lundi 22 octobre 2007 par Nord-Sud

Malgré l'apaisement des tensions, beaucoup d'étapes restent à franchir dans les domaines politique, sécuritaire, économique et humanitaire. C'est ce qui ressort du dernier rapport (de larges extraits ci-dessous) des experts onusiens sur la situation en Côte d'Ivoire.


II. Évolution de la situation en Côte d'Ivoire


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6. L'attentat perpétré à l'encontre du Premier ministre, M. Guillaume Soro, le 29 juin 2007, illustre concrètement la fragilité latente de la situation sécuritaire et la possibilité que des épisodes isolés puissent encore contribuer à entraver le processus de paix dans son ensemble. Il est d'avis du Groupe que ces menaces potentielles risquent de planer sur le pays tant que deux conditions fondamentales ne seront pas remplies. La première réside dans la réalisation intégrale du programme de désarmement des combattants et de démantèlement des milices ainsi que prévue notamment par l'article 3.2 de l'accord de Ouagadougou. La seconde, dans un redéploiement de l'administration au sein des zones administrées par les Forces nouvelles qui soit accompagné par le retour concomitant de l'autorité étatique sous toutes ses composantes.

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III. Armement

8. Compte tenu de la durée limitée du mandat du Groupe et du faible niveau de collaboration de certains de ses interlocuteurs, les experts n'ont pu enquêter que sur un nombre limité de cas portant sur les sanctions en application sur le matériel d'armement et connexe. Les investigations menées visaient essentiellement à approfondir les recherches inhérentes aux cas présentés dans le rapport précédent du Groupe (S/2007/349). Au cours de ce mandat, les experts n'ont détecté aucun cas de violation de l'embargo sur les fournitures de matériel à usage militaire.

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D. Processus de désarmement, démobilisation et réintégration

25. Lors de la cérémonie de Guiglo du 19 mai 2007, annoncée par les autorités ivoiriennes comme le début du processus de démantèlement des milices progouvernementales, uniquement 138 des 1 027 armes détruites étaient fonctionnelles. La disparition de 472 armes (différence entre les armes effectivement récupérées par l'ONUCI à l'issue de la cérémonie et celles annoncées par les autorités lors de la cérémonie), dont un mortier de 82mm, reste une des questions préoccupantes.





26. Aussi, lors de la cérémonie de la Flamme de la paix qui a été organisée à Bouaké le 30 juillet 2007, uniquement 1 606 des 2 121 armes initialement destinées à la destruction ont effectivement été brûlées. Selon la liste que les experts ont pu se procurer, la grande majorité de ces armes était de fabrication ancienne et, probablement, non fonctionnelle. Les 515 armes initialement répertoriées dans le lot des armes destinées à la destruction qui ont été finalement conservées par les forces armées des Forces nouvelles seraient par contre, quant à elles, en état de fonctionner. À ces armes s'ajoute également un certain nombre, non précisé, de mortiers 120mm Mle 55 fonctionnels observés durant les inspections embargo, initialement destinées à la destruction, et dont l'ONUCI a, depuis, perdu toute trace.





27. Compte tenu du nombre important d'armes fonctionnelles dont la disparition a été constatée et des menaces qu'elles représentent, le Groupe considère qu'il serait souhaitable que les deux cas mentionnés ci-dessus soient élucidés.





IV. Suivi de l'embargo

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29. Le Groupe constate la persistance des refus d'inspections de certaines unités militaires aux forces impartiales en dépit de la transmission par la cellule embargo de l'ONUCI du préavis de notification au Centre de planification et de contrôles des opérations dont relève les structures programmées pour le contrôle embargo. Les unités de la Garde républicaine, dont l'accès n'a jamais été autorisé depuis l'instauration de l'embargo, en sont le cas le plus illustratif.





30. Ces refus se sont accentués depuis la signature, le 4 mars 2007, de l'accord de

Ouagadougou, particulièrement au niveau des FDS-CI. C'est ainsi que du 1er janvier au 30 août 2007, sur 177 inspections programmées au niveau des unités des FDS-CI, 26 refus ont été enregistrés, dont 22 uniquement pour la période allant du 1er avril au

30 août. Au niveau des unités des Forces nouvelles, pour la même période, sur un total de 133 inspections planifiées, 5 ont été refusées, dont 3 pour la période allant du 1er avril au 30 août 2007.

