mardi 13 novembre 2007 par Le Matin d'Abidjan

L'ordonnance du 04 octobre a ouvert une crise entre le ministre de la Ville et de la Salubrité publique et l'UVICOCI. Dans cet entretien que le maire de Cocody nous a accordé, il explique les origines de cette situation.

M. le maire, une crise ouverte prévaut entre l'Union des villes et communes de Côte d'Ivoire et M. Mel Théodore, ministre de la Ville et de la Salubrité urbaine. Des maires ont hué le ministre vendredi dernier avant leur rencontre avec le Premier ministre. Comment expliquez-vous cette situation?
Cette situation s'explique par le fait que le ministre Mel Théodore a injurié les maires en les traitant de carents. Ces derniers ne pouvaient accepter cette injure. Les maires ne sont pas contre le ministre parce qu'en réalité, le gouvernement contrôle et oriente l'action des maires sur le terrain. Il y avait un dysfonctionnement entre les mairies et le District d'une part et entre les mairies et les conseils généraux d'autre part. Nous avons fait les états généraux et les tâches ont été bien réparties. Mais nous avions un problème de moyens puisque les trésoreries de l'Etat connaissent des difficultés. Aussi est-il nécessaire qu'on tienne compte de cette situation, de ce que les maires rencontrent des difficultés si on veut abroger une loi. Après les états généraux, le gouvernement et les maires s'étaient mis d'accord pour que ce soient au départ, les maires qui collectent les ordures pour les déverser à la décharge d'Akouédo, après quoi, le District intervient. Par le passé, les maires faisaient la pré-collecte et le District la collecte. Et quand le District ne faisait pas son travail parce que l'Etat ne mettait pas les moyens dont il avait besoin à sa disposition, on avait l'impression que c'étaient les maires qui ne travaillaient pas. Les états généraux avaient donc réglé le problème. Tout récemment, lors d'une audience avec le président de la République, les communes touchées par les déchets toxiques ont bénéficié d'une subvention pour réaliser un certain nombre de projets. Le président a demandé au gouverneur du District d'Abidjan de créer une entreprise pour la gestion des ordures de sorte à libérer les maires afin que ceux-ci s'occupent des autres tâches. Ce sont ces projets que nous attendions lorsqu'une ordonnance est venue abroger tout pour remettre la gestion des ordures entre les mains du ministre Mel.

Que pensez-vous de cette ordonnance du 04 octobre 2004 qui a confié la gestion des ordures à une agence ?
L'ordonnance en elle-même ne crée pas de problèmes. Nous sommes des élus, donc toute structure que l'Etat met en place pour les communes pour gérer les ordures est la bienvenue. Mais il faut lever un amalgame car la décentralisation ne se résume pas seulement à la gestion des ordures. L'agence doit en principe s'appuyer sur les communes pour faire le travail et les maires devaient être au conseil d'administration. Si le ministre Mel avait rencontré les maires pour expliquer le bien-fondé de son action, parce qu'il s'agit, après tout, de leurs communes, il n'y aurait pas eu de problèmes. Mais que fait-il ? Il vient à la télévision pour insulter les maires. Nous ne pouvons pas accepter cela. Il est en train de détourner l'objectif de la création de l'agence. A l'époque où il était maire, les mêmes problèmes existaient alors que le pays était stable. Il avait les moyens pour faire son travail mais il ne l'a pas fait. Aujourd'hui, nous sommes obligés d'aller au Trésor pour demander une partie de notre quote-part. Mel doit faire preuve de modestie au lieu de nous insulter. Sinon, s'il joue les arrogants, il ne travaillera pas. Je lui rappelle que nous sommes des élus. Nous allons rencontrer le Premier ministre pour lui exprimer de vive voix notre mécontentement.

