vendredi 18 janvier 2008 par Le Temps

L'histoire a plusieurs portes. Et beaucoup de prétendants à la gloire facile choisissent d'y entrer par la porte de sortie, dans l'espoir que les bousculades des gardiens chargés de protéger chaque issue des intrusions possibles, en feraient des martyrs. Le sieur KKB incarne cette espèce. Son tapage sans lien avec l'explication intelligente du déclin du PDCI, et la verve de médisance cynique dont il fait preuve, se trouve être elle aussi sans rapport avec la stratégie attendue pour la résurgence du plus vieux parti que traverse une crise de violents spasmes, avec pour effets visibles, la désarticulation continue de ses mouvements. Le rayonnement éblouissant du parti de Félix Houphouët ne supporte pas depuis bientôt deux décennies l'éclairage à peine phosphorescent du débat contradictoire initié par l'historien enseignant Laurent Gbagbo, qui libérait du confort des salons feutrés, l'expression de la critique politique, elle-même prisonnière de l'esthétique somptueuse des analystes idéologues. Et l'on constate que l'essentiel du discours des "tchatcheurs " du PDCI se borne aux injures, aux accusations gratuites, à l'intoxication, et à la célébration de l'ethno-tribalisme décadent, comme si le retour aux affaires de leur parti dépendait de cette démonstration insalubre. Pourtant, le savent-ils, la redynamisation des forces combatives d'un parti politique en situation de détresse revient d'abord et surtout à dresser son bilan, puis à l'analyser poste par poste. Car en vérité, on ne peut perdre le pouvoir que par sa propre faute, sauf cas exceptionnel
Le PDCI ne peut pas avoir perdu le pouvoir par la faute des Bété qui auraient tué 3000 Baoulé à Gagnoa. Insinuer ou suggérer cette appréciation inintelligible caractérise la capacité du rebondissement à l'inverse du grand parti qui réussissait pourtant à caporaliser notre réflexe collectif, au point qu'il parvienne à nous gouverner de père en fils, quarante années durant. En effet, militer au PDCI avait fini par faire partie de nos us et coutumes. Et on ne pouvait pas, par conséquent, contrarier les humeurs républicaines du Président Houphouët, sans être traité de mécréant, livré au procès avilissant des militants fanatisés. Les Bété, par cycles de générations, en eurent à leurs dépens, avec des scènes de repentance animées par les leurs, cadres assimilés de ce parti. Des affrontements fratricides qu'il fallait taire pour toujours, le devoir d'éclairer les Ivoiriens nous oblige à en parler, aux fins surtout d'instruire l'instinct exubérant du sieur KKB. L'énergie de ses envolées téméraires y puise l'argumentaire tribal qui illustre ces élucubrations du jour.
Des affrontements fratricides consécutifs à l'obstruction faite à l'électorat Baoulé délocalisé de sa zone d'origine et à l'issue desquels, morts d'hommes dans les deux clans acteurs. Cette tragédie qui date de 1995 pour la première fois à Gagnoa, n'est pas sans origine. Depuis plus de vingt ans avant les indépendances, les Baoulé établis en grand nombre à Gagnoa, n'eurent aucun problème avec leurs hôtes Bété, dont pour certains, ils épousèrent d'ailleurs les filles pour affermir les liens de leur cohabitation, avec les enfants métis Bété-Baoulé nés de ces mariages. Les Henri Kouakou et Amani Kouakou, propriétaires de quartiers à Gagnoa commune, ont laissé de nombreux descendants intégrés à la population autochtone. Militants PDCI avant le multipartisme, comme d'ailleurs également les Bété, beaucoup ont conservé leur habitude électorale, tandis que d'autres, sans contrainte, adhéreront au choix du changement avec le FPI à partir de 1990. Une autre génération de Baoulé se compose de ceux venus en convoi de peuplement planifié à partir de 1970. A la deuxième décennie de notre indépendance, la réalisation de deux projets d'envergure provoque des mouvements voulus de transfert de populations d'une zone géo-sociologique à l'autre. San-Pedro dans le Sud Ouest, aménagée à coups de plusieurs milliards de francs. Et puis par la suite, dans le Centre, le lac de Kossou, érigé en barrage, approximativement aux mêmes coûts. L'un, programmé comme axe économiquement catalyseur à court terme, est le site d'accueil des populations Baoulé délocalisées de leur terroir. L'autre, également porteur de potentialités d'une explosion économique à moyen terme, se réalise au détriment des planteurs et propriétaires des forêts à qui il fallait créer un nouvel environnement où ils puissent s'établir dans les meilleures conditions possibles. Dédommagés pour la plupart, ils se répartiront entre le Sud Ouest et le Centre Ouest, qui sont des zones forestières. Fortunés des montants de leurs dédommagements, ceux partis pour Gagnoa se créent des plantations de cultures pérennes, d'abord sur des superficies des terres concédées à des prix modiques, ensuite, sur des espaces plus étendus, puisque établis au c?ur même des forêts, sous la surveillance de leur propre personnalité morale.
Leurs débordements observés, et les conflits consécutifs à cet abus de confiance, se cherchaient-ils une voie de règlement consensuel que dans la foulée des frictions latentes, Félix Houphouët déclare, comme pour confesser son dessein prémédité : "La terre appartient à celui qui la met en valeur". Ainsi donc, à San Pedro, comme il l'a planifié, les Baoulé s'installent sous l'autorité du "gouverneur" Emmanuel Dioulo, PDG de l'ARSO. Et à Gagnoa, sous la tutelle du tandem administration-direction locale du PDCI, les arrangements sont arrachés par contrainte aux propriétaires terriens. Conséquence immédiate de ce peuplement : aux élections locales, problèmes pour les cadres ressortissants à représenter les populations autochtones, puisque contre cette politique d'expropriation agressive et impudique. Les frustrations cumulées, consécutives à la situation créée par la président du PDCI, sans considération aucune pour les zones d'accueil qui devaient subir sa volonté, le vide juridique qui entretenait cette confusion, et le triomphalisme provocateur des bénéficiaires, vivant comme en territoire conquis, arrogants de leurs acquis, puissants de leurs appuis politiques et républicains, imposants par leur nombre qui forme la majorité avec les Bété de leur tempérament politique, cette situation au total provoque aux élections de 1995, l'éruption socio-politique connue sous le sigle du " Boycott actif ", comme la manifestation du liquide de feu qui crève de rage, l'épaisseur de l'écorce terrestre pour se répandre en larves de flammes. Bien entendu, il y eut des morts de chaque côté. Les acteurs du clan autochtone se retrouvèrent en prison, et pour ceux qui ont pu purger leur peine, morts des effets des tortures après leur libération. Du reste, à la faveur du " Boycott actif ", le président Bédié se passait du vote du département de Gagnoa pour se faire élire président de la République, avec l'aval du juriste constitutionaliste Francis Wodié, son adversaire, cela, malgré l'amputation des voix des circonscriptions électorales du " Boycott actif " de l'électorat national. Le fameux concept de la majorité sociologique revendiqué aujourd'hui à cor et à cri par les Houphouétistes prenait source là. On retient de ce qui précède que les cadres politiques Bété de Gagnoa, en avait bu leur coupe d'humiliation jusqu'à la lie. Et ce n'est pas le rare ressortissant Bété de Gagnoa, ministre Pierre Vincent Lekrou qui dira le contraire. En fait du tribalisme érigé en système de gouvernement, l'auteur de l'?uvre littéraire Les chemins de ma vie qui est la célébration du tribalisme primaire, s'appelle Henri Konan Bédié, cadre politique du PDCI, Président de la République au moment où il écrivait, successeur testamentaire du Président Félix Houphouët Boigny, qui le voulait ainsi comme en tradition Akan.
Médisance absolument gratuite que d'affirmer ce qui est faux. Malhonnêteté intellectuelle que de forger des vérités, avec les prélèvements de faits effectués sur un ensemble de causes ignorées ou volontairement occultées. Sous Houphouët, on connaissait le Bété " anticonformiste ", réagissant spontanément contre l'injustice, ce qui lui vaut le label de palabreur ou bagarreur. Il devient " paresseux, tribaliste, tueur, amuseur public, faux " sous Henri Konan Bédié. Les sbires du président écrivain pensent que la résurgence du PDCI dépend de leurs injures. Curieuse façon de prouver qu'ils peuvent encore gouverner la Côte d'Ivoire, et mieux que par la le passé. Ce n'est pas certain que le sieur KKB travaille de cette façon pour le retour aux affaires de son parti.

Patrice Djédjé Sahiri
Consultant
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