil". Longtemps nous avons cherché, longtemps nous avons frappé à la porte, mais lui, a su choisir le meilleur moment. Au début d`une année décisive pour la Côte d`Ivoire, au lendemain d`un congrès historique pour le RDR, le Premier ministre a ouvert lui-même les portes de ses bureaux à toute la famille de "Le Nouveau Réveil" et à ses milliers de lecteurs. Pour une interview sans question tabou, à bâton rompue. Le dernier congrès du RDR a accouché entre autres résolutions de la volonté de votre parti de voir le RHDP se renforcer, en dépit des appels de pied de vos anciens alliés du FPI. Une motion a été spécialement adressée au Président Bédié. Quel sens donnez-vous à cela ?
Le sens est clair. Nous sommes des alliés au RHDP. Comme le Président Bédié a eu à le dire, j`ai beaucoup contribué à la mise en place de ce rassemblement parce que j`y crois. Le Président Bédié, qui était avec son épouse, nous a honoré de sa présence. En plus de cela, son intervention nous a beaucoup touché. Il a dit que c`était une réunion de famille et que les enfants d`Houphouët se retrouvaient. Je pense que tout ceci mérite d`être souligné. Nous, nous sommes dans cette alliance des houphouétistes, en toute connaissance de cause. Je considère que la Côte d`Ivoire a besoin d`être rénovée, reconstruite aussi bien au plan des infrastructures que des mentalités. Nous sommes heureux d`avoir cette opportunité de le prouver et surtout aussi de voir que l`ouverture que le Président Houphouët a toujours encouragée, se concrétise. Moi, j`ai été présent aux côtés du Président Houphouët avant qu`il ne parte en France pour la dernière fois, quand il recevait Laurent Gbagbo et Dakoury-Tabley. Par conséquent, nous disons qu`il faut une ouverture à tous les Ivoiriens. Tous les Ivoiriens doivent se mobiliser en raison des difficultés que le pays traverse. Ceci va au-delà des clivages et des idéologies politiques. Monsieur le président, le FPI n`est pas à sa première tentative. Au grand jour ou par des approches un peu discrètes, le FPI et Laurent Gbagbo ont tenté de rallier le RDR à leur cause. Comment percevez-vous cette cour assidue ?
Je ne vois pas la cour assidue mais puisque vous le dites, j`y crois. Le FPI et le RDR ont été alliés dans le Front Républicain. Nous avons acquis de grandes choses ensemble. Madame le secrétaire général Henriette Dagri Diabaté l`a souligné lors du congrès. Le bulletin unique, la commission électorale indépendante, le vote à 18 ans, les urnes transparentes sont des avancées importantes et ce sont ces avancées qui ont permis au FPI d`être au pouvoir. Ce que moi je souhaite, c`est qu`on aille au-delà de ces questions de particularité. Que nous allions tous aux élections aussi bien le PDCI, le RDR, le FPI, avec leurs leaders et que les Ivoiriens choisissent. Ceci permettra d`avoir une clarification de la situation en Côte d`Ivoire afin que nous nous mettions au travail pour que ce pays sorte de la crise que nous connaissons depuis plus de cinq ans. Monsieur le président, il semble que le chef de l`Etat Laurent Gbagbo qui a effectué récemment un voyage au Gabon, aurait demandé au Président Omar Bongo de faire pression sur vous afin que vous puissiez reconstituer le Front républicain. Confirmez-vous cette information ?
Pas du tout. Je n`ai pas eu cette information. J`ai eu à transmettre un message au Président Bongo pour que le PDG participe à notre congrès. Il m`avait donné toutes les assurances, malheureusement le sommet de l`Union africaine à Addis Abeba et sa décision de présenter un Gabonais, à la présidence de la commission ne lui ont pas permis d`organiser cela. Mais nous n`avons pas eu à parler du tout de cette question. Excluez-vous totalement la reconstitution du Front républicain ?
