mardi 6 novembre 2007 par L'intelligent d'Abidjan

Il s'en était fallu de peu pour que la crise gouvernementale éclate lorsque pour une question de redéploiement de l'administration, le Premier ministre et son ministre de l'Intérieur se soient suspectés. En dépit du désamorçage de la crise, Désiré Tagro demeure un épouvantail pour Guillaume Soro. Le Premier ministre Guillaume Soro est véritablement entre le marteau et l'enclume. Occupé à régler ses comptes avec ses alliés du G7 qui louvoient son poste, le Chef du gouvernement passerait également des nuits blanches en cherchant à comprendre le nouvel activisme du ministre Désiré Tagro. Le collaborateur de Soro s'est, selon nos sources, lancé dans une nouvelle mission. Cette mission qui reprend en fait les récriminations de l'opposition à l'égard de Soro est une vraie bombe à retardement qui risque de pourrir les relations suspicieuses entre les deux hommes. Selon nos sources, le ministre de l'Intérieur a entrepris de faire savoir au Président Blaise Compaoré que le Premier ministre refuse à tort ou à raison d'atteindre sa vitesse de croisière dans l'application de l'Accord politique de Ouagadougou. Pour Tagro qui avait été accusé par les proches de Soro de vouloir bloquer le redémarrage des audiences foraines, le processus tel qu'il est mené en ce moment est bel et bien lent. Le camp présidentiel aurait d'après nos sources, eu vent de la teneur de l'Opération ?'Strike Force 1''. Aussi plus que l'opposition, le camp présidentiel voudrait sortir dans les brefs délais de la situation hybride actuelle. C'est pourquoi, Désiré Tagro s'échine à expliquer au facilitateur les risques d'un laxisme dans l'application de l'Accord de Ouagadougou. A côté des raisons propres au camp présidentiel, les récentes déclarations de certains chefs de guerre notamment Chérif Ousmane ne sont guère rassurantes sur la trajectoire de l'ex-rébellion. Ce dernier a, en effet, mis insidieusement en garde l'aile politique des Forces nouvelles dans un entretien avec un quotidien de la place. Il a rappelé aux uns et aux autres qu'ils ne devaient pas perdre de vue les objectifs initiaux de la rébellion. Passé sous silence par le camp présidentiel, il ne demeure pas moins que cette déclaration a donné froid dans le dos des Refondateurs. Et comme si l'aile politique voulait faire chorus avec les chefs de guerre, les hommes de Soro commencent à faire germer l'idée selon laquelle son passage à la Primature pourrait encore durer. Les déclarations du porte-parole de la Primature sur le désarmement après les élections ont fini par convaincre Tagro que les Forces nouvelles veulent exécuter un agenda autre que celui proposé par l'Accord de Ouaga. Voulant se faire comprendre par un large éventail de personnes impliquées de près comme de loin dans l'Accord, le Chef de la délégation ivoirienne à Ouaga compte rencontrer, outre Blaise Compaoré, de nombreux diplomates de la sous-région et ici même à Abidjan pour exposer son point de vue. Tout cet activisme qui tombe à un mauvais moment pour Soro trouble le sommeil de tous à la Primature.

L'énigme Laurent Gbagbo

Dans les couloirs de la Primature, l'on recommence à s'interroger sur cette nouvelle initiative de Désiré Tagro. A en croire des collaborateurs du Premier ministre qui ont requis l'anonymat, il s'agit d'une nouvelle guerre après celle avortée sur le redéploiement des Préfets et Sous-préfets. Entre la Primature et le ministère de l'Intérieur, c'est inévitablement ?'la guerre du fétichisme des dates''. Mais dans ce nouveau bras de fer sournois, la Primature reste préoccupée par la position du Chef de l'Etat face aux agissements du premier policier ivoirien. Les relations courtoises entre Gbagbo et son Premier ministre sont telles que le numéro Ivoirien se serait déjà engagé à recadrer Soro après son passage à la Primature. Fort de ce constat, l'on se demande bien à la Primature si Désiré Tagro peut prendre une telle initiative sans la caution de Gbagbo ou du moins sans l'en aviser. Parce que du côté de la ?'case du Plateau'' l'on est convaincu que Tagro est aussi sur de lui que parce qu'il a l'onction de Laurent Gbagbo. Se voulant plus incisif notre informateur au niveau de la ?'case'' a fait remarquer que Tagro ne pèse rien sans le Président de la République. Qui est dans une situation inconfortable puisque aujourd'hui il ne peut se permettre d'affaiblir Soro mais aussi de désavouer publiquement Tagro. Face à ce qui se dit sur Tagro, un de ses proches collaborateurs est formel : ''Il y a beaucoup de choses qui se disent sur le ministre de l'Intérieur par rapport au processus de paix. Mais, le patron reste fidèle à sa position de ne faire aucune déclaration à l'emporte pièce dans la presse car il ne veut pas fragiliser le processus dont il est un acteur capital. C'est vrai qu'il rencontrera le facilitateur qu'il voit souvent dans le cadre de l'Accord de Ouaga. Il rencontrera aussi des diplomates pour parler certainement de l'Accord de Ouaga. Mais, je ne puis vous dire les points qu'ils vont aborder. S'il discute avec eux de sa vision du processus, je ne peux rien vous dire mais ce qui est sûr c'est qu'il est en phase avec le Chef de l'Etat et le Premier ministre''. Du côté de la Primature, le porte-parole Meité Sindou a été on ne peut plus clair : ?'Je ne peux pas me prononcer sur ce qui n'est pas encore une information. Vous dites que le ministre Tagro aurait l'intention de voir le facilitateur pour lui faire part de ses réserves. Bon, il ne l'a pas encore fait. Mais, si vous écrivez cela c'est que la provenance est du ministère de l'Intérieur, le cabinet va faire une réunion de crise pour voir de quoi cela retourne et aviser. Et le Premier ministre pourrait convoquer le ministre Tagro pour en savoir davantage''.

Comment la Primature va agir

En dépit du redéploiement de l'administration et du redémarrage des audiences foraines, le contentieux entre la Primature et le ministère de l'Intérieur n'a totalement pas été vidé. Les collaborateurs de Soro continuent d'imputer à Tagro les retards dont ils sont accusés. A les croire, les humeurs du ministre de l'Intérieur qu'ils soupçonnent d'avoir un agenda spécial et des intérêts économiques particuliers ont freiné les audiences foraines. Et comme cela ne suffisait pas, Tagro est accusé d'être trop proche de Adama Bictogo. Cette supposée proximité déplairait fortement aux spins doctors de Soro. Pour contrer Tagro, les hommes de Soro se disent très nantis. Mais, le moment n'est pas propice pour ?'les répondeurs automatiques'' de la Primature. Avec le désamour qui s'accentue avec leurs alliés du RHDP, les hommes de la Primature ne veulent pas ouvrir un autre front en attaquant un homme fort du camp présidentiel. Il s'agit de ne pas disperser ses forces et régler ?'correctement'' le cas de l'opposition en comptant sur le soutien de Laurent Gbagbo. En outre, la consigne est de ne pas s'attaquer lui-même s'il est établi qu'il agit comme un faux nez pour Gbagbo, un peu gêné aux entournures, en ce sens qu'il est le premier bouclier de Soro. Quelque peu désavoué par l'ONU, titillé par ses alliés du G7, la partie n'est pas de tout repos avec un Désiré Tagro ?'iconoclaste''.

v.foungbe@yahoo.fr
Valéry Foungbé

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