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VII. Ressources naturelles

A. La filière café-cacao

47. Contrairement aux mandats précédents, le Groupe a pu rencontrer trois des quatre institutions parafiscales du secteur café-cacao : l'Autorité de régulation de café-cacao (ARCC), la Bourse de café-cacao (BCC) et le Fonds de régulation et de contrôle (FRC). Ces rencontres ont été rendues possibles aussi grâce à la facilitation de S. E. l'Ambassadeur de la République de Côte d'Ivoire auprès des Nations Unies, M. Alcide Djédjé. Elles ont permis aux experts de mieux appréhender le fonctionnement de ce secteur.





48. Ces entretiens n'ont toutefois pas permis au Groupe d'obtenir les informations sur l'utilisation des redevances parafiscales perçues par ces structures. Selon les responsables de ces institutions, ces données ne peuvent être fournies que par les responsables du ministère de l'Economie et des finances.





49. Le Groupe a néanmoins pu mener des investigations auprès de trois banques présentes en Côte d'Ivoire où sont domiciliés quelques-uns des comptes appartenant à ces institutions. Chacune de ces structures détient plusieurs comptes dans différents établissements bancaires; de plus, des transferts sont fréquemment effectués d'une banque à l'autre, alors que des opérations de retrait en espèces sont ponctuellement opérées. Il ressort donc des investigations menées par les experts que la traçabilité des opérations financières est difficile à établir. Toutefois, au regard des mouvements bancaires analysés par le Groupe, aucune évidence de transactions en relation immédiate avec des dépenses militaires n'a pu être établie.

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B. Hydrocarbures

51. Le Groupe a rencontré le Comité pétrolier (instance dépendant du ministère des Mines et de l'énergie) et quelques acteurs privés qui opèrent dans le secteur de la distribution des hydrocarbures. Il n'a pas été possible au Groupe de se procurer les informations sur la gestion des revenus de ce secteur qui occupe le premier rang des exportations ivoiriennes (1 569 milliards FCFA en 2006) et qui contribue à hauteur de 17 % dans le PIB national.





52. Les démarches entreprises par le Groupe auprès du ministère de l'Economie et des finances pour l'obtention des informations sur l'utilisation des redevances et taxes générées par la filière café-cacao et le secteur des hydrocarbures sont restées sans suite.





VIII. Sanctions individuelles

A. Suivi

54. Dans le cadre du suivi des vérifications des avoirs financiers des personnes concernées par les sanctions imposées par le Conseil de sécurité, les experts ont renouvelé les demandes adressées aux établissements bancaires qui n'avaient pas répondu lors du mandat précédent du Groupe. Il s'agit de deux établissements français, la Banque de la Poste et la BNP Paribas (M. Eugène N'Goran Djoué

Kouadio reconnaît y avoir possédé un compte), et d'une banque burkinabè, la Société générale des banques du Burkina ? SGBB ? (où M. Martin Kouakou Fofié disposerait d'un compte). À la fin de la mission du Groupe, aucune réponse n'a été enregistrée. Aussi, les experts ont introduit une demande de vérification portant sur d'éventuels avoirs financiers de M. Charles Goudé Blé au Royaume-Uni, où ce dernier a fait des études. Suite à cette initiative, le Groupe a été informé que des recherches à ce sujet seraient actuellement en cours.





B. Rencontres avec les individus sanctionnés

56. C'est ainsi que le Groupe s'est entretenu avec M. Kouadio à Abidjan, le 10 août 2007, avec M. Fofié à Bouaké le 5 septembre 2007 et avec M. Blé à Abidjan, le 7 septembre 2007. Les trois individus déclarent vivre grâce au soutien de leurs proches, ou, le cas échéant, de leur organisation. Ils estiment avoir été frappés injustement par les sanctions et déclarent ne pas souhaiter prendre d'initiatives personnelles pour demander la radiation de la liste car, selon elles, une demande explicite est déjà contenue dans l'accord de Ouagadougou.