Je suis en alliance avec le RHDP. Moi je ne suis pas quelqu`un à changer d`alliance quand j`en ai conclu. Mais je dis que l`alliance n`exclut pas l`ouverture à tout le monde. Cela a été le sens de mon appel aux Forces nouvelles. Le tout n`est pas de gagner des élections. Le tout est de gérer la Côte d`Ivoire après les élections. C`est ce qui m`importe. Nous espérons les gagner. Bien sûr, les houphouétistes auront une place de choix puisque c`est une alliance qui dure depuis bientôt trois ans même s`il ne faut pas exclure du tout, de grands partis politiques comme le FPI. Le FPI a sa place dans la gestion de la Côte d`Ivoire. Les cadres du FPI ont acquis une grande expérience dans la gestion de l`Etat. Nous, nous sommes battus contre l`exclusion. Alors vous comprendrez que je ne peux qu`être contre l`exclusion. La prochaine élection sera incontestablement très enlevée. Vous avez des responsabilités historiques vis-à-vis des militants du RDR. Vous-même allez participer pour la première fois à une élection dans ce pays. Quel ADO va-t-on découvrir au cours de la prochaine campagne électorale ?
J`ai beaucoup regretté de n`avoir pas participé aux élections présidentielles de l`an 2000 tout comme d`autres leaders qui ont été écartés tels que le Président Bédié. J`ai regretté encore plus que, malgré mes réticences, mon frère aîné m`ayant convaincu de le remplacer à la députation à Kong, ma candidature ait été encore rejetée. Ceci étant, 2008 pour nous est une année importante. Pour moi-même, pour mon parti. Souvenez-vous, le RDR n`est pas allé aux élections législatives de 2000 en raison de cette situation que je viens de citer. Nous nous organisons pour aller à des élections transparentes, crédibles et équitables. La Côte d`Ivoire en a besoin. Et pour le RDR, c`est une grande première. Nous sommes vraiment impatients. Cela fait huit ans que Laurent Gbagbo est au pouvoir. Il n`est plus l`opposant sans grands moyens qu`il était. Aujourd`hui, il a d`énormes moyens financiers à sa disposition. Est-ce qu`il ne vous fait pas peur ?
Non. Point du tout. Ma conception de la politique, c`est que l`argent bien sûr, règle les problèmes quotidiens et spontanés mais ne change pas fondamentalement la conviction de la grande majorité des gens. Maintenant si nos compatriotes se laissent acheter, c`est leur droit. Ce sera en réalité, la décision des Ivoiriens. Quelle que soit cette décision, à condition que les élections soient transparentes, nous les respecterons. Cependant je fais confiance aux Ivoiriens. Les Ivoiriens souffrent énormément en ce moment. Je sais que les Ivoiriens veulent un véritable changement. Ce n`est pas en recevant de l`argent de manière ponctuelle que les problèmes seront résolus. Je fais totalement confiance à mes compatriotes. Monsieur le président, l`une des équations au problème de l`élection demeure la sécurité. Vous avez participé à la dernière réunion du CPC à Ouagadougou. Qu`est-ce qui a été arrêté dans le sens de la sécurisation des élections qui, on le sait, l`une des missions des Forces de défense et de sécurité soupçonnées, par certains, de jouer en faveur du candidat Laurent Gbagbo ?
Les élections seront sécurisées non seulement par les Forces de défense et de sécurité mais par les Forces nouvelles et par les forces impartiales. C`est ce qui se passe en ce qui concerne les audiences foraines. Nous n`avons pas de crainte majeure par rapport à la sécurisation des élections mais il se peut que dans certaines régions du pays, ce soit très difficile. Il faudrait alors qu`il y ait une concentration des efforts de sécurité dans ces régions. Avez-vous des craintes dans certaines régions et lesquelles?
Non. Je considère que tout cela est à déterminer au fur et à mesure de l`évolution des choses. Souvenez-vous des audiences foraines de 2006 avec le Premier ministre Banny. Il y a eu des difficultés à Abidjan, à Abengourou et ici et là. Peut-être que pendant les élections ce sera ailleurs. On le saura à l`approche des élections. Le rôle des responsables de la sécurité sera de s`organiser pour que tout cela soit bien encadré et bien maîtrisé. Monsieur le président, comment pouvez-vous expliquer l`échec du Président Laurent Gbagbo, "en tout et partout"?