M. le maire, cette ordonnance ne peut-elle pas être interprétée comme un désaveu du président de la République de la gestion des ordures ménagères qui était faite par les collectivités décentralisées ?
Non

Mais il a été mentionné l'urgence de la situation. De quelle urgence s'agit-il?
On ne peut pas parler d'urgence. Quand le premier ministre Banny est arrivé, il a dit qu'il allait mettre les moyens pour dégager les rues. Mais ce n'est pas aussi facile. Vous avez vu qu'il a échoué. Il s'agit ici d'un problème de réflexion globale qui doit réunir toutes les intelligences, à savoir, les communes, le BNEDT et l'Etat afin de trouver des solutions définitives pour régler, une fois pour toutes, ce problème. Prenez le cas de l'Indénié qui connaît des difficultés dus au niveau de terrain qui est le même que celui de la lagune. Quand il pleut, les eaux montent et pour résoudre ce problème, il faut mener des réflexions globales incluant toutes les compétences dans ce domaine. Il ne s'agit pas seulement des maires et du District parce qu'ils n'ont pas les grands moyens que nécessite la réfection de la baie de Cocody. On prend une ordonnance pour nous venir en aide et lui (ndlr : le ministre Mel Théodore) s'arroge un certain nombre de pouvoirs qu'il n'a pas. Nous exigeons des excuses devant le président de la République ou le Premier ministre.

M. le maire, vous avez lancé récemment, l'opération déguerpissement des trottoirs. Pouvez-vous nous faire le point de cette opération ?
Les résultats sont mitigés. Il faut l'avouer. Mais beaucoup a été fait. Il ne faut pas occulter le contexte de la crise qui a accentué la paupérisation des populations. Nous avons pu dégager la plupart des baraques qui gênaient et les maquis bruyants. Beaucoup de personnes se plaignent de ce que les déguerpis reviennent s'installer. Nous allons continuer de les dégager. Nous avons rencontré les pasteurs, les prêtres et les imams pour nous entendre sur une attitude parce qu'il s'agit, avant tout, de Cocody où on ne peut pas permettre qu'on trouble la quiétude des populations. Notre plus grand défi est de déguerpir les trottoirs qui sont squattés pas les petits commerçants. Contrairement à ce que pensent certaines personnes, nous ne prenons pas de taxes avec ces commerçants ni avec les cabines téléphoniques. Au carrefour de la Riviéra 2, de nombreux commerçants informels se sont installés. Nous avons décidé de les dégager mais ces commerçants ont failli incendier mon domicile. Une fois, l'Etat a utilisé des policiers pour faire un déguerpissement. Mais c'est l'effet contraire qui s'est produit puisque ce sont les populations qui ont pourchassé les policiers. Il faut donc comprendre les difficultés que les maires rencontrent. Mais nous continuerons la sensibilisation à travers les associations des jeunes et des femmes. Je voudrais aussi dire à ceux qui se plaisent à parler de ''Cocody d'avant'' que la comparaison n'a pas lieu d'être faite parce qu'avant, Cocody avait 50 000 habitants. Aujourd'hui, nous sommes à environ 850 000.

Vous avez décidé de recaser les commerçants du marché incendié sur le site de Saint Jean. Or nous avons appris que ce site qui appartient à Mobil est litigieux. Qu'en est-il réellement ?
Effectivement et cela fait partie des problèmes que nous rencontrons. Le marché a brûlé, c'est vrai, mais c'est un acte délibéré pour nuire au maire de Cocody

Avez-vous les preuves de ce que vous affirmez ?
Oui, nous avons les preuves ! Les pompiers et tous ceux qui se sont mobilisés pour circonscrire l'incendie ont compris qu'il s'agissait d'un acte volontaire dont on a voulu me faire porter le chapeau. Il y a un moment, la protection civile, après une expertise, avait conclu que le marché avait des problèmes qui nécessitaient une intervention urgente. Faute de quoi, il était menacé de brûler. J'étais en discussion avec les commerçants pour leur faire comprendre cela. J'aurais pu les dégager manu militari pour entreprendre les travaux mais les discussions ont été politisées. J'ai donc été obligé de laisser tomber. J'étais en mission en Espagne lorsque le marché a brûlé et cela après qu'un individu a menacé de brûler un bien de la mairie. J'ai porté plainte contre cette personne et il semble que les individus utilisés pour faire campagne contre moi dans cette affaire sont mêlés à l'incendie. Quant aux commerçants, ils ont leur part de responsabilité car on n'en serait pas là s'ils nous avaient permis de faire les travaux de réhabilitation du marché. Hélas ! le marché a été ravagé par cet incendie et le maire est obligé de recaser les commerçants sinistrés. La place Saint Jean qui appartenait à la SICOGI qui l'a vendue à Mobil a été choisie. Depuis 2004, nous demandons à cette société afin qu'elle mette le terrain en valeur puisque c'était un terrain non occupé où des individus de tout acabit déféquaient, ce qui gênait les résidents qui nous interpellaient. Prétextant la crise, Mobil ne met pas le terrain en valeur et quand je décide d'occuper provisoirement ce site, la société se souvient de ce qu'elle doit l'utiliser. Nous sommes en pourparlers pour trouver une solution. Je m'élève aussi contre les calomnies qui ont été dites lors du salon des architectes dénommé Archibat selon lesquelles Cocody n'a pas de jardins publics. La commune de Cocody, telle que conçue au départ, avait beaucoup de jardins publics. C'est mon prédécesseur Mel Théodore, présent à ce salon, qui a exploité tous ces endroits pour en faire des musées, l'Hotel communal, et je ne sais quoi. Ce n'est pas l'actuel maire de Cocody. Et c'est lui qui vilipendait les maires. Il me laisse une dette de 5 milliards et il ne veut pas garder le profil bas. Je voudrais quand même que l'on comprenne que ce monsieur m'a laissé des problèmes qui me dépassent. Il est mal placé pour parler des carences des maires. Je le dis et je l'assume ! un trou de 5 milliards, ordinateurs et véhicules disparus. Qu'on ne vienne pas parler de carence des autres. Si carence il y a alors, qu'il regarde dans sa propre gestion. J'ai fait des jardins publics là où il y a de l'espace. A Cocody centre, tous les espaces ont été exploités par mon prédécesseur. Il est donc normal qu'on ne trouve plus d'espaces publics à Cocody centre.

