samedi 1 décembre 2007 par Le Nouveau Réveil

Monsieur le président,
Je voudrais très respectueusement, venir par la présente, m'adresser à vous, non pas en tant que ancien président de la république de Côte d'Ivoire ni en tant que président du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire.
Je voudrais m'adresser uniquement au candidat déclaré pour les futures élections présidentielles qui finiront bien par être organisées un jour, même si très bientôt, on nous rappellera que les dates précises qu'on vient de nous donner ne sont qu'à titre indicatif.

M'adresser donc au candidat et non pas au président de parti, d'abord parce que je ne suis ni militant ni sympathisant du PDCI et ensuite parce que comme tel, je n'ai aucune critique à formuler sur la manière dont vous dirigez votre parti. C'est une affaire qui ne regarde que les militants de votre parti et ils sont suffisamment matures pour savoir si vous êtes l'homme de la situation.
Si je ne veux m'adresser qu'au candidat que vous êtes, c'est parce que le candidat fait partie du domaine public et c'est la raison pour laquelle il devient le président de tous les Ivoiriens une fois qu'il est élu. J'ai donc beaucoup de choses à dire au candidat.
Cette précision faite et avant de poursuivre, je voudrais me présenter à vous.
Je suis Assalé Tiémoko Antoine, né Ivoirien à Koyékro, sous-préfecture de Tiassalé, un village que vous n'avez jamais visité et que peut-être vous ignorez jusqu'à l'existence. Je suis donc de ce village et depuis le 16 août 2007, je me suis engagé dans un combat qui consiste à parler de ceux dont on ne parle jamais, bon an mal an et qui sont pourtant des faiseurs de rois. Je veux parler des pauvres et de leurs enfants qui représentent la majorité écrasante de la population ivoirienne et qui sont victimes depuis des années, des intrigues politiciennes et à présent, de la corruption dévastatrice érigée en véritable système social et qui a fermé toutes les portes de réussite aux jeunes diplômés nés enfants de pauvres.
Ceci dit monsieur le président, Friedrich Von Schiller a dit : " si tu veux comprendre les autres, regarde dans ton propre c?ur. Mais, si tu veux te comprendre toi-même, regarde comment les autres se comportent. "
La première question qui m'est venue à l'esprit quand j'ai appris que vous avez annoncé votre candidature pour les élections présidentielles était celle-ci : qu'est-ce que monsieur Bédié peut-il encore apporter à la Côte d'Ivoire et surtout aux jeunes gens que nous sommes, nés plusieurs années après les indépendances ?
Mais, en me rappelant la manière dont vous avez quitté le pouvoir, je me suis rendu compte que cette question était absurde. Vous étiez président de la république de Côte d'Ivoire et vous avez perdu le pouvoir, non pas à la suite d'un vote sanction du peuple souverain de Côte d'Ivoire, mais plutôt à la suite d'un " braquage politique ", par des coupeurs de route qui vous ont empêché de poursuivre votre chemin et qui, par la même occasion, ont ouvert la boîte de pandore.
Après une telle mésaventure, la logique aurait voulu que vous vous retiriez de la politique pour vous consacrer à des activités beaucoup plus tranquilles. Surtout qu'à mon humble avis, il n'y a pas dans ce pays, une autre personne comme vous, qui a servi l'Etat à tous les niveaux de responsabilité. C'est un don de Dieu.
Vous êtes donc candidat et je peux dire sans aucune crainte de me tromper, que la raison principale de cette candidature, à l'exclusion de tout autre raison, se trouve dans la manière dont vous êtes parti du pouvoir. Vous voulez prouver à tout le monde que vous êtes un démocrate dans l'âme et qu'à ce titre, vous voulez avoir directement la réponse du peuple de Côte d'Ivoire sur la question suivante: " Ivoiriennes, Ivoiriens, est- ce que vous croyez sincèrement que j'ai mal travaillé pour notre pays et que je mérite le braquage dont j'ai été l'objet en 1999 " ? Vous tenez absolument à avoir la réponse à cette question et vous avez raison. La prise du pouvoir se fait de façon légale et sa perte doit se faire de façon légale. Et, c'est sans doute la raison pour laquelle, l'on dit qu'à Marcoussis, vous avez été le seul à vous opposer au "braquage" du pouvoir du Président Gbagbo par les mêmes coupeurs de routes qui ont "fait la peau" à votre régime.
