vendredi 21 décembre 2007 par Le Nouveau Réveil

Marie-Noëlle Djédjé Mady. Vous l'avez aisément deviné, il s'agit de l'épouse du Secrétaire général du PDCI, Alphonse Djédjé Mady. Restée discrète aux côtés de son mari, elle a décidé de sortir la tête de l'eau. Pourquoi maintenant? Et que cachent ses nombreuses sorties politiques? Que cherche-t-elle régulièrement dans sa région natale d'où elle et son époux avaient été quasiment bannis? Pourquoi a-t-elle créé "Saman", un club de soutien qui ambitionne de se positionner sur toute l'étendue du territoire? C'est à toutes ces questions que l'épouse du numéro deux du PDCI a répondues. Au cours de cette interview, la première du genre qu'elle accorde, Mme Mady n'a pas "flippé". Bien au contraire. Aux questions, elle a répondu avec assurance. Celle qui partage le quotidien d'Alphonse Djédjé Mady a certainement appris beaucoup dans l'ombre de son mari. Elle parle comme on feuillette un roman à l'eau de rose où le lecteur se retrouve. Avec pudeur. Entretien à bâtons rompus avec Marie-Noëlle Djédjé Mady. Mme, Vous venez de boucler un séjour de 72 h dans le canton Yocolo dont vous êtes originaire. Quelles leçons tirez-vous de ces différentes étapes du parcours?
Je voudrais d'abord vous dire merci d'avoir été à nos côtés durant ces trois jours. Parce que nous sommes arrivés à Saïoua le jeudi (NDLR le 13 décembre) pour entamer une tournée de trois jours. Trois jours de manifestation de soutien, de réjouissance. Trois jours qui marquent solennellement le retour de beaucoup de militants dans leur parti qu'ils n'ont du reste jamais oublié, dans le parti qui les a faits, dans le parti qu'ils n'oublieront jamais. . Nous avons passé ces trois jours ensemble. Vous avez été là. Vous avez été dans les villages, dans les campements, dans les hameaux. Je voudrais vous en remercier et souhaiter que vous ayez la santé afin que vous soyez des témoins de ces actes assez sincères d'un retour à la vie, à la vérité. Parce que, comme le disait l'un de vos patrons, la vérité n'a pas de contraire. Elle est une. Et je savais qu'avec ce mouvement qui est arrivé, le mensonge qui a été distillé depuis des lustres, personne ne pouvait rester indifférent à une promesse de meilleurs jours. Il a fallu que le pouvoir tombe de façon accidentelle entre les mains de ceux qui ont fait toutes ces promesses pour que la population elle-même juge. Et donc, vous avez été là. Nous avons fait la tournée ensemble. Je ne peux que me réjouir de cette prise de conscience et espérer que nous ayons la force d'être aux côtés de ces populations qui ne veulent qu'une chose : le respect.
Vous avez été depuis plusieurs années, très discrète aux côtés de votre époux. Depuis, en tout cas, quelques mois, vous vous affichez beaucoup plus à ses côtés notamment aux manifestations politiques. Qu'est ce qui justifie cet engagement?
C'est tout simplement pour vous dire que chaque chose en son temps. Le Bété dit : "Il ne faut pas boire avant d'avoir soif". Ce sont les événements qui poussent à davantage d'engagement, de volonté de faire. J'ai été là, plus discrètement comme vous l'avez dit. Mais, combien de temps pour que chacun témoigne de ce qu'il sait ? J'ai pensé et je continuerai de penser que tout sachant doit s'impliquer dans ce nouveau processus de retour à la vérité. Afin que le monde entier sache ce qui est. Je m'implique davantage parce que je pense que nos parents ont été trompés. Ils ont été exploités. Ils sont devenus sans le savoir des otages de ceux qui voulaient refonder. Mais, refonder quoi? Eux seuls peuvent répondre à cette question. Et leurs appels au secours, à l'aide ne pouvaient me laisser indifférente. C'est pourquoi, je voudrais inviter tout Ivoirien, où qu'il soit, quoi qu'il fasse, à venir témoigner dans n'importe contrée de la Côte d'Ivoire, de ce qu'il sait, de la vérité, de l'avènement d'une ère nouvelle, afin que nous puissions tous ouvrir les yeux à nos parents, pour qu'ils reviennent aux sentiments nobles de vérité, de parole donnée. Et qu'ils puissent aider nos parents, nos frères et nos s?urs à avancer sur le chemin du développement. Je reviens donc dans mon village, dans mon village maternel ; et dans le Yocolo tout entier pour aider à l'éclosion de cette vérité. Comment se sent-on lorsqu'on met les pieds dans son village d'où on avait été pratiquement banni durant des années ? Et qu'on y est accueilli en fanfare par les mêmes populations? Surtout quand on s'appelle Mme Djédjé Mady?
Tout simplement soulagée. Pas tant pour moi et pour mon mari, mais pour eux. Qui ont été trompés. Soulagée qu'ils aient enfin compris qu'ils se sont trompés de chemin. Soulagée qu'ils aient compris que, comme quelqu'un le disait, le mensonge prend toujours quelques kilomètres d'avance, mais il se laisse très souvent rattraper et devancer par la vérité. Soulagée que cette même population qui avait été abusée, se rende compte d'elle-même, avec toutes les promesses non tenues, l'école gratuite, la santé presque gratuite, les prix des matières premières à la hausse, qu'ils ont été abusés. Que tout simplement il est temps de bouter hors du chemin politique, encore si ces gens-là faisaient de la politique, afin que la Côte d'Ivoire retrouve son lustre d'antan. Je me dis qu'ils se sont trompés, et qu'il leur fallait un petit temps pour qu'ils s'en rendent compte eux-mêmes. Ils ont vu et maintenant ils ont compris. Et le retour s'est fait tout naturellement. Nous n'avons été là que pour accompagner un processus. Il existe encore une minorité de résistance dans votre village à Zadihoa. Comment allez-vous parvenir à recoller les morceaux pour que tout le monde fume le calumet de la paix?
Nous allons continuer à prêcher l'amour. Nous allons continuer à leur dire qu'ils ont emprunté le mauvais chemin. Celui de la violence, du mensonge, de l'intimidation, de la dictature, en clair un mauvais chemin. Et qu'il faut qu'ils reviennent. Nous allons leur parler en leur tendant la main de la paix, la main de l'amour. Nous allons leur demander tout simplement de revenir. Chez nous, on dit que quand on fait des histoires dans une famille, avec son frère, sa s?ur, son époux, son épouse, et que de honte, celui ou celle avec qui on a eu des histoires quitte la maison, le soir, on ne ferme pas complément la porte avant de se coucher. On la rabat simplement pour lui laisser le temps de revenir. Je suis convaincue que ceux qui se débattent encore le font plus pour tromper ou continuer de tromper ceux qui sont autour d'eux que par conviction. Ils sont les premiers, celui à qui je pense notamment mais dont je ne citerai pas le nom, à me dire ''de continuer de me battre. Nous faisons cela, mais dans le fond, nous savons que tu es dans la vérité. ''Nous allons les aider à sortir de cette situation. Car eux aussi sont des otages. On va les aider à se libérer. Mais la vraie liberté. Celle qui se fait sans condition, qui se fait dans le respect de l'autre. Celle qui ne tient pas compte de la fibre parentale parce que d'aucuns disent ''c'est mon parent''. Mais faut-il forcément être parents pour être amis? Moi je ne pense pas cela. Je crois plutôt que quand on parle d'idéologie, puisqu'on est sur la scène politique, on parle de partage de points de vue. De conviction. Et je suis convaincue au jour d'aujourd'hui, avec les différents résultats que nous avons eus, aux élections générales passées, que l'Ivoirien pense d'abord idéologie. Qu'il n'a pas été secoué par le vent du mensonge. Et qu'il est resté fidèle à ses idéaux. En votant massivement pour le PDCI. En rendant majoritaire le PDCI aux municipales, aux législatives. Donc, en réalité, les Ivoiriens savent qui ils doivent suivre. Mais ils ne sont que des otages. A ceux qui hésitent encore, je vais demander de réfléchir, et de savoir où se trouve leur vrai bonheur. . Est-ce que c'est en fabriquant des roitelets? En fabricant des gens qui ne savent pas partager? Il faut aider nos enfants. Il n'y a plus d'école. L'Université, depuis au moins trois générations, ne fonctionne pas. Nos diplômes ne sont presque plus reconnus. Est-ce que c'est en soutenant un tel régime qu'ils rendent service à l'Etat ivoirien? Ou est-ce que c'est en revenant à des valeurs vraies et durables qu'ils aident la Nation ivoirienne à avancer? Ils savent. Et le fait de tromper les autres ne les dédouane pas pour autant. Il parait que nous allons encore nous retrouver pour en parler. J'attends ce jour-là. Et je leur demanderai de laisser tomber cette honte et de rentrer dans la vraie patrie ; être de vrais patriotes, ceux qui croient en des valeurs sûres. Qui croient en l'école. Une école saine où on peut faire du syndicalisme sans tuer. Une école vraie où on ne prend pas en otage les enseignants. Où l'élève ne décide pas de son jour de vacances. Où on respecte. Je pense qu'ils le comprendront. Un club de soutien a été mis sur pied. Un club de soutien aux actions de Marie-Noëlle Djédjé Mady. Une structure que vous avez accepté d'endosser en tant que marraine. Et il germine dans le Yocolo. Est-ce qu'on peut savoir s'il va s'étendre sur toute l'étendue du territoire, eu égard à l'envergure de votre époux qui est le Secrétaire général d'un grand parti politique?
