lundi 31 décembre 2007 par Le Jour

Monsieur le Président, ne laissez aucune porte ouverte aux guerres intertribales et inter-ethniques en Côte d'Ivoire !

Monsieur le Président de la République, J'ai peur ! J'ai peur parce qu'un événement récent, a priori banal en temps ordinaires, n'arrête d'interpeller ma conscience et je veux non seulement vous faire partager ma crainte, mais je vous écris surtout pour attirer dès maintenant votre attention sur une situation potentielle qui peut s'avérer explosive et suicidaire pour la Côte d'Ivoire et vous inviter dès maintenant à prendre une décision d'autorité pour désamorcer cette bombe à retardement. De quoi s'agit-il et pourquoi je me précipite de vous écrire ? Il s'agit de cette plainte bizarroïde du Conseil des chefs bété de Gagnoa ? votre région natale ? contre le Président National de la JPDCI relative à des propos à connotation tribaliste qu'il aurait tenu ces derniers jours pour répondre aux incartades et dérives verbales d'un cadre reconnu comme tel du PDCI, Président du conseil régional de Dimbokro, M. N'zi David, lors de l'inauguration de l'Hôtel régional de ladite localité ; qui entre autres n'a pas manqué de vous insulter directement en face par certains de ses propos lorsqu'il a cru nécessaire de rappeler à la conscience nationale que dans ce pays, l'on a toujours pensé qu'il y a des peuples tout juste bons pour chanter et danser et donc inaptes à gouverner. Je ne me donne pas ici mandat pour être l'avocat de KKB (car c'est de lui qu'il s'agit), mais je tiens à rappeler qu'en guise de réponse du berger à la bergère, c'est un débat interne au PDCI dans lequel l'intrusion du Conseil des chefs bété de Gagnoa me paraît impromptue, d'autant plus que nos chefs traditionnels sont tenus ? à défaut d'être apolitiques - d'observer une certaine obligation de réserve vis-à-vis des problèmes politiques ; sauf si ces problèmes se passent dans leur juridiction et si l'administration croit nécessaire de les associer. Je me précipite de vous écrire parce que je me rappelle encore de ce que Monsieur Mamadou Koulibaly ? très amer à son retour de ses dernières vacances - a eu à dire à la clôture de la dernière session parlementaire : Nous nous sommes amusés, avec les mots, on a tous plaisanté et, on s'est amusé et on s'est retrouvé en pleine guerre. Pour le paraphraser, je dirais que si nous nous amusons avec les procédures judiciaires, qui sont des choses très sérieuses, nous risquons de rater le but de l'intimidation pour récolter en lieu et place l'inattendu, un inattendu qui risque de s'imposer à nous dans toute sa laideur avant que nous n'ayons eu le temps de réagir. Je le dis parce que le thème central des propos qu'on reproche à KKB et le point focal de la plainte des chefs n'ont pour objet qu'une seule chose : le tribalisme. Ce vieux démon diviseur et ravageur que Félix Houphouët Boigny a consacré sa vie à combattre afin de nous permettre de vivre en frère dans cette nation fragile d'Eburnie. Monsieur le Président, je vous écris parce que je me souviens que de tout temps, les guerres tribales se sont inscrites au devant des guerres religieuses comme les plus sauvages, les plus atroces et les plus meurtrières de l'histoire des Hommes. Chez nous en Côte d'Ivoire, l'on a cru bon de ressusciter le problème Guébié, le problème Biaka Boda pour en faire des arguments de campagne électorale. Dieu merci, la Côte d'Ivoire s'en est tirée, si l'on peut dire, sans grand dommage. Il y a quelques années, naissait la fameuse Charte du Nord . de fil en aiguille, on nous a tout simplement cloué au pilori sur le plan international parce que les Ivoiriens refusaient qu'un musulman soit candidat aux présidentielles . Nous savons tous ce que cela nous a coûté. Et tout dernièrement, cerise sur le gâteau de ce jeu