Il y a quelques mois, vous avez évoqué l'arrivée des ''cocobus'' pour résoudre l'épineux problème des transports en commun dans votre commune. Aujourd'hui, les populations continuent d'attendre l'arrivée de ces bus. Jusqu'à quand devront-elles patienter?
C'est une préoccupation majeure pour moi. Les wôrô-wôrô sont un mal nécessaire. Depuis un certain moment, nous sommes en train de travailler pour mettre en place un autre mode de transport en commun à Cocody. Il faut un montant de 20 milliards. Le contexte de crise ne nous aide pas, mais nous y parviendrons. Tout est lié à la stabilité politique. De, plus, des ennemis tapis dans l'ombre luttent contre ce projet. Nous avons fait une étude de marché qui montre que le projet est très rentable et que nos partenaires sont prêts à investir.

Vous avez rencontré, il y a quelques mois, les transporteurs pour évoquer le problème de l'Agetu. Au cours de cette rencontre, vous avez demandé aux chauffeurs de wôrô wôrô d'arrêter la surenchère qu'ils imposent aux populations aux heures de pointe. Présentement le problème demeure, que faites-vous à ce niveau ?
Les chauffeurs n'ont aucune discipline. Ils se sentent mieux dans le désordre. Cette activité regorge de beaucoup d'argent. Les syndicats encaissent 700 Fcfa par wôrô-wôrô par jour. Nous avons recensé 2500 voitures mais nous savons qu'il y en a plus. Essayez de multiplier 700 Fcfa par 2500, et vous obtiendrez ce qu'ils gagnent par jour. Quand tu essaies de négocier, ils t'opposent un niet catégorique. On constate une indiscipline notoire de leur part. Ils s'opposent à notre volonté d'organiser ce secteur. Je leur ai concédé un espace à la place St Jean, mais ils sont partout dans les rues. Je suis obligé d'envoyer régulièrement la police les dégager. La solution pour moi, c'est l'avènement des ''cocobus'' pour en finir définitivement avec le phénomène des Wôrô-Wôrô qui ne cadre plus avec la commune de Cocody. En effet, 80% de ces véhicules n'ont pas de cartes grises ni de vignettes et les chauffeurs s'entêtent à circuler malgré tout. Lorsqu'ils voient la police, ils se faufilent à l'intérieur des quartiers. Ils ont en outre morcelé les trajets pour faire payer plus aux populations. De St Jean à la Djibi, le client paie jusqu'à 600 Fcfa. Ce n'est pas normal et ils prétextent des embouteillages. Alors que les embouteillages, ce sont eux qui en sont les auteurs. Je m'emploierai à tout faire pour l'avènement de cette société de transport pour en finir avec ce diktat des wôrô-wôrô. Certains ont évoqué la perte des emplois des chauffeurs si les ''cocobus'' arrivent. Mais je demanderai à ces chauffeurs d'aller dans les communes où la pagaille est tolérée.

Réalisée par
Josiane Badet et Gas
Collaboration
N'Dri Bonfils (Stagiaire)

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023