samedi 19 janvier 2008 par Notre Voie

Une information judiciaire ouverte il y a peu par le Procureur militaire, le colonel Ange Kessi, contre l'ex-sergent putschiste Ibrahim Coulibaly, dit IB? (cf. Notre Voie n° 2877 du 09/01/08) et l'Affaire détention du journaliste français Jean-Paul Ney à Abidjan? (cf. Révélation sur le complot IB?, Notre Voie n° 2875 du 07/01/08) ont donné à un syntagme (ou groupement significatif de mots), autant illégal que funeste, l'occasion de s'étaler des jours durant à la Une des journaux. Lecteurs miens, vous l'avez deviné, c'est le syntagme coup d'Etat?. Ledit syntagme, en plus d'être une expression autant négative que menaçante pour tout processus de paix et pour toute démocratie (naissante et fragile), déclenche toujours appréhension, suspicion, panique, peur, psychose?. L'esprit de ce mot est fait de violence. Pis, il est mauvais (comme Boubou? de l'humoriste Chuken Pat, cf. Boubou, tu es mauvais !?)
Sur le mot, le Président de la République, Laurent Gbagbo, ne va pas par quatre chemins. Aux Ivoiriens, il conseille ceci : Tournez le dos aux coups d'Etat, mais aussi à la guerre, à la tentation de prendre le pouvoir par les armes? (cf. Le Temps n° 1410 du 10/01/08). Comme observation j'ajouterai que c'est la même chose. Ce sont les déstabilisateurs qui font les coups d'Etat et ce sont les mêmes qui font la guerre quand le coup d'Etat ou la prise du pouvoir par les armes échouent Preuve que la phrase la guerre est finie? doit être nuancée Rien n'étant totalement fini.

1/- Un syntagme au paradoxe scandaleux

De fait, le syntagme coup d'Etat? appartient au champ sémantique de la déstabilisation des institutions de l'Etat. A ses côtés l'on rencontre des mots synonymes aussi malfaisants et délinquants que sont : complot, coup de force, putsch (mot d'origine allemande), prononciamento (mot d'origine espagnole pour désigner tout coup d'Etat organisé ou favorisé par l'armée) Défini comme une tentative de conquête du pouvoir par des moyens illégaux, inconstitutionnels, le coup d'Etat? est, par conséquent, un crime contre l'Etat? dans la mesure où il y va des intérêts de tout l'Etat avec l'idée d'entreprise violente à s'emparer du pouvoir ou à changer la Constitution, Mais, fait curieux, cet acte condamnable et aux desseins coupables présente aussi un paradoxe inattendu et scandaleux, car, pour le putschiste, le mot coup d'Etat? n'est guère péjoratif et a un sens tout à fait favorable, celui d'un acte important, décisif, qui est utile au bien public. C'est donc selon et selon le putschiste, le coup d'Etat est un procédé de justice, de libération du peuple (otage des hommes politiques). Autrement dit, le faiseur de coups d'Etat n'est ni un brigand, ni un salaud, mais un justicier, un redresseur de torts. Preuve que nos différends (souvent mesquins), voire nos crises majeures relèvent de nos crises de représentations les uns des autres. Et comme rien ne va sans dire, cela se ressent dans les mots, des mots rassemblés qui donnent des phrases justificatives du genre Cela s'est imposé à nous?, On n'avait pas le choix? En fait, de vraies foutaises à notre intelligence. Comment des gens qui pensent au verbe éliminer? en lieu et place du verbe connu élire?, pensent au nom arme? à la place du nom urne?, au verbe taper ou frapper (fort)? à la place du verbe discuter? (cf. Asseyons-nous et discutons !? peuvent-ils dire, après avoir fait leurs choix linguistiques, on n'avait pas le choix? ? Les gars nous prennent vraiment pour bêtes