Je pense que ce n`est pas le moment de la campagne mais j`ai mon idée là-dessus. Si j`avais un point important à souligner, je pense que c`est le manque de cohésion au moment de l`accession du Président Gbagbo à la magistrature. Il eut fallu dès cet instant avoir une équipe d`union nationale après la période militaire. Une période de gestion militaire est toujours une catastrophe pour le pays. Malheureusement, je pense que dans son parti, les uns et les autres ont voulu le monopole de la gestion. Je pense que les choses sont parties de là. Mais je me réserve la possibilité de parler de manière plus détaillée de ces questions au moment venu. Monsieur le président, vous êtes un homme politique mais vous êtes surtout un économiste reconnu. Que pouvez-vous dire de la situation économique du pays ?
Là, je prendrai beaucoup de temps pour vous répondre. Je vous invite à lire mes discours. Mais il est clair que la situation est difficile pour les Ivoiriens. Nous avons des parents, des villages, des sollicitations au quotidien plus grandes maintenant que par le passé. C`est cela, le concret. Au-delà, il y a tous les indicateurs des Nations unies qui montrent le déclassement de notre pays par rapport à l`environnement international. Enfin, les indicateurs de croissance économique et autres ont été très faibles, avec quelquefois des évolutions négatives. La production a quelquefois baissé surtout immédiatement après la crise de 2002. Maintenant nous sommes en légère croissance : 1,5 à 2%. Mais quand on sait que la population ivoirienne croît de 3,8% par an, alors c`est dire que la pauvreté ne fait que s`accentuer. Cela veut dire que la richesse par tête d`habitant a baissé pratiquement de 2,3 à 4% depuis ces cinq dernières années. Ça fait 20% de baisse du pouvoir d`achat, de la rémunération. C`est toute une situation véritable de crise majeure. On doit d`ailleurs se féliciter de ce que la situation ne se soit pas effondrée. Les gens doivent se demander pourquoi.
Pourquoi, selon vous ?
Mais vous savez, c`est parce que nous avons donné des structures très solides à notre économie par le passé. Quand je travaillais pour la privatisation de l`électricité, du chemin de fer, des hôtels, ... etc. des gens me critiquaient. Je peux vous dire que si nous n`avions pas privatisé toutes ces structures en son temps avec les difficultés que cela a comporté, le pays se serait effondré aujourd`hui. On n`aurait pas l`électricité que nous avons littéralement 24h sur 24. On n`aurait pas toute une série de choses qui nous paraissent naturelles. Aujourd`hui, les infrastructures sont dégradées mais tout cela a été fait également grâce aux gouvernements précédents notamment au Président Félix Houphouët-Boigny. Monsieur le président, vous avez décidé de tendre la main aux Forces nouvelles et aussitôt, l`on assiste à une levée de boucliers dans la presse proche du camp présidentiel contre les "buveurs de sang", les "éventreurs de femmes enceintes", etc. Ne croyez-vous pas que c`est une ouverture à risques ?
C`est malheureux. Moi je prône l`ouverture. Je le fais en toute sincérité. Voici des jeunes gens qui ont pris des armes, qui ont décidé d`abandonner la voie démocratique parce qu`ils n`aimaient pas la manière dont les choses se passaient dans le pays. Après plusieurs années, ils se rendent compte que la manière formelle, c`est de revenir dans le processus démocratique. Je pense que cette évolution est à noter. A partir du moment où les Forces nouvelles prônent la paix, la réunification du pays, l`apaisement et disent qu`elles veulent des élections démocratiques, transparentes, on ne peut que les féliciter. C`est pour cela que j`ai lancé cet appel. Elles défendent des principes de démocratie, d`Etat de droit, de défense de la citoyenneté, etc. Tout ceci est parfait. Je crois que c`est une grande évolution. Ceci veut dire que si les Forces nouvelles adhèrent au RDR ou à d`autres partis politiques, elles auraient choisi de manière définitive la voie démocratique et non la voie des armes pour parvenir au pouvoir. Je crois que c`est une grande évolution qu`il faut soutenir. A la fin du congrès de votre parti, on attendait de grands changements. Finalement, vous avez opté pour le statu quo. Pourquoi avez-vous choisi de jouer la carte de la prudence?
