mardi 16 octobre 2007 par Le Jour

Après la nuit de la réconciliation, des membres de la galaxie patriotique continuent de protester face à ce qu'ils considèrent comme une mascarade ?. Ils crient leur ras-le-bol pour dénoncer selon eux la classification que l'on opère en leur sein. Comment voulez-vous que certains soient promus pendant que d'autres logés comme de petits ouvriers ? ?, s'interroge Watchard Kédjébo, président du Comité national de libération de Bouaké (CNLB). Qui donne sa lecture de l'interdiction du port de treillis, faite par l'état-major des FDS aux civils parmi lesquels les mouvements d'autodéfense.

Quelle appréciation faites-vous de la nuit de la réconciliation qui vient de se tenir ? L'idée même d'organiser une nuit de la réconciliation par le ministère est une initiative louable. C'est une initiative à encourager. Cependant, dans le contenu de cette soirée dite nuit de la réconciliation, nous avons observé beaucoup d'irrégularités. Qui étaient, à notre sens, très flagrantes. D'abord, l'organisation n'était pas bonne. Il y a eu beaucoup de ratés. Mