vendredi 4 janvier 2008 par Notre Voie

Le poste de gouverneur de la BCEAO tournera si telle est la volonté des Etats membres de l`Union économique et monétaire Ouest africaine (UEMOA) mais sans la Côte d`Ivoire. La Côte d`Ivoire peut être dans une zone économique avec ses voisins, sans nécessairement avoir avec eux la même monnaie. L`Angleterre est membre de l`Union européenne sans pour autant être dans l`euro.
Il n`y a pas endroit, mieux indiqué que le Conseil des ministres pour le président de la République, chef de l`Etat, d`émettre les opinions et avis qui, solennellement, engagent la République de la Côte d`Ivoire.
C`est ce cadre que Laurent Gbagbo a choisi le 20 décembre 2007 pour s`exprimer à nouveau, afin que nul ne l`ignore, sur la dévolution du poste de gouverneur de la BCEAO. Comme on le sait, ce poste réservé à la Côte d`Ivoire par une constante pratique des chefs d`Etat de l`institution d`émission monétaire est l`objet de convoitise de la part de certains Etats membres.
Le gouverneur par intérim, le Burkinabè Justin Damo Baro, s`est autorisé à rappeler que l`article 41 des statuts de la Banque donne tournant le poste de gouverneur. Il oublie certainement que les textes s`appliquent avec discernement. N`est-ce pas pour cette raison que Pierre Louis-Lucas a écrit : Si mondainement, comme l`affirme le proverbe, toute vérité n`est pas bonne à dire, juridiquement, toute vérité n`est pas bonne à respecter, (Pierre Louis-Lucas : vérité matérielle et vérité juridique, Dijon septembre 1963). En effet, si la vérité des textes est pernicieuse, plutôt que de l`attaquer de face, il convient, suggère le célèbre auteur, de l`interpréter, de la naturaliser, de l`adapter.
C`est à cet habile exercice d`adaptation que se sont toujours livrés les chefs d`Etat de l`Union, dans l`application raisonnable de l`article 41 des statuts de la BCEAO. En attribuant, à trois reprises, le gouvernorat à la Côte d`Ivoire, ils ont créé un précédent. Ils ont ainsi introduit dans la pratique de la zone, la souplesse dont le droit écrit a besoin pour s`adapter aux indéniables données économiques des Etats membres.