C'est le peuple seul, qui peut et qui doit décider de mettre à la retraite, à travers une élection, un président qui n'est pas arrivé au pouvoir par les armes, surtout que ceux qui l'ont chassé du pouvoir ont été eux-mêmes chassés par le peuple dans des conditions beaucoup plus humiliantes et que cette réaction extrême et sans précédent du peuple de Côte d'Ivoire ne peut en aucun cas être interprétée comme l'absolue adhésion à un quelconque programme, mais plutôt, comme l'expression du ras-le-bol d'une population trompée, abusée et excédée par les pratiques mafieuses d'un régime militaire qui, en quelques mois seulement, avait fini par faire comprendre et cela, même aux enfants, qu'il était la pire des choses qui pouvait arriver à notre pays. La suite, on la connaît.
Vous avez donc raison de ce point de vue, d'être candidat. Votre logique est démocratique, claire, simple et finalement difficile à comprendre pour tous ceux qui ne savent pas ou qui ont oublié que c'est le peuple seul qui a le droit de mettre définitivement à la retraite, un dirigeant politique qui n'a pas obtenu son pouvoir par la force brutale des armes.
Merci de nous passer ce message. Mais, au-delà de tout cela, je voudrais vous dire les choses suivantes.
La Côte d'Ivoire a changé, les Ivoiriens aussi. Quand vous étiez au pouvoir, il y avait encore un peu de morale dans notre pays. Maintenant, il n'y en a plus.
Quand vous étiez au pouvoir, il y avait déjà la corruption dans notre administration. Maintenant, notre administration est totalement sinistrée par la corruption.
Quand vous étiez président de la république, il y avait déjà la corruption dans les concours administratifs mais au moins, les enfants de pauvres arrivaient de temps en temps à réussir. Maintenant, ils n'ont plus aucune chance et il est absolument impossible pour eux de réussir sans payer.
Quand vous étiez président, les diplômes ivoiriens, certes avaient commencé à perdre de leur valeur, mais au moins, on subissait des épreuves pour les avoir. Maintenant, si vous avez de l'argent, vous pouvez acheter le BEPC, le BAC ou le BTS pour un parent qui a abandonné l'école depuis 18 ans et lui permettre, également en payant, de rentrer à la police, à la gendarmerie ou au Cafop.
Quand vous étiez président, les enfants de pauvres avaient déjà du mal à trouver du travail. Maintenant, ils ont plus de mal à trouver du travail. Le plus dur pour eux, c'est de trouver l'argent du transport pour retourner au village pour pleurer ensemble avec leurs parents paysans. Je pourrais citer à l'infini, les choses qui n'ont pas simplement changé mais qui ont évolué depuis 1999. Vous savez sans doute aussi que la Côte d'Ivoire que vous pensez être à mesure de diriger à nouveau est aujourd'hui classée 151ème sur 163 pays classés sur le plan de la probité. Elle est aussi le 6ème pays le plus corrompu d'Afrique après le Soudan, le Tchad, la RDC, la Guinée et la Guinée équatoriale.
Comme vous le voyez, la Côte d'Ivoire a beaucoup évolué sur l'échelle de la négativité et de la médiocrité. Désormais dans ce pays, le mensonge a acquis autant de force que la vérité et tout le monde est convaincu que ce qui compte vraiment, c'est de " manger " à tous les prix et que la morale et l'avenir du pays peuvent attendre. On célèbre même aujourd'hui, les criminels à la télévision et les enfants qui s'éveillent à la vie, regardent ça et l'intériorisent dans leur fragile conscience comme des modèles à suivre. La Côte d'Ivoire que vous comptez diriger s'est effondrée, non pas sur le plan physique, mais plutôt sur le plan moral. C'est donc un plan de redressement moral qu'il faut à la Côte d'Ivoire et non pas exclusivement un plan de redressement économique. Le redressement moral englobe le redressement économique et vous savez, en économiste averti, qu'aucun plan de redressement ne peut prospérer dans un pays gangréné par la corruption à tous les niveaux.
Ce dont la Côte d'Ivoire a besoin, c'est le positionnement de la règle de droit au-dessus de tout le monde y compris le chef de l'Etat et son entourage. Cela signifie que les présidents-seigneurs ou les présidents-dieux n'ont plus leur place dans notre pays. Ce dont les Ivoiriens et principalement les pauvres ont besoin, ce ne sont pas des grands discours théoriques sur la micro ou la macro économie, mais plutôt, la restauration codifiée de l'égalité de chances pour tous. Que l'on soit né avec une cuillère d'argent dans la bouche ou par une nuit pluvieuse.
