jeudi 17 janvier 2008 par Le Temps

En marge de la visite du Président de la République? Laurent Gbagbo, nous avons rencontré Kouadio Konan Bertin, dit KKB, au domicile du ministre Patrick Achi. C'était le samedi dernier. L'actualité nationale était au menu des échanges. Interview !
Vous êtes à Adzopé au moment où le Président de la République y effectue une visite. Doit-on interpréter votre présence comme un soutien au Président de la République ?
(Rires). Vous m'interviewez au domicile du ministre Achi Patrick. Est-ce que vous m'avez vu au meeting. C'est une pure coïncidence. Je suis venu préparer le terrain. Parce que deux semaines après son (ndlr, le chef de l'Etat) passage, il faut que je vienne ici. Le Président était à Dimbokro, vous y étiez. Il était à Arrah, vous y étiez également. A quoi obéit cette stratégie ?
Il faut équilibrer l'information du tac au tac. Adzopé, au regard de ce qu'on a vu, et même des postes électifs, semble être le bastion du FPI. Ne pensez-vous pas que la tâche sera ardue ?
Vous êtes nostalgique. Vous raisonnez au passé. Les postes électifs, c'est vrai, sont aux mains du FPI. Mais ça fait sept (7) ans qu'on a organisé les élections. La réalité du terrain, vous la verrez bientôt. Les élections à venir nous situeront sur la force de chacun. Le peuple Akyé fait aujourd'hui l'amer constat de tout ce qu'on lui a promis. A voir cette marée humaine, on est en droit d'émettre des réserves sur votre jugement
Vous avez vu qu'il y a eu 50 bus de la SOTRA venus d'Abidjan
C'est vous qui me l'apprenez
Vous n'avez pas vu de bus ?
On a vu deux (2) à trois (3) bus et non cinquante (50).
Heureusement que vous confirmez qu'il y a eu des bus.
En avez-vous dénombré 50 ?
Oui. Pourtant, à vous croire, vous venez d'arriver ?
Ils sont passés devant moi. Les 50 bus venus d'Abidjan. Je ne pense pas qu'ils soient venus vides. Vous avez déclaré être prêt à affronter la justice dans l'affaire qu'il est convenu d'appeler l'affaire KKB. Pensez-vous que c'est la meilleure attitude ?
Non. La seule chose que je veux, c'est de m'aider à faire voter les Ivoiriens que vous appelez allogènes, à l'Ouest du pays. C'est leur droit de prendre part au vote. Deuxièmement, ils ont été dépossédés de leurs biens, de leurs plantations. Aidez-moi à les aider à regagner leurs plantations. Si ces deux choses sont réglées, KKB n'a pas de souci. Si ça se pose à un Bété, je dirai la même chose. Mais votre façon de poser le problème a été jugée maladroite par de nombreux Ivoiriens.
Si vous savez les poser, posez-les. Vous avez déclaré que 3000 Baoulé ont été tués
Vous voulez me faire parler de trois mille Baoulé ici à Adzopé ?
Vous maintenez votre déclaration?
Ça s'est passé entre la gendarmerie et moi. Allez-y fouiller vos archives de 1995 sur le boycott actif et vous verrez combien de baoulé ont été tués. Oui ou non, vous avez avancé le chiffre de 3000 Baoulé tués ?
Vous n'avez pas appris dans ce pays qu'on a annoncé 5000 Guébié massacrés ? Dites-moi dans quel tribunal, on a fait la preuve des 5000 Guébié en Côte d'Ivoire. (Il a piqué une colère noire). Pourquoi c'est moi que vous harcelez.
Le Président Houphouët l'a dit
Jamais, jamais, jamais.
Le journal officiel de 1972 est là
Sortez-moi ce journal. Par contre il y a un jeune chercheur Guébié qui a démontré qu'à cette époque, les Guébié n'atteignaient pas ce nombre pour qu'on en massacre 4000. En esquivant la question de la sorte, n'est-ce pas une reconnaissance implicite de vos propos ?
Vous voulez l'écrire ? Si c'est le cas, écrivez-le. On ne peut pas bâtir une Nation avec 60 ethnies, en fermant les yeux sur l'injustice. Notre génération, nous devons combattre l'injustice. Un seul mort, ça doit être important à nos yeux. Vos propos auraient mis mal à l'aise des cadres Bété de votre parti ?
Quels cadres ? Les cadres Bété du PDCI sont les premiers à m'applaudir. A commencer par Djédjé Mady. Guikahué a parlé dans les journaux pour compléter l'information que j'ai donnée. Il n'y a pas que les Baoulé qui sont maltraités. Même les Bété qui ne sont pas FPI sont maltraités. Djédjé Bagnon, Guikahué, tous leurs biens sont partis en fumée. C'est pareil pour Djédjé Mady à Issia.
Soit. Mais le ministre Amani était interdit de séjour dans son propre village quand le PDCI était au pouvoir ?
Ce sont des choses qu'il faut condamner. Les Ivoiriens doivent bannir ces comportements. On n'a jamais soutenu cela. Nous n'avons jamais été heureux et fier qu'Amani soit tabassé.
Il circule sous les manteaux une Charte dite Charte des Akan. En avez-vous eu vent ?
Moi, je ne suis pas 100% Akan. Je suis Bété, Dida et Baoulé à la fois. Quel commentaire en faites-vous?
Je n'adhère pas à ces choses-là. Et je ne pense pas que les Baoulé aient une Charte. Les élections, c'est pour bientôt. Vous y croyez ?
Espérons-le. En tout cas, moi, je n'ai pas de raisons de ne pas y croire. Il faut qu'on y croit parce qu'il n'y a que ça seulement qui va guérir la Côte d'Ivoire. Aussi longtemps qu'on traînera, les Ivoiriens continueront de souffrir. Comment comptez-vous vous y prendre au niveau de votre parti pour remporter ces élections?
Mais, c'est déjà fait. Le bilan de Gbagbo est là. C'est clair. Ce bilan à lui seul garantit notre victoire. N'êtes-vous pas en train de préparer vos militants à rejeter une éventuelle victoire du Président Gbagbo ?
Le Président Gbagbo ne peut pas gagner les élections. Vous n'êtes pas un devin ?
Des gens qui n'ont fait que construire des monuments au mort. Les Ivoiriens ne voteront jamais Laurent Gbagbo. C'est pourquoi, vous avez développé dans votre camp là-bas, on gagne ou on gagne. Notre camp, c'est lequel ?
Le Temps, Notre voie, Le Matin d'Abidjan, c'est le même camp.
Nous sommes journalistes
Je suis d'accord avec vous de rectifier. C'était pour plaisanter. Pour dire que ce slogan est dangereux. Lorsqu'on va en bataille, on doit se mettre en tête, une alternative : celle de perdre ou de gagner. Mais si on dit d'avance, je gagne ou je gagne, on doit se méfier. Ce slogan porte des germes de destruction de la Côte d'Ivoire. Vous dites quasiment la même chose quand vous jurez la main sur le c?ur que Laurent Gbagbo ne peut pas gagner les élections
Sur le terrain, il ne peut pas gagner les élections. Nous, nous pouvons perdre, mais le RDR peut gagner. Et vous croyez que le PDCI va remporter les élections ?
Le PDCI, il y a sept (7) ans en arrière, a déjà remporté les municipales, a remporté les législatives, a remporté les conseils généraux. Il n'y avait pas encore eu de guerre. Avec cette guerre, c'est un boulevard qui est ouvert au PDCI. Pourvu qu'il ait un seul candidat à la présidentielle, le PDCI gagne au premier tour. Quels projets de société, de programme de gouvernement, fondent votre optimisme ?
Les 12 chantiers de l'éléphant d'Afrique, on a qu'à les réveiller. Le troisième pont, cette mosquée du plateau, l'extension du port d'Abidjan. Regardez l'aéroport d'Abidjan. La Côte d'Ivoire était en chantier. On revient pour améliorer les conditions de vie des journalistes. En les mettant en prison ?
Je préfère le chef d'Etat qui met les gens en prison, qui les fait sortir après pour qu'ils aient droit à la vie, à celui qui tue les journalistes. Quel est ce chef d'Etat qui tue les journalistes ?
Je n'ai pas dit qu'un chef d'Etat tue les journalistes. Sous le régime du FPI, la liste est très longue. Jean Hélène est décédé. Guy André Kiefer est porté disparu. On continue de le chercher. Nous avons un respect sacré pour la vie humaine. Les 2 et 16 octobre 1995, les manifestations liées au boycott actif ont été réprimées dans le sang. Il y a eu des morts. C'est cela le respect sacré de la vie humaine ?
Vous avez brulé Abidjan ce jour-là. Vous étiez munis d'armes.
Avez-vous des preuves ?
Oui. Si les policiers ont en face d'eux des gens armés, ils ont recours à leurs armes. Concrètement, comment comptez-vous améliorer les conditions de vie des journalistes ?
Un vrai pourvoir, c'est celui qui sait se pencher sur la vie des journalistes. On ne peut pas laisser nos journalistes travailler dans les conditions précaires. Il y a eu beaucoup d'atteintes aux libertés de la presse
Oui. Je ne nie pas qu'il y ait eu des événements de cette nature. Un pouvoir s'améliore. Le PDCI sait se remettre en cause.
Vraiment ?
Comment ça ?
Le coup d'Etat de 1999. Vous donnez l'impression de n'avoir pas tiré de leçons
Qu'est-ce que le PDCI devait faire ?
Le PDCI continue de penser à un complot. Or, sa gestion du pouvoir y était pour beaucoup
Vous pensez que c'est notre gestion du pouvoir qui a valu notre renversement ? Est-ce que dans un pays civilisé, parce qu'un chef d'Etat n'est pas compétent, on doit le faire partir du pouvoir par les armes ? C'est dans les urnes que les Ivoiriens devaient nous sanctionner.

Interview réalisée par : Firmin K. Tché Bi Tché et Pierre Legrand

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