2/- Le coup d'Etat, une aventure forcément collective

Convaincu qu'il est dans le vrai, le putschiste avance dans le cadre du sens (positif) du syntagme. Il s'entoure de gens qui en ont la même représentation et, dans le cas d'IB, l'on parle même de l'appui ou coup de pouce de certains journalistes Venance Konan, Tiburce Koffi (cf. l'article de Sehoué Germain, Coup d'Etat manqué d'IB. Quand des journalistes deviennent putschistes?, in Le Temps n° 1413 du 14/01/08). Sans doute que ces journalistes et leur parrain ont bu un coup de trop (cf. IB qui lève son verre de vin à moitié plein?, in Soir Info n° 4007 des 12-13/01/08, Les éléments vidéo qui accusent IB?, p.3). L'expression coup de pouce? qui signifie soutien, aide, appui? connote aussi une action discrète qui bien souvent ne va pas sans coup de billets de banque. Dans le milieu, on parle de moyens?, et IB semble avoir les moyens de son coup.
Avec ces éléments filmés, ces noms cités, ces arrestations et tueries à Bouaké, ces plans et réseaux faits de stratégie et tactique (ou suite d'actions coordonnées pour obtenir un résultat), l'on comprend nettement que le syntagme coup d'Etat? (en plus de sa violence consubstantielle) révèle deux choses essentielles. Primo, qu'un coup d'Etat, même rattaché à un nom qui le porte ou le conduit (ici le nom de IB), est nécessairement une aventure collective de groupes d'intérêts. Ici, point de chevauchée solitaire. Témoin, cette affirmation de IB commentant le coup d'Etat de décembre 1999 qui a renversé le Président Henri Konan Bédié, et je cite : Sur quelque continent que ce soit, aucun général ne se lève de lui-même pour faire un coup d'Etat. Ce sont les soldats qui le font et qui le confient? à un Général? (cf. son interview dans Le Temps n° 1413 du 14/01/08). Deuzio, l'on comprend que le mot coup d'Etat? est d'abord et avant tout un montage, l'acte ne pouvant aller sans idée de préparation. Un coup d'Etat est donc par essence un coup monté, prémédité, lequel se prépare toujours dans le temps et dans l'espace et ne s'improvise point. Manqué ou réussi, un coup d'Etat demeure forcément un coup dans l'Etat, dans ses institutions et son image. Et, dans le champ politique fait d'antagonismes, de cynisme et de coups bas, le pire des coups est le coup d'Eta? qui ne va presque jamais sans effusion de sang.
?uvre des forces du Mal et des impatients politiques, le coup d'Etat? prospère là où la culture démocratique n'existe pas ou n'est pas bien enracinée. Témoins les démocraties occidentales avec leurs fortes institutions où l'acte est hors d'usage. Mieux, il y est politiquement mort et enterré. Ce qui n'est pas encore le cas en Afrique où il figure parmi les pandémies par la faute des tampiri? (mot moré pour imbécile?), dixit artiste Alpha Blondy. Que Dieu nous aide et nous garde des tampir?. Amina

3/- Quand un syntagme qui n'est plus de saison s'entête

Ce qui n'est pas de saison est appelé retard? par les vendeurs de fruits et légumes. Dans le champ politique ivoirien où le langage est désormais pour les mots de paix après ceux de la guerre, le terme coup d'Etat? est bel et bien un retard?, du reste à ne pas consommer. Aujourd'hui, avec l'accord politique de Ouaga qui a enclenché un processus de paix que nul ne peut arrêter, le mot coup d'Etat? a le profit exact d'un coup de désespoir et pour désespéré. Suicidaire sur toute la ligne. Preuve qu'une nouvelle ère politique commence. Et je comprends le Ministre de l'Artisanat, néanmoins porte-parole de l'ex-rébellion, Sidiki Konaté, quand il dit, et je cite : Il faut être idiot pour pouvoir (ou vouloir) faire un coup d'Etat en Côte d'Ivoire aujourd'hui. Il faut être fou. Si tu fais un coup, où tu vas t'asseoir ?? (Le Temps n° 1407 du 07/01/08). L'idiot et le fou ont en commun (à quelqu'un qui fait le fou, on peut lui dire Ne fais pas l'idiot?) le trait sémantique faible d'esprit?. Curieusement, c'est le même trait que l'on trouve dans le mot imbécile?. Seuls les imbéciles ne changent pas, dit-on. Mais a-t-on pensé au cas du fou qui n'échappe pas à la suspicion, même guéri ? Chassez le naturel, le voilà qui revient au galop jusqu'à ce que mort s'en suive! Allah yé an dêmê (Que Dieu nous aide), a ye an soutara (Qu'il nous garde des idiots, des fous et des imbéciles). Leur entêtement, une vraie idiotie, les perdra. Amina.



Koné Dramane


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