L'élection à venir et pour laquelle vous êtes candidat, sera la plus difficile pour tous les candidats. Car, il ne s'agira pas, comme l'a dit le président Gbagbo, de demander aux Ivoiriens de choisir entre ceux qui étaient pour la rébellion et ceux qui étaient pour la république. Non, il ne s'agira pas de cela parce que finalement, la seule victime de cette guerre, c'est le peuple de Côte d'Ivoire. Les hommes politiques, toutes tendances confondues, ont plutôt profité de cette guerre. Qui, pour se maintenir au pouvoir, qui, pour obtenir une parcelle de pouvoir et c'est ce qui continue jusqu'au jour d'aujourd'hui. Personne n'a d'arguments pour se dédouaner. Tout le monde est comptable de cette situation. Il s'agira donc plutôt, pour chaque candidat, à faire la preuve de son engagement ferme à ?uvrer pour que jamais plus dans ce pays, il n'y ait d'un côté, un président et son entourage, riches, corrompus jusqu'aux ongles et au-dessus de toutes les lois. Et, de l'autre, un peuple pauvre, affamé, malade, victime de toutes les humiliations et de toutes les injustices sociales.
Monsieur le président, ce ne sont pas les promesses qui feront de vous le prochain président de la Côte d'Ivoire. Les Ivoiriens ont suffisamment eu le temps de savoir ce que valent les promesses des politiciens. Il ne s'agira donc pas de faire des promesses. Les Ivoiriens et surtout les pauvres n'en veulent plus. Croyez-moi, le peuple de Côte d'Ivoire aura un message très clair à faire passer. Il n'y aura pas de bétail électoral acquis à la cause de quelqu'un. Il y aura d'un côté, les pauvres et leurs enfants qui, pendant bientôt huit ans, ont mangé une fois par jour et qui meurent chaque jour dans les hôpitaux comme des bêtes. Et de l'autre côté, les arrogants et suffisants politiciens ivoiriens qui, pour la plupart, considèrent le pouvoir comme une source d'enrichissement rapide et illicite.
Le président Gbagbo a dit de vous que vous êtes " rusé " et que vous savez vous " entourer ". Il avait raison pour la ruse, car la ruse est l'une des qualités que doit posséder un grand homme d'Etat et vous êtes un grand homme d'Etat. Mais, n'oubliez pas qu'on ne ruse pas avec la vie et l'avenir d'un peuple. Pour ce qui est de l'entourage, vous devez savoir que le seul entourage d'un président démocratiquement élu, c'est son peuple. Les allégeances des amis et de l'entourage d'un président, n'ont de valeur que durant le " festin présidentiel ".
Monsieur le président, comme je l'ai dit plus haut, vous avez raison de vous présenter comme candidat. Car, c'est seul le peuple de Côte d'Ivoire qui a le droit de vous mettre à la retraite ou de dire si vous pouvez encore lui apporter quelque chose. Vous voulez faire comprendre au monde entier que c'est le peuple seul qui donne et qui reprend le pouvoir et non une bande de " braqueurs actionnés " dont l'intrusion sur la scène politique restera dans l'histoire comme la plus vaste bêtise et la plus vaste escroquerie politique et morale dont un peuple dans son ensemble ait jamais été victime. Le peuple de Côte d'Ivoire vous donnera votre réponse et cette réponse sera très claire. Car, dans les deux cas de figure, vous sortirez vainqueur. Si vous gagnez, vous aurez eu raison sur tout le monde et surtout sur les " braqueurs ". Si vous perdez, vous aurez encore eu raison sur tout le monde et surtout encore sur les " braqueurs ".
Mais, d'ici à cette échéance, il faudra décoder le message qui se trouve dans le silence assourdissant des jeunes de Côte d'Ivoire qui sont présentement dans les cars en train de vendre des médicaments chinois, qui sont assis derrière des cabines téléphoniques, qui sont en train de vendre de façon ambulante, à pieds et sous le soleil, des appareils électroménagers, bref, des jeunes qui, depuis sept ans, ont bu le calice jusqu'à la lie. Car, ces jeunes sur qui tout le monde fantasme et que même certains considèrent comme une chasse gardée, ne voteront pas pour un candidat. Ils voteront pour eux-mêmes. En déposant leur bulletin de vote dans l'urne, ils feront le choix entre le chômage éternel, la gestion des cabines téléphoniques, le retour à la stérile terre après 18 ans d'études, et la restauration de la justice et de l'égalité pour tous dans le partage des richesses de ce pays.
Depuis sept ans, les jeunes, pour la plupart enfants de pauvres, ont suffisamment eu le temps de comprendre que c'est dans la gourmandise que l'égoïsme, la méchanceté et l'ingratitude des hommes politiciens se manifestent le plus honteusement.
Vous voulez redevenir président de la république ? Très bien ! Je vous prie simplement de retenir, qu' " aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire ".
En espérant ne pas vous avoir ennuyé, je vous souhaite bonne chance pour demain qui est déjà aujourd'hui.

ASSALE TIEMOKO ANTOINE
PRESIDENT DE L'ASSOCIATION MVPC
antoineassale02@yahoo.fr
TELL : 225 08 42 39 33

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023