samedi 3 novembre 2007 par Le Nouveau Réveil

Un dicton dit en substance que parfois, le silence vaut mieux que tous les discours. C'est ce sentiment mêlé de déception, de désespoir et de dégoût à la fois qui m'a envahi quand, après avoir écouté le président de la République de notre pays sur les antennes des médias audio-visuels, j'ai lu les commentaires d'un groupe de leaders et d'intellectuels qui prétend lui être proche et qui normalement devait être pour lui une sorte de lanterne et d'objecteurs de conscience. Mais ils ont plutôt choisi la confortable et lâche tâche de laudateurs et de " souteneurs sans faille " comme il en a toujours existé autour de tous les roitelets nègres.

Pour reprendre les mots d'un de ses membres, en l'occurrence le très critique doyen Bernard Dadié, préfaçant l'ouvrage du professeur Samba Diarra, je suis tenté de dire " Mon Dieu !comme certains Ivoiriens n'aiment pas entendre la vérité et se nourrissent quotidiennement de mensonge ! " Le CNRD, en voulant répondre forcement au RHDP, a étalé sur la place publique, si l'on peut parler ainsi, ses incohérences et sa vision étriquée de la vie nationale. Comme ses membres semblent n'avoir pas bien suivi l'interview du président de la République, rafraîchissons-leur un peu la mémoire.

I-L'incurie et la démission du président Gbagbo

Répondant à une question relative à la mauvaise gestion de la filière café-cacao et pour laquelle le chef de l'Etat a lui-même demandé au procureur de la République d'ouvrir une enquête , voici la réponse du président Gbagbo : " Si la filière est mal gérée, elle est mal gérée ; cela ne regarde pas l'Etat. Puisque ce n'est pas l'argent de l'Etat qui est dilapidé. L'Etat récupère l'impôt. Ce qui nous intéresse, c'est l'impôt qui s'élève à 254 milliards en 2006. C'est cela qui nous intéresse. Je pense que la filière n'est pas bien gérée. Mais en tant qu'Etat, je ne perds rien. Puisque l'impôt et le DUS tombent dans les caisses de l'Etat."

Voici comment le président de la République de Côte d'Ivoire perçoit le rôle de l'Etat qu'il dirige : juste un collecteur d'impôts pour qui l'argent n'a pas d'odeur. Alors messieurs de tous les réseaux mafieux du monde, on vous fait appel. Il y a un pays dans ce monde où vous pouvez venir déverser vos déchets toxiques, tuer des dizaines de personnes, en intoxiquer des dizaines de milliers et payer un impôt de cent milliards de francs CFA soit environ cent soixante millions d'euros, ce qui ne représente même pas le chiffre d'affaires de 15 jours et vous êtes tranquilles. Ce qui intéresse le chef de l'Etat, c'est l'argent qui rentre dans ses caisses, d'où qu'il vienne !!!

Fabricants de faux billets, il y a un pays où on peut saisir des millions de faux billets de dollars ; on organisera un procès rapide et on mettra en prison un pauvre veilleur de nuit et le propriétaire de la villa où les billets ont été retrouvés. Rien de plus. Comme si les billets sont arrivés là par enchantement. Point de réseau démantelé, pas de ramification extérieure. Ce n'est pas le problème de l'Etat. Le directeur général d'une société d'Etat peut concéder la concession de l'exploitation des containers du plus grand port de l'Afrique noire à l'entreprise qui lui plait sans passer par un appel d'offres. Le Chef de l'Etat n'en a cure. C'est l'impôt versé par l'entreprise qui l'intéresse.

C'est pour avoir dit de telles énormités au cours d'une interview enregistrée et sans contradicteur que Bernard Dadié, ancien ministre , Kaé Eric, ancien ministre lui aussi et tous les autres intellectuels du CNRD saluent" la sérénité, le calme et l'assurance dont le chef de l'Etat a fait preuve au cours de l'émission. " Quand on n'a vraiment rien à dire, il vaut mieux se taire que de jouer les flagorneurs de mauvais aloi à plus de quatre vingt dix ans !

Sous le PDCI-RDA, les erreurs, les fautes et les fautifs étaient punis

C'est le CNRD qui le confirme dans sa déclaration. Effectivement, en 1977, la rumeur enflait sur des malversations au sommet de l'Etat. Elle faisait cas de surfacturation des complexes sucriers. Le président Félix Houphouët-Boigny qui sait ce que c'est que gouverner un Etat n'a pas attendu des audits de la Banque mondiale ou du FMI. Il a limogé tous les ministres dont la mission avait un lien avec les complexes sucriers. Il s'agit de Mohamed Tiécoura Diawara, ministre du Plan ; Abdoulaye Sawadogo, ministre de l'Agriculture et Henri Konan Bédié, ministre de l'Economie et des Finances, sans que leur culpabilité soit établie dans cette affaire. Le problème de la LOGEMAD a entraîné l'emprisonnement des dirigeants de cette structure. Le problème de la COGEXIM a fait perdre à Emmanuel Dioulo son poste de maire central de la Ville d'Abidjan après avoir vu son immunité parlementaire levée pour répondre des accusations devant les tribunaux. Dans des Etats civilisés et sérieux dont les chefs ont un minimum de respect pour leur population, cela se fait systématiquement lorsqu'il y a de simples suspicions dans une affaire de mauvaise gestion.

Sous le président Henri Konan Bédié, le directeur général du Trésor, Bouadou a perdu son fauteuil dans l'affaire Nasra ; les ministres Kakou Guikahuet et Ezan Akélé ont quitté le gouvernement à la suite d'affaires pour lesquelles ils ont été blanchis par la suite, lorsque leur parti a été chassé du pouvoir. Le Haut-commissaire Kindoh Bouadou a été limogé à la suite de l'incendie qui a ravagé une partie de son bureau et que le FPI trouvait suspect. On peut citer de nombreux autres exemples. Le régime du PDCI n'est certes pas sans reproche mais il n'est pas comparable au pouvoir de prédation organisée qui agit dans une impunité totale avec le soutien, les encouragements et les félicitations de celui qui a prêté serment de veiller à l'application de la justice sur toute l'étendue du territoire. Sinon comment comprendre ce qui a été servi aux Ivoiriens dans le dénouement de l'affaire des déchets toxiques ? Et ce qui est en train d'être orchestré pour la filière café-cacao ? Un chef d'Etat demande à un procureur de la République d'ouvrir une enquête pour faire la lumière sur ce qui semble être un crime économique. Après l'ouverture de celle-ci, le même chef d'Etat reçoit les responsables de ces filières pour un entretien. Pour les féliciter ou leur donner des directives ? On a l'impression que l'on prend les Ivoiriens pour des gens insensés ou des imbéciles. Mais c'est maintenant que nous comprenons. Tant que les dirigeants de ces structures versent au président Gbagbo la part de l'Etat, ils peuvent faire ce qu'ils veulent du reste de l'argent des paysans. Pourquoi organiser donc toute cette mascarade ?

L'usine de cacao en Chine et celle des Etats-Unis

En soulevant ce problème, le CNRD bat lui-même en brèche un des mensonges sur lesquels repose leur régime. Celui qui consiste à présenter la présence des Chinois sur le chantier de l'Hôtel des députés comme la trouvaille du siècle. Or, dès les premières années des indépendances, la Côte d'Ivoire a signé des accords de coopération avec de nombreux pays européens et asiatiques. Arrivé au pouvoir, le président Bédié n'a fait qu'actualiser les accords avec la Chine en cherchant à implanter dans ce vaste pays qui venait de s'ouvrir à l'économie de marché une usine de transformation du cacao ivoirien. La Côte d'Ivoire y a donc ouvert un bureau et confié l'étude de faisabilité de ce projet à un ingénieur agronome, ancien directeur des produits de base et ancien directeur de cabinet du ministre chargé des Matières premières. Il avait pour tâche de prendre les contacts nécessaires, d'étudier les possibilités d'écoulement du chocolat, avec l'aide d'opérateurs économiques chinois. C'est donc un projet économique mené de main de maître et piloté par des experts. Cela n'a donc rien à voir avec l'amateurisme et ce qui ressemble fort bien à une plaisanterie de mauvais goût dans cette affaire d'achat d'une vieille usine abandonnée par Nestlé, une des plus grosses multinationales de l'agroalimentaire dont le chiffre d'affaires dépasse de loin le budget de fonctionnement de la Côte d'Ivoire !

En définitive, après sept ans de pouvoir, il devient loisible de s'apercevoir que le style PDCI-RDA est bien différent de celui du FPI. L'un est fait d'élégance, de courtoisie, de respect des institutions et des citoyens ; l'autre s'est fait remarquer par la désinvolture, l'incivisme, l'impunité institutionnalisée et le rabaissement de l'Etat.

Dans "Le Nouveau Réveil" du mardi 30 octobre, nous avons lu un article à la fin duquel son auteur écrit à propos du chef de l'Etat : " Il est né comme ça, dans la comédie, la plaisanterie, la roublardise et le bavardage inutile. "

Cette réflexion émane d'un jeune homme de trente ans. Cela m'a sincèrement attristé de constater que des jeunes d'un pays en arrivent à avoir une image aussi peu reluisante de leur chef d'Etat. Mais, après avoir fini la lecture de la déclaration du CNRD, je n'ai pu m'empêcher cependant de conclure que qui s'assemble

Elankoi Gambou
elankoi@yahoo.fr

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