jeudi 13 décembre 2007 par 24 Heures

Le droit du peuple à l'information est loin d'être sacré pour le gouvernement ivoirien. Fait rare dans une République, le chef de l'Etat Laurent Gbagbo et son premier ministre prolongent un silence troublant sur la disparition, depuis un mois, du président de l'Assemblée nationale ivoirienne.

Le feuilleton commence par une anecdote.
Le lundi 12 novembre dernier, à la prière du ramadan, le président de l'Assemblée nationale ivoirienne, Mamadou Koulibaly, choisit la mosquée centrale de Port-Bouët, à Abidjan.
Plus plaisantin que sérieux, le député demande à l'Imam, une bénédiction à la fin de la prière.
Prémonition ? L'anecdote aurait pu s'arrêter là.
Sauf que depuis cette apparition, le chef de l'hémicycle ivoirien a disparu de la scène.
Et n'en finit plus de sa traversée du désert.
Donné réfugié au Ghana, pour mettre à l'abri sa famille selon nos confrères proches de son entourage, Mamadou Koulibaly aurait traversé tout le continent.
Pour se mettre en sécurité, il se serait retrouvé aux Etats-Unis, au pays de l'Oncle Sam, à mille lieux d'Abidjan.
Ses pairs parlementaires, interrogés, en savent que trop peu.
Et sur sa destination, et sur son infortune au sein du pouvoir du Front Populaire Ivoirien (Fpi).
Le dauphin constitutionnel est pour ainsi dire, porté disparu.
Mercredi dernier, le journal du Fpi, Notre Voie , annonçait pour imminent, le retour à Abidjan du patron du parlement ivoirien.
Ce serait suite à une sommation du chef de l'Etat Laurent Gbagbolui-même, si l'on en croit les informations d'autres confrères ivoiriens.
Leur source : l'ex-conseiller et bras droit de Mamadou, Junior Ahua, lui aussi réfugié aux Etats-Unis pour incompatibilité d'opinion au sein de la galaxie Gbagbo.
La grande gueule, au sein du Fpi, du n°2 de la République est connue.
Ce qui l'est moins, c'est jusqu'où elle dérange ceux que Koulibaly lui-même appelle les nouveaux grilleurs d'arachides , c'est-à-dire, les nouveaux riches du pouvoir socialiste.
En septembre dernier, le chef de l'Etat Laurent Gbagbo a confirmé l'instinct de liberté de son dauphin constitutionnel.
On ne peut pas enfermer Koulibaly dans une boîte , indiquait-il.
De là à contraindre à exil le président du parlement Le gouvernement, lui, franchit un pas, celui du déni d'information de l'opinion.
Le cas Koulibaly est tabou.
Ce qui n'est pas un crime moindre dans une République.
Le c?ur peut-être à la fête, le gouvernement du Premier ministre Guillaume Soro a eu le temps, comme il vient de le faire, d'interdire les pétards à travers la ville d'Abidjan.
Motus sur la disparition de Mamadou Koulibaly ! Nul ne sait où fêteront les membres de sa famille.
Du reste, l'honneur de l'un des ses membres, en l'occurrence, sa fille aînée, aurait été souillé, selon une rumeur persistante, par un mentor de la Refondation, avant que son père ne décide de la mettre à l'abri.
Les Ivoiriens n'en sont pas au premier cas de déni de transparence au sommet de l'exécutif ivoirien.
Ils n'en ont su que trop peu et n'en sauront rien, officiellement, du coup de théâtre du 20 novembre dernier à Ouagadougou où le ministre de l'Intérieur Désiré Tagro, en claquant la porte des discussions inter-ivoiriennes sous l'égide du facilitateur Blaise Compaoré, avait failli provoquer une crise diplomatique.
Le cas Koulibaly, un crime de trop ? Après le scandale des déchets toxiques d'août 2006 dont les présumés auteurs n'ont pas été inquiétés, et l'affaire des faux dollars de septembre dernier ? L'une des victimes de ce silence coupable au sommet de l'Etat serait celle à qui l'opinion pense le moins : la Constitution ivoirienne du 1er août.
La loi fondamentale est, visiblement, réduite à légitimer le prolongement du mandat de Gbagbo, sans que ce dernier ne s'y oblige, quand il s'agit de rendre compte à l'opinion.


Benoît HILI


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