samedi 3 novembre 2007 par 24 Heures

La Résolution 1782 a opéré comme un révélateur. Les cris d'orfraie qu'elle a soulevés aussi bien dans le camp présidentiel que dans celui des Forces Nouvelles montrent bien que Laurent Gbagbo, par le truchement de l'accord de Ouagadougou, a réussi à étouffer la rébellion qui a totalement perdu le Nord.

Au commencement était la crise identitaire.
Une crise identitaire qui a débouché elle -même sur les voies visqueuses de la xénophobie.
Xénophobie, déni de la nationalité ivoirienne.
Voici le terreau de la rébellion qui a éclaté un certain 19 septembre 2002.
En tout cas, jusqu'à une date encore récente, Guillaume Soro et ses camarades insurgés ont dit avoir pris les armes contre le régime de Laurent Gbagbo pour que tous les Ivoiriens, sans exclusive, soient reconnus comme tels dans leur pays.
Le Secrétaire général des Forces Nouvelles a classé ce problème des papiers au rang des questions préjudicielles .
Ce terme doit bien vouloir dire que ces questions sont non négociables, si l'on s'en tient à la boutade qu'il a lancée à propos du désarmement.
Il disait en substance ceci : si vous nous donnez nos papiers à midi, à 1u heures, nous déposons les armes .
Quant à l'opposition politique, le RDR en tête, elle n'a eu de cesse de dénoncer que plus de trois millions d'Ivoiriens sont inconnus à l'état-civil.
Les mêmes chiffres ont été repris par la Communauté internationale.
Mais, depuis, beaucoup d'eau a coulé sous le pont, et il y a surtout eu l'accord de Ouagadougou qui a fait du leader de l'ex-rébellion, le Premier ministre de Côte d'Ivoire.
Cette donne semble avoir sérieusement affecté la vision des cadres de cette rébellion.
En tout cas, l'idéal initial est rangé aux oubliettes.
Ecoutons d'abord le porte-parole de la Primature, Méité Sindou : les audiences foraines ne concernent qu'une population marginale qui va entre 10 et 15% de personnes , puis le ministre Konaté Sidiki, porte-parole des Forces Nouvelles : Est-ce parce qu'aucune violence n'a été constatée cette année, que les adeptes des décomptes macabres s'évertuent à parler de lenteur et d'échec ? Ou est-ce parce que les chiffres annoncés çà et là, semble-t-il, risquent de donner tort à certains ? Le ministre de l'Artisanat faisait allusion à la faible affluence des ?'sans papiers'' aux audiences foraines.
On croirait entendre Pascal Affi N'Guessan du FPI ou Laurent Gbagbo lui-même qui soutient fermement que les audiences foraines ne concernent que 300 000 personnes.
Les questions sans réponse se bousculent dans les esprits.
Le manque de communication adéquate autour des audiences foraines est-il un plan de sabotage savamment orchestré ? On a vu que sous l'ère Banny, toute une stratégie de communication avait soutenu l'opération des audiences foraines.
En témoignage l'efficacité de cette stratégie de communication multiforme, il y a avait eu un engouement tel que le FPI, effrayé, a mis un coup d'arrêt à l'opération.
Aujourd'hui à Abidjan, a fortiori dans les campagnes les plus lointaines, qui sait qu'une telle opération est lancée depuis plus d'un mois ? Oh ! on peut nous rétorquer qu'une campagne a tout de même commencé par des insertions dans la presse.
Mais suffit-elle ? Le manque de moyens matériels et financiers a été mis en avant.
Mais cela ne saurait expliquer que l'on ait décidé de mettre la charrue avant les b?ufs.
Une autre question que l'on ne saurait passer sous silence est celle-ci : est-ce vraiment pour une population marginale de 10% que les Forces Nouvelles ont pris les armes ? Si l'accord de Ouagadougou n'a d'objectif essentiel que la sortie de crise, que fait-on des causes essentielles de la crise elle-même ? A la vérité, par l'accord politique du 4 mars dernier, Laurent Gbagbo, en proposant le partage du pouvoir à l'ex-rébellion, a réussi à la désarmer sans avoir eu besoin de combat.
La bonne disposition affichée par les deux camps pour faire croire qu'ils oeuvrent ensemble pour la sortie de crise est un cache-sexe qui dissimule difficilement la réalité.
Le seul hic est que la branche politique qui a rejoint le camp présidentiel est de plus en déphasage avec les hommes de terrain, les militaires.
Ceux-ci sans avoir à le clamer urbi et orbi restent viscéralement attachés aux revendications initiales.
Le Commandant Chérif Ousmane lors d'une récente interview effleurait d'ailleurs ces questions.
Alors, que Soro et ses amis à Abidjan fassent chorus avec Gbagbo et ses hommes dans la condamnation de l'ONU au terme de la R.
1782, cela ne saurait traduire à vrai dire une position unanime des Forces Nouvelles.
* Gbagbo-Soro : Vrai rapprochement ou calculs politiques? Une nouvelle amitié se lit désormais sur les visages de Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro.
Elle s'entend dans leurs discours contre l'Onu.
Leur complicité est de moins en moins inavouée.
Une idylle de rêve, peut-on dire, entre les deux frères ennemis d'hier, aujourd'hui en tandem.
Tant mieux pour la paix retrouvée ! Est-on tenté de dire.
Comment en est-on arrivé là ? Comment les frères ennemis en sont arrivés, non à l'amitié, mais à la guerre, à l'usage des armes, s'il était si simple pour eux de s'entendre sur l'essentiel ? L'ennemi, a dit le philosophe Sigmund Freud, peut prendre le visage de l'ennemi réel et concret, celui de la guerre, celui de l'ennemi virtuel, celui de la diplomatie, ou celui de l'ennemi absolu de l'idéologie.
L'ennemi n'est pas exclusivement celui que l'on combat au cours d'une guerre chaude?.
De Gbagbo et de Soro, il y en aurait un qui a donc abandonné son idéologie, à moins que l'un des deux ait joué pendant longtemps la comédie de la guerre, ou que le rapprochement entre les deux ennemis d'hier ne soit que le prolongement de la guerre chaude, par une guerre froide, commandée par les calculs politiques.
Sauf et seulement sauf, si les deux protagonistes de la guerre du 19 septembre 2002 se sont rendus compte qu'ils se sont trompés en se combattant, et qu'ils découvrent leur vrai ennemi commun, en l'occurrence, l'Onu.
Ce que ni l'un, ni l'autre, n'a jamais avoué.
Rarement ennemis ne s'étant si bien retrouvés, il ne reste plus qu'à espérer que le rapprochement Gbagbo-Soro soit franc, et réciproquement.
Dans ce cas, il libérera la République, et de la crise, et de la présence des troupes étrangères.
Autrement, il faudrait craindre que ce soit une bombe à retardement qui éclate un jour au visage des Ivoiriens.


Théodore Sinzé/B.HILI


www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023