C. Avoirs directs et indirects

57. Le Groupe a essayé d'obtenir des informations sur les autres avoirs financiers et ressources économiques qui sont sous le contrôle direct ou indirect de ces individus, en sollicitant notamment la collaboration des autorités ivoiriennes. Aucune réponse n'est parvenue au Groupe jusqu'à la fin de sa mission.

58. Le Groupe s'est particulièrement intéressé au sujet relatif aux droits d'auteur destinés à M. Blé, auteur d'un livre intitulé Ma part de vérité et commercialisé en Côte d'Ivoire. Les experts ont pu se procurer une copie du contrat signé entre la SNEPCI, société d'État, éditeur de l'ouvrage, et M. Blé. Il ressort de ce contrat que l'auteur s'engage à assurer à ses frais (50 % à la commande, 50 % à la livraison) l'édition et la fabrication de cet ouvrage . La participation financière de M. Blé pour la réalisation de l'ouvrage s'élèverait à hauteur d'environ 7 millions FCFA. Ainsi que stipulé dans le contrat, les droits d'auteur s'élèvent à 65 % du brut du chiffre d'affaires réalisé. À ce titre, un chèque de 11 244 316 FCFA a été déjà remis à M. Blé; ce montant étant relatif aux ventes réalisées en 2006. Pour la période allant du 1er janvier au 1er septembre 2007, la part des recettes des ventes de l'ouvrage de M. Blé s'élèveraient à hauteur d'environ 15 millions FCFA.

59. Au cours d'une rencontre avec les experts, le Directeur général de la SNEPCI a confirmé la remise du chèque à M. Blé au cours d'une cérémonie publique qui a eu lieu le 4 septembre 2007. M. Blé a déclaré son intention de faire don de la somme correspondant à ses droits d'auteur pour l'année 2006 à des jeunes déshérités, au travers d'un projet coordonné par une structure dont il serait proche.

60. Les experts estiment que le fait qu'une société d'État remette publiquement un chèque à une personne frappée par des sanctions imposées par le Conseil de sécurité de l'ONU démontre la violation des dispositions contenues au paragraphe 11 de la résolution 1572 (2004).

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X. Recommandations

A. Armement

82. Le Groupe recommande à l'ONUCI la vérification physique du matériel de maintien d'ordre obtenu par la police nationale auprès de Imperial Armour.





83. Tout en reconnaissant les besoins en matériel de maintien d'ordre de la Police nationale de Côte d'Ivoire, les experts rappellent aux autorités ivoiriennes la nécessité de se conformer aux procédures d'exemption en vigueur auprès de l'Organisation des Nations Unies.





84. Pour un suivi plus efficace de l'embargo sur les armes, le Groupe recommande à l'ONUCI d'exiger des forces armées (FDS-CI et FDS-FN) de lui fournir une liste qui répertorie la totalité de l'armement détenu et, autant que possible, les informations permettant l'identification individuelle de chaque arme.





85. Les experts recommandent aux acteurs ivoiriens et à la communauté internationale de tout mettre en ?uvre pour réaliser les programmes de désarmement des combattants et de démantèlement des milices, ainsi que prévu, notamment, dans l'accord du dialogue direct interivoirien de mars 2007. La réalisation de ces programmes permettrait en effet de limiter l'apparition d'obstacles pour la mise en application du processus de paix actuel et de créer un climat sécuritaire plus propice.

B. Suivi de l'embargo

86. Au regard de la persistance des entraves aux inspections embargo, le Groupe estime qu'il est nécessaire d'appeler l'attention des autorités militaires des deux parties (FANCI et FAFN) sur leur collaboration pour la mise en ?uvre par les forces impartiales de leur mandat de surveillance. Cette recommandation concerne particulièrement les unités de la Garde républicaine.

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C. Sanctions individuelles

89. Le Groupe recommande aux autorités ivoiriennes de procéder au gel de tout fonds représentant les droits d'auteur de M. Charles Goudé Blé, an application des dispositions de la résolution 1572 (2004).

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Source www.un.org

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