Non, il n`a jamais été question de grands changements. Nous avons dit que nous voulions valider un certain nombre de changements, nous nous projetons sur le moyen et le long terme quant à la restructuration du parti, le parti que nous voulons pour les mois et les années à venir. Maintenant, les statuts sont faits et sont cohérents, l`ouverture est prêchée, des structures restent à mettre en place. Il y a beaucoup de structures qui ont déjà été mises en place. Que ce soit l`inspection générale, le conseil politique, la grande chancellerie, le secrétariat général, le secrétariat général délégué. C`est un travail de tout instant et nous allons nous y employer. Le temps d`avoir des structures qui permettent au parti de se concentrer sur la bataille électorale à venir au cours des prochains mois. Vous avez annoncé lors du congrès de votre parti que les élections pouvaient se tenir avant le désarmement. Sur ce point, vous semblez être en phase avec le président du PDCI. Du côté du FPI, des voix s`élèvent pour marquer leur désaccord. Que va-t-il se passer selon vous ?
Je ne sais pas ce que l`on entend par désarmement. Quand j`ai été reçu par le groupe Elan en mai 2006, j`avais demandé qu`on commence les audiences foraines. J`estimais que nous pouvions le faire en procédant au regroupement des troupes dans des casernes aussi bien dans le nord que dans le sud. Deux ans après, c`est au point où nous en sommes. Ce qui importe, c`est qu`on ne voie plus de militaires avec des kalachnikovs dans les rues et dans les villes mais dans les casernes. Une fois que les troupes sont cantonnées, si vous appelez cela désarmement, c`est très bien. Si vous ne l`appelez pas ainsi, ça ne change rien. L`essentiel sera que nous aurons la liberté de circulation et que ce sera des policiers et des gendarmes avec des armes légères qui vont assurer la sécurité. Par conséquent, à mon sens, le regroupement sera une étape importante. Je crois savoir que cela a été déjà fait dans le sud. Il reste encore quelques casernes à faire dans le nord mais il faut débarrasser des grandes villes telles qu`Abidjan, des kalachs que l`on voit. Après cela, la situation sera, à mon sens, suffisamment sécurisée pour que nous puissions faire des élections normales. J`ajoute que dans d`autres pays (je ne veux pas bien sûr appeler à la catastrophe) tels que l`Irak, les élections présidentielles et législatives se sont tenues, dans les conditions que nous connaissons. Nous ne pouvons donc pas dire que des élections ne sont pas possibles en Côte d`Ivoire. Il faut sortir de cette situation de crise et d`illégitimité. C`est important. Il y aura un prix à payer. La nouvelle armée sera sans doute constituée par le nouveau président. On ne peut pas dire que tout cela doit être fait avant qu`on aille aux élections.
Si vous accédez, comme vous ne cessez de le promettre à vos militants, à la magistrature suprême à l`issue de la prochaine élection présidentielle, comment envisagez-vous votre succession à la tête du RDR ?
Vous savez, il est important d`anticiper et de se projeter dans l`avenir. Mes collègues qui sont là notamment Aly Coulibaly qui est en face, savent que déjà en 2000, quand nous avions proposé notre projet de constitution à la Commission constitutionnelle constitutive électorale (CCCE), j`avais proposé que la constitution contienne un seul mandat de six ans. Cela était, pour nous important qu`il y ait un renouvellement de la classe politique au fil du temps. Je suis toujours dans cet état d`esprit. Ce qui veut dire que si on espère et si on pense qu`on va gagner les élections en 2008, on doit s`imposer de lourdes responsabilités dès à présent de penser à la succession. C`est une question importante mais la réponse serait prématurée. Vous le comprendrez aisément.

Interview réalisée par
Patrice Yao, Akwaba Saint Clair et
André Silver Konan

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