jeudi 31 janvier 2008 par Le Nouveau Réveil

Il faut passer par les redoutables boulevards " lagunaires " de Dakar qui enserrent la vieille ville pour atteindre le quartier pinkine poussiéreux, patchwork d'immeubles de béton, plantés au bord des pistes défoncées pour voir les travaux d'Hercule du président WADE. Dakar est en chantier,elle a profité de la crise ivoirienne pour bâtir une cité moderne,aux allures respectables.
Les locaux de l'hôtel Méridien Président sont situés en face de la mer non loin d'un luna park à néons agressifs. Il faut monter dans sa grande salle de conférences aux contours d'une cité spartiate pour comprendre que se jouait là, en ce Mardi 22janvier,l'avenir de tout un continent. Depuis 2002, Dakar joue les capitales de secours pour tous les " anciens résidents " d'Abidjan.
Cinq années de crises ! Cinq années de constructions modernes ! Chaque commotion de notre histoire récente a déclenché une vague d'immigration vers le Sénégal. Avec les délocalisations de société et sa cohorte de travailleurs !
Au grand bazar situé en pleine ville , un marché des mille et une nuits .On se perd dans le dédale des ruelles regorgeant de boubous, de bijoux, et d'articles divers. Le commerce sourit désormais au Sénégal. Comment démêler, durant notre crise, les intérêts divergents entre les partisans des discours " intégrateurs " et les chefs " nationalistes " qui entendent maximaliser le plus d'infrastructures économiques pour leur pays ?
En bref, c'est la bouteille à l'encre et d'une encre aussi noire que le bandeau de ces patriotes à la recherche d'une patrie introuvable. Dans ces conditions, on s'égare un peu dans un labyrinthe pavé d'énigmes, de conspirations, de cantiques à l'intégration et de doubles jeux ! C'est là qu'on parie sur " le pacte de solidarité africaine " destiné à partager équitablement " le gâteau commun "entre les pays démunis ; tous membres de la Banque islamique de Développement.
Mais les sommes colossales en vue, compliquent les discussions entre les pays africains et les bailleurs de fonds. Divergences d'intérêts obligent ! Dans ces conditions,tout ce qui est clair s'énonce difficilement et les mots pour le dire n'arrivent pas aisément. Le cercle est d'autant plus vicieux que même si l'argent était moins cher, sur le marché financier, il n'est pas si sûr que les pays les moins en vue puissent en profiter. Parce qu'il faut remplir quelques conditionnalités :disposer de ressources humaines de qualité et surtout de ressources économiques solides. Et sur ce plan là, bon nombre de Ministres de l'Afrique subsaharienne en charge des infrastructures ne semblaient pas comprendre ;du moins tous ceux qui avaient l'ambition malsaine de maximiser le plus davantage possible en matière de projets bancables .D'aucuns pays avaient fini à travers leurs représentants par penser que la Banque Islamique de Développement était devenue une foire d'empoigne où l'on pouvait se servir à satiété sans la moindre contrepartie . Pour peu qu'on ait en primeur les projets,ou encore qu'on soit un abonné aux différents guichets concessionnels. Et sur ce chapitre précis,le Sénégal n'a pas été avare en projets dans le domaine des infrastructures routières. A cet effet, le Sénégal a rallongé inutilement la liste des corridors prioritaires à financer par les institutions internationales. Il s'agissait des corridors : Dakar - N'Djamena/Dakar -Djibouti/ Dakar - Lagos comme si Dakar voulait s'approprier tous les corridors régionaux. Profitant des discussions en plénière, le Ministre ACHI Patrick ne s'est pas laissé conter par cette ''gourmandise bien dakaroise''.Le ministre des Infrastructures Economiques de la Côte d'Ivoire a dénoncé le comportement inacceptable des responsables sénégalais qui voulaient s'offrir toute l'assiettée " de la solidarité communautaire " avec en perspective, l'isolement d'Abidjan de tous les projets autoroutiers sous régionaux. On comprend donc toute la hargne du Ministre ACHI qui s'était étonné que Dakar ait validé lui seul ses corridors ''autoroutiers.'' sans en référer aux autres pays frères avec lesquels ils ont en partage les projets communautaires .Après cette intervention musclée du Ministre Achi Patrick, ministre des Infrastructures Economiques, beaucoup d'experts et de Ministres de la sous-région en charge des infrastructures, à l'exception du Sénégal, s'étant sentis floués ont fait les gorges chaudes. Ils se mirent à contester eux aussi l'ambition démesurée des dirigeants sénégalais qui ont été contraints de revoir à la baisse leurs projets autoroutiers " prioritaires ".