Le club lui-même se définit en Bété comme un appel à l'aide, un appel au secours. Et tout ce que je viens de dire justifie la création de ce mouvement. C'est de lui-même qu'il s'impose au Nogogo qui est ma tribu, qu'il s'impose au Yocolo qui est mon canton, qu'il s'oppose à toute la Côte d'Ivoire. Aucun ivoirien ne peut dire aujourd'hui sincèrement qu'il ne souffre pas des affres de cette Refondation. Qui a mis le pays à genoux. Nous étions récemment dans la sous région, j'ai vu, les larmes aux yeux, des projets se développer. J'ai vu, les larmes aux yeux, des capitales en chantier. Ce n'est pas rien. "Saman" c'est le nom et la dénomination du club, de l'association dont nous parlons. "Saman" signifie en langue bété "épaule-moi", "sors-moi de là", sors-moi de la tromperie, sors-moi de la ruse, tout ça ne mène pas loin Chez nous on dit que quand on attend d'être riche avant de donner, on ne donne jamais. Parce que plus on en a, plus nos besoins grandissent. Donc "Saman" qui nous invite à partager le peu qu'on a, qui nous invite à réfléchir pour savoir ce que les parents peuvent donner entre eux et aux autres, "Saman" est là pour nous rappeler que nous avons un devoir vis-à-vis de ceux qui nous entourent. Que nous avons un devoir vis-à-vis de nos parents, de nos amis. "Saman" ne saurait se contenter de rester dans la tribu Nogogo. "Saman"ne saurait se contenter d'être un club de soutien à Djédjé Mady dans le Yocolo. "Saman" est déjà de par sa définition, au-delà de Saioua et au-delà de toute le Côte d'Ivoire. Parce que cet appel, c'est celui de l'homme de Korhogo, de Man, d'Aboisso, c'est en définitive, l'appel de tout Ivoirien conscient de ce que les générations à venir ont droit à la vie. Les élections vont se tenir bientôt et cela entraîne des troubles. A Saïoua même d'où vous êtes originaire, cela a dégénéré lors des élections passées. Quel appel avez-vous à lancer à vos militants et notamment à la population de Saïoua qui aujourd'hui a reconnu son tort et a décidé de vous suivre?
C'est ce qui a été toujours malheureux et c'est ce que nous avons toujours déploré. Mais, quelqu'un a dit que la violence commence là où s'arrête la raison. Le tout premier appel à lancer, c'est de demander aux parents de retrouver leur raison. De savoir que longtemps, on ne peut tenir des hommes pour gérer un pouvoir dans la violence, avec les menaces et l'intimidation. Tant qu'ils se laisseront intimider, évidemment des esprits malins continueront à les exploiter. A les amener sur les routes pour faire les barrages, pour couper les troncs d'arbres, ou se noircir les visages et sortir des flèches, des armes pour aller empêcher les autres de voter. Mais le jour où eux décideront de se défendre, je ne crois pas qu'ils auront en face d'eux, des gens pour les intimider. Qu'ils comprennent que ceux qui sont violents, c'est parce qu'ils savent qu'ils n'ont pas d'autres moyens pour imposer leurs vues. Et donc, qu'ils acceptent de se prendre en charge, de refuser la manipulation. Je pense que la violence, telle qu'utilisée dans toute la Côte d'Ivoire et, en particulier, dans nos zones forestières, a démontré ses limites. Vous savez, au commencement de cette histoire, ou de la naissance de "Saman", il y a eu une histoire de coupe. Simplement. Des jeunes voulaient taper dans le ballon pendant 90 minutes. Cela a soulevé un tollet. Ils ont été traînés de tribunaux en tribunaux, pour demander qu'ils se justifient. Alors que le comité d'organisation était à sa 11è édition. Il a fallu accepter d'aller face à ces tribunaux pour convaincre les gens de notre bonne foi. Se justifier pour jouer au ballon, il faut le faire ! Mais nous l'avons accepté parce que nous n'avions pas envie qu'il ait des palabres. Nous continuerons avec la patience, à en appeler à la raison des uns et des autres. Nous continuerons à parler aux Ivoiriens, aux frères et aux s?urs pour qu'ils sachent qu'ils ont plus intérêt à faire la paix qu'à faire la guerre. Heureusement pour moi, le ministre Désiré Tagro est de chez moi. Son village n'est qu'à 2 kilomètres du mien. Nous devons tous l'aider à faire accepter à l'Ivoirien que ce n'est pas la poudre aux yeux, l'Accord de Ouaga, qui a nécessité un complément, il n'y a pas longtemps. Nous devons l'amener à le comprendre. Nos gestes, actes et déclarations devront en principe l'aider. C'est pour cela que je ne désespère pas de ce que j'entends, de ce que je vois ; mais plutôt, je me dis que ce sont les derniers soubresauts des gens qui sont nostalgiques d'un passé récent, de dictateur, d'extrémistes. Ils n'ont pas voulu d'un parti unique. Ils se targuent d'avoir participé à l'avènement du multipartisme. On va simplement leur dire de se souvenir que le multipartisme, c'est l'expression de plusieurs partis, de plusieurs convictions. Et que ce n'est pas en s'attaquant aux autres qu'on est démocrate. Nous allons simplement le leur rappeler. Ils le comprendront. Il faut qu'on s'entraide, il faut aider nos frères, et ceux qui sont au-devant de la scène politique afin que l'Ivoirien ait confiance en ce processus de paix.
Interview réalisée
par Yves-M. ABIET

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