Ces données sont :
1- L`économie ivoirienne, la première de l`UEMOA, participe à hauteur de 35% à la constitution du patrimoine de l`Union ; la seconde place est occupée par le Sénégal qui n`y participe qu`à concurrence de 19%. En tenant compte de ce que la valeur d`une monnaie se détermine par celle de l`économie qu`elle régule, le F CFA ivoirien et le F CFA de chacun des pays de l`UEMOA devraient avoir entre eux, des parités différentes. A titre d`illustration et toute proportion gardée, il ressort des données économiques de l`UEMOA que : 1 F CFA ivoirien devrait valoir environ 2 F CFA sénégalais ; 3 F CFA burkinabè ; 5 F CFA nigérien etc. A qui profite donc le plus la solidarité de la zone ?
2- Les 54 % des réserves de change de la BCEAO appartiennent à la Côte d`Ivoire (1900 milliards de F CFA sur 3500) ; ici aussi, c`est le Sénégal qui vient en seconde position avec 700 milliards de FCFA.
L`équité exige incontestablement que dans le partage des responsabilités la plus haute direction du principal instrument d`intégration des économies de la zone revienne à la plus importante d`entre elles. C`est-à-dire à la Côte d`Ivoire.
C`est cette évidence qu`a relevée le président de la République en avril 2007 dans une interview qu`il a accordée à Jeune Afrique (n° 2416 du 29 avril au 5 mai 2007) en ces termes : Je vais faire part de mon choix à mes pairs. C`est celui qui a le plus d`argent dans une banque qui la dirige. Le poste de gouverneur de la BCEAO revient naturellement à la Côte d`Ivoire. Si les autres chefs d`Etat veulent s`opposer à cette évidence, je me retire de la zone monétaire pour créer ma propre monnaie. Je ne négocie rien. C`est bien elle (évidence) qu`il a solennellement, et avec fermeté, rappelée lors du Conseil des ministres du 20 décembre 2007 : Conformément aux principes et usages en la matière, c`est celui qui apporte le plus de capitaux dans une entreprise privée ou une institution financière publique ou para publique qui doit pouvoir en assurer la haute direction aux fins de préserver non seulement ses intérêts mais aussi de sauvegarder la ligne de conduite devant amener au succès de ladite entreprise ou institution financière. Et le chef de l`Etat de conclure : Il n`y a donc pas de doute que la Côte d`Ivoire mérite bien le poste de gouverneur de la BCEAO et les autres pays membres de l`UEMOA devraient l`entendre ainsi.
Une voix tonitruante, affranchie des réserves qu`imposent les fonctions de son auteur, s`est autorisée à une polémique avec le chef de l`Etat de Côte d`Ivoire. Puisqu`il faut l`appeler par son nom, il s`agit de Justin Damo Baro, gouverneur par intérim de la BCEAO. Dans une déclaration à RFI, il a nié la certitude que le poste de gouverneur de la BCEAO revienne de raison à la Côte d`Ivoire. Sa prise de position a donné le ton à une avalanche de commentaires aussi burlesques qu`abracadabrantes. Que n`a-t-on pas entendu sur certaines chaînes de radios ou lu sous des plumes plus mues par une animosité voire une jalousie viscérale à l`égard de la Côte d`Ivoire et de ses dirigeants que par le souci d`informer objectivement?
L`hebdomadaire Jeune Afrique, champion dans ce registre, reprenant comme à l`accoutumée une information de La Lettre du Continent mais qu`il prétend détenir d`une source bien informée, a affirmé que le Niger n`aurait pas renoncé à présenter son candidat et que le Burkina Faso pourrait vouloir tirer profit de sa fructueuse intermédiation dans le règlement des conflits ivoirien et togolais, pour exiger que Justin Damo Baro, qui assure l`intérim du gouverneur, conserve définitivement le poste.
Au surplus, l`hebdomadaire écrit, sans nuancer mais avec une féroce aversion contre Paul Antoine Bohoun-Bouabré, qu`il a été recalé par Bercy et l`Elysée. Motif pris de ce que ce dernier a, au plus fort de la crise franco-ivoirienne, lancé des critiques contre des opérateurs économiques français, comme si l`aptitude d`une personne à exercer les fonctions de gouverneur d`une institution africaine telle que la BCEAO devrait, après quatre décennies et demie d`indépendance de nos pays, encore se mesurer à son degré de dévotion aux intérêts français. Il serait vraiment regrettable pour la France de Sarkozy, qu`elle réagisse comme aux bons vieux temps.
Les publications citées ci-dessus ajoutent qu`en désespoir de cause, des noms de candidats ivoiriens de rechange auraient été proposés au Président du Faso, chargé par ses pairs de la mise en état du dossier. Elles n`indiquent cependant pas quelles autorités ivoiriennes auraient donné ces noms de candidats, ouvrant ainsi la voie aux spéculations sur la fiabilité de nos dirigeants, que l`on pourrait soupçonner de dire une chose en public et de faire son contraire en sourdine.
Pour démentir ces délires intellectuels, colportés à dessein par d`incorrigibles esbroufeurs, se disant bien informés, le président de la République, seul habilité à parler au nom de la Côte d`Ivoire, et à désigner les personnalités qui, pour le compte de ce pays, doivent sur le plan international assumer telle ou telle charge, a rappelé qu`au poste de gouverneur de la BCEAO La Côte d`Ivoire a présenté la candidature du ministre d`Etat, Paul Antoine Bohoun-Bouabré puis a donné les raisons qui motivent ce choix à savoir : La compétence technique, l`expérience professionnelle et le tact politique avéré du ministre d`Etat. Ces facteurs, a-t-il ajouté, plaident favorablement pour le choix de Paul Antoine Bohoun-Bouabré et pour sa réussite certaine à la tête de la prestigieuse institution financière régionale.
Cette prise de position on ne peut plus claire du chef de l`Etat invite à la raison une partie de la presse ivoirienne, qui avait foncé tête baissée dans la brèche ouverte par des ragots, pensant pouvoir y trouver une belle occasion pour régler, en interne, ses comptes au Front populaire ivoirien (FPI). En réalité, elle s`associe sans certainement le savoir à une entreprise nuisible à l`image et aux intérêts de la Côte d`Ivoire, notre pays à nous tous.
Le président de la République a invité cette presse-là à plus de sérénité et de responsabilité dans le traitement des informations mettant en jeu le positionnement de notre pays sur la scène internationale. A cet effet, il a précisé que la conservation du poste de gouverneur de la BCEAO est une véritable bataille. Une bataille qui doit être soutenue sans faille par tous les Ivoiriens et en particulier par la presse nationale qui doit éviter par des écrits incontrôlés de discréditer la Côte d`Ivoire dans ce combat et de donner ainsi des armes à ses adversaires pour l`affaiblir avant même la réunion de l`UEMOA qui reste déterminante pour notre pays.
Compatriotes Ivoiriens, l`enjeu est la Côte d`Ivoire et non l`hégémonie du FPI sur l`échiquier politique national. Soutenons notre Président dans ce combat de sauvegarde de l`intérêt national. En effet, si le gouverneur devrait être choisi, sans aucun discernement notamment sans prendre en compte des critères économiques objectifs mais uniquement dans l`unique but qu`à cette fonction soit appelé un ressortissant de chacun des Etats membres de l`Union, cela ne saurait être sans méconnaître gravement le rôle prépondérant de notre pays. Le poste sera certainement rotatif si telle était la volonté de nos partenaires. Mais sans la Côte d`Ivoire, qui ne saurait demeurer une seconde de plus dans une alliance avec des partenaires qui refuseraient obstinément de lui reconnaître la place que lui confère son poids économique.
En tout état de cause, la Côte d`Ivoire peut entretenir des relations commerciales et économiques les plus diverses avec ses voisins, sans forcément avoir en partage avec eux, la même monnaie. L`Angleterre est membre de l`Union européenne sans pour autant être dans l`euro. Le Ghana, la Guinée, le Nigéria, la Mauritanie ont leur monnaie, le ciel ne leur est pas tombé sur la tête. Une monnaie ivoirienne peut être, il suffit seulement d`y croire.









Par une correspondance particulière de Jean Locra Kpaka

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