mardi 11 décembre 2007 par Fraternité Matin

Le commissaire européen au développement a clarifié certains points. M. Louis Michel, beaucoup d'Africains nous ont dit ce week-end: les APE, on n'en veut pas et cette pression des Européens, c'est un diktat. Alors, que faites-vous aujourd'hui pour apaiser les esprits ?
D'abord, je ne sais pas où vous avez entendu ça. A mon avis, vous avez dû entendre d'autres voix.
M. Alpha Oumar Konaré et Wade se sont prononcés sur la question. Je pense que M. Wade est un leader que je respecte, mais je crois qu'il n'a pas bien perçu toutes les réponses que nous avons apportées par rapport aux inquiétudes de nos amis Africains. Les Accords de partenariat économique, ce n'est pas nous qui les avons voulus. Ils résultent de la conséquence d'une décision de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Alors qu'avons-nous fait ? Nous essayons de faire en sorte que nos amis Africains soient placés dans des conditions aussi bonnes que celles qu'ils connaissent aujourd'hui. S'il n'y a pas d'accord d'ici à la fin de l'année avec un pays comme la Côte d'Ivoire, elle va perdre 700 millions d'euros (environs 459 milliards de FCFA) de chiffre d'affaires dans son échange commercial. Ce qui serait d'ailleurs une catastrophe non pas seulement pour ce pays mais pareillement pour toute la région. Donc qu'avons-nous voulu faire ? Nous avons voulu dire - puisqu'ils ne veulent pas des APE maintenant d'accord, nous en discuterons l'an prochain - mais en attendant, il faut que nous ayons des accords intérimaires avec des pays qui sont directement exposés à ce changement de régime. S'agit-il des (exportateurs, ndr) matières premières agricoles ?
Notamment. Il est impensable de laisser des pays à revenu moyen dans une situation aussi catastrophique. Nous avons voulu parer au plus pressé en signant des Accords intérimaires, qui dans le fond, sont des mesures de sauvegarde des intérêts de ces pays-là. Ce qui a choqué beaucoup de pays africains, c'est le fait que vous ayez négocié des accords séparés avec certains comme la Côte d'Ivoire pour contourner le blocage des organisations régionales telle la CEDEAO. J'ai l'impression que vous ne souhaitez pas comprendre ce que je dis. Au départ, nous avons engagé des Accords de partenariat économique avec l'entièreté d'une région. Quel est le problème ? C'est que dans une même région, vous avez deux types de pays. Il y a des pays à revenus très bas, les pays les plus pauvres qui, eux, sont couverts, qu'il y ait accord de partenariat ou non, parce qu'on appelle tout sauf les armes. Ça veut dire que tous leurs produits, à l'exception des armes, peuvent arriver sur notre marché (européen). Ça veut dire qu'il y a là une ouverture totale sans contrepartie, sans quota, sans limite d'action dans nos marchés. Donc, les pays à bas revenus ne voient pas un intérêt immédiat dans l'Accord de partenariat économique. Par contre, les pays à moyens revenus, pour éviter qu'ils ne se retrouvent dans une situation totalement catastrophique en termes d'accès à nos marché, ont dit qu'il faut négocier avec eux, des Accords de partenariat temporaires ou intérimaires de sorte qu'ils aient les mêmes avantages que ceux qu'ils ont aujourd'hui. Vendredi dernier, vous avez tenu une réunion avec les patrons africains au cours de laquelle vous avez eu un libre échange avec M. Baye Diagne du Sénégal qui vous dit : M. Louis Michel, vous ne respectez pas les Africains !...). Si vous pensez avoir raison sur le fond, vos méthodes ne sont-elles pas parfois brutales ?
Qu'on m'explique de quelles méthodes parle-t-on ? Quand on dit à nos amis africains, vous allez avoir 100% d'accès à nos marchés, sans limitation. Nous avons prévu de doubler les fonds régionaux pour éventuellement compenser la perte fiscale nette de la suppression tarifaire. Que voulez-vous que je dise de plus ? Quand j'entends l'argumentation de M. Wade qui, par ailleurs, est un monsieur que j'adore, que j'aime beaucoup et qui plus est, est un vieil ami. Je ne me retrouve pas du tout dans son argumentation pour pouvoir juger des Accords de partenariat économique. En plus, son pays n'est pas concerné directement. Il a, lui, un accès total à nos marchés. Que voulez-vous donc que je dise à M. Wade pour le convaincre ? Je n'ai rien à dire de plus. Moi, j'ai tout simplement l'impression que cela devient un débat politique.

Interview repiquée sur
RFI

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