dangereux auquel nous nous livrons inconsciemment ou sciemment au gré de nos intérêts, l'exclusion larvée et mainte fois dénoncée par les tenants de cette thèse, des Ivoiriens du Nord de notre pays, nous a amené la guerre ; une guerre qui 5 (cinq) ans après, refuse toujours de céder le pas au retour de la paix qui a toujours fait partie du confort des Ivoiriens. Une guerre qui a créé la partition de fait de notre pays en Nord et en Sud. Monsieur le Président, je me souviens encore de l'horrible génocide rwandais et j'ai raison d'avoir peur pour mon pays. Car rien n'atteste que ce pays déjà mis à genoux par une guerre dont le principal mobile est l'exclusion ? qui ressemble comme un frère jumeau au tribalisme et au racisme ? tiendra encore longtemps si des affrontements entre tribus viennent s'y ajouter pour compliquer les données de l'équation ivoirienne, donnant ainsi raison à tous ceux qui ont affirmé il y a seulement quelques années que la Côte d'Ivoire était une poudrière identitaire. Je vous écris Monsieur le Président pour vous suggérer de mettre tout de suite ou alors vite, vite, vite comme vous aimez tant dire, une sourdine aux trompettes des Bohoun Bouabré, Désiré Tagro, du Conseil des chefs bété et toutes autres sirènes qui s'échinent à vous charmer pour vous faire croire qu'en s'en prenant à vos opposants ils font ?uvre utile. Ces personnes vous trompent et ne vous aiment pas. Une plainte de collectif de chefs d'une autre région nous ferait peut être sourire, mais une plainte émanant des chefs de votre région, une région dont vous êtes le leader incontesté et incontournable, risque de laisser la place à trop d'interrogations, encore si on ne vous attribue pas purement et simplement la paternité de pareille idée. Si vous laissez faire et que vous n'imposez pas tout de suite un non lieu comme suite à cette affaire ridicule dont les Ivoiriens n'ont aucunement besoin pour agrémenter leurs fêtes de fin d'année, vous serez bientôt appelé à arbitrer plusieurs procès de ce type ;s quand la chefferie baoulé se croira dans l'obligation d'agir pareil car récusant tel ou tel propos tenus sur son compte par un jeune bété ou un bété tout court ; quand les chefferies gouro, yacouba, wê, sénoufo, malinké, koulango, lobi etc, n'accepteront plus à leur tour de pardonner les propos tenus sur leur compte par un cadre ou une autorité qui n'est pas de leur région. Monsieur le Président, comme le parler populaire de chez nous dit : quittons dans ça ! . Car le refus de pardonner n'a jamais résolu de problème sur terre, la haine n'a jamais mis fin à la haine. C'est vous qui avez dit que désormais la parole était libérée. Les Ivoiriens sont en train de s'initier à cette nouvelle liberté avec les erreurs et les abus que comporte tout apprentissage. Ne soyez pas complice involontaire de ceux qui réfusent d'admettre cette réalité. De grâce, ne faites pas le lit de ce danger qui pointe à la porte et aux quatre points cardinaux de la Côte d'Ivoire. Assimilez-le dès maintenant. Le jumelage entre les deux pôles que sont Gagnoa et Yamoussoukro, voulu et vécu sous Houphouët Boigny entre Bété et Baoulé est tout un symbole et non un simple effet de mode pour acquit de conscience. Laissons jouer les alliances interethniques dans ce pays sans en faire des affaires d'Etat. Car, malgré les propos de KKB ? presque déjà oubliés compte tenu des problèmes brûlants de l'heure à Bouaké, à Guiglo et de la soi-disante rébellion des milices qui seraient en préparation ? aucun Baoulé n'a encore décidé de s'en prendre à un bété ? fusse-t-il à la base de ses malheurs lors du boycott actif qu'a mentionné KKB. Je vous souhaite de passer une excellente fête.


Le Député KOUASSI Allomo Paulin Ex-Député de Bouaflé S/préfecture

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