Les bailleurs de Fonds appelés à la rescousse du Sénégal ont émis des réserves quant aux projets autoroutiers régionaux bancables qui sont en fait les projets éminemment sénégalais. Et c'est à ce niveau qu'on comprend aisément que les Etats n'ont pas d'amis ; mais plutôt des intérêts. Disons le tout net ; les Etats prospèrent sur les décombres d'autres Etats en déconfiture.
Cette lapalissade n'a pas échappé au Ministre ACHI Patrick qui, dans la grisaille sénégalaise ,a obtenu le financement de l'Autoroute d'Abidjan-Lagos par la Banque Mondiale. Cette Autoroute aura l'avantage de relier deux pôles économiques les plus importants de l'Afrique Sub-saharienne ;ce qui viendra amoindrir,sans aucun doute, les velléités de leadership du Sénégal sur la Côte d'Ivoire. Pour les observateurs de la politique régionale,cette valse de la Banque Mondiale apparaissait comme une seconde victoire de notre pays sur le Sénégal après qu'un ivoirien eut été porté en moins d'une semaine à la tête de la BCEAO. Outre la bataille du leadership entre Abidjan et Dakar,les débats ont porté également sur le développement d'infrastructures marchandes. A cet effet, le Ministre ACHI a évoqué l'exemple de notre pays où la contribution a été globalement positive. Toutefois, il a précisé que tout le partenariat public privé, devrait se faire avec professionnalisme, expertise et les politiques pertinentes nécessaires tant au niveau de la BID que des pays membres pour parvenir à des montages financiers et institutionnels qui puissent satisfaire les différentes parties prenantes et une attention particulière au tarif appliqué au consommateur final, dans des contextes de pauvreté. Le Ministre ACHI Patrick, tout en louant les actions de la BID dans le financement des infrastructures en Afrique Subsaharienne représentant près de 6 % de son portefeuille d'opérations, a formulé des suggestions pertinentes à l'endroit du groupe BID. Qui devra se doter d'une politique hardie de recrutement pour maximiser son expertise technique. Tout en développant des relations publiques tendant à réduire l'image négative de l'Afrique dans la perceptive de beaucoup d'investisseurs internationaux pour le dernier point relatif au financement de l'école et de l'éducation.
Le troisième point de discussion a achoppé sur les centres de formation qui devraient être financés par la Bid. Alors que bon nombre de responsables penchaient pour soit des centres de formation régionale soit des centres de formation nationale, le Ministre ACHI Patrick a prôné plutôt des pôles d'excellence dans la sous-région comme le fait actuellement l'ICAO . Sur ces différents chapitres, la BID a rappelé les initiatives en cours dans le cadre de sa nouvelle vision. Les observateurs ont relevé avec un brin de bonheur que la BID a pris en compte toutes les suggestions formulées notamment sa politique de recrutement de cadres de haut niveau,le développement de son financement au titre des infrastructures dont la création de l'unité des financements dits structurés dédiée aux opérations à garantie non souveraine. Les responsables ont promis de mener des réflexions sur la pertinence du soutien de la BID aux initiatives positives en cours. Ce qui est un pari sur l'avenir pour les pays membres de la Banque Islamique de Développement. On peut donc dire qu'au-delà des discours intégrationnistes qui nous confortent dans nos positons d'une Afrique unie, solidaire ; chaque pays joue sa partition afin d'engranger le maximum de dividendes financiers. C'est à ces rencontres de haut niveau qu'on relève que les pays ne sont pas solidaires les uns des autres . Aucun pays ne veut voir l'autre prospérer. Cela ressemble étrangement à la boxe " thai " où tous les coups sont permis ; le Ministre ACHI Patrick en a reçu pour le compte de notre pays ; mais il en a donné aussi. Laissant à Dakar l'image d'un homme " intransigeant " face aux intérêts de la Côte d'Ivoire. Un Ministre de la sous-région tombé sous son charme n'a pas manqué de dire :"Vos responsables sont aussi redoutables que les éléphants footballeurs " ainsi soit-il.
J J Cicéron
Envoyé spécial

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