mercredi 31 octobre 2007 par Le Nouveau Réveil

Nombre d'Ivoiriens ont sans doute été surpris d'apprendre récemment que Koudougou est bel et bien une cité ivoirienne et partant, que les Mossi notamment sont l'une des composantes à part entière des ethnies ivoiriennes. Ce simple fait d'histoire a pris corps, voilà 75 ans, au moment de la redéfinition des frontières ivoiriennes par la tutelle française d'alors. De cette volonté politique, naîtra ce qu'un chroniqueur de l'époque appela si poétiquement, une " nouvelle colonie d'Abidjan à Ouagadougou ". Comment conter ces faits en ignorant les figures de proue que furent du côté français, le gouverneur Brevié, le lieutenant-gouverneur Jean-François Reste, du côté voltaïque ou burkinabé le Morho Naba Kom II, du côté ivoirien le chef gouro Lorou Bi Gole de Lopouafla ! L'objectif de départ était d'une grande limpidité : mettre en valeur les riches terres ivoiriennes en important à demeure, la laborieuse main-d'?uvre Mossi qui depuis belle lurette s'en allait, saisonnièrement, s'employer dans la cacaoculture et les mines de la Gold Coast, aujourd'hui Ghana. Moyennant des garanties fermes et après d'âpres négociations, les colons, Mossi essentiellement, acceptèrent de s'implanter dans la région de Bouaflé et de Daloa, sièges de latifundia et autres grandes concessions européennes. Dans la pure tradition africaine, les travailleurs demeuraient toutefois d'authentiques " sujets " du Morho Naba, avec ce que cela induisait comme charges et obligations : c'est, pour ainsi dire, de " bon c?ur " que ces hommes et ces femmes acceptèrent sans rechigner d'effectuer l'éprouvant voyage en train à partir de Ouagadougou, de consentir au prélèvement d'une somme importante sur le fruit de leur travail dans les plantations ou les chantiers pour l'offrir au Morho Naba régnant à Ouagadougou. En ces temps de dure exploitation économique, la vie ne fut guère pour ces nouveaux colons, un long fleuve au cours tranquille. L'entreprise de colonisation prit rapidement la forme d'une véritable " déportation " avec son cortège d'enlèvements, de corvées et autres drames. Des tourments inattendus survinrent, notamment lorsque se posa la question de la " reconstitution " de la Haute-Volta en 1947, la semi-autonomie de nos territoires en 1957-58 et tout particulièrement, l'indépendance en 1960. A l'ère de la souveraineté, se posa donc un problème presque existentiel : quelle nationalité choisir, compte tenu de ces 30 ans d'implantation en Côte d'Ivoire. Fallait-il rompre le cordon ombilical et les liens d'allégeance au Morho, toujours en vigueur ? Fallait-il choisir purement et simplement la nationalité ivoirienne et rompre avec les anciennes solidarités sociétales ? Pour tous ceux qui le désiraient, la voie était largement ouverte compte tenu des " cicatrices " de l'histoire, pour devenir de plein droit un national de Côte d'Ivoire. Il convient de préciser que, d'Houphouët-Boigny à Bédié, nous avons bénéficié dans ce pays d'un code de nationalité très libéral. Le problème récurrent de l' " Ivoirité ", que certaines personnes pour des motifs inavoués invoquent à tout moment, n'a rien à voir avec un sujet suffisamment délicat qu'expliquent de multiples facteurs propres au milieu. Nos compatriotes doivent comprendre et admettre que la nationalité, n'est pas synonyme de géographie, d'histoire, ni même de chromosome ; il est tout simplement, le lien de nature juridique qui unit un individu à un Etat. Les populations de Koudougou et de Garango de la région de Bouaflé, transplantées ou déportées c'est selon, l'ont été de façon officielle et il est loisible à quiconque de consulter les documents y afférents. De même, il est tout aussi facile de comprendre, pourquoi, certains ex. colons ou leurs descendants, ont préféré refuser la nationalité ivoirienne à eux offerte pour s'assumer en tant que sujets du Naba et demeurer voltaïques. Enfin, il n'est pas exclu, non plus que certaines personnes totalement étrangères à cette histoire aient voulu ou entendent profiter de cet " embrouillamini " pour acquérir sans coup férir, la nationalité à laquelle, ils savent pertinemment n'avoir pas droit, ce qui n'est pas acceptable. La nationalité est une donnée suffisamment sérieuse, comme en témoigne du reste, l'absurde conflit actuel qui défigure au quotidien notre pays, pour faire l'objet d'une instrumentalisation ou d'un accaparement par les politiques. C'est donc en toute légitimité, mais en toute légalité que les ex. colons de l'aventure 32 ou leurs descendants ont droit comme leurs compatriotes d'ici, à la nationalité ivoirienne, dans les conditions requises par la loi et les principes. Cela, en toute dignité !
Par Professeur Tiacoh Carnot, historien, Université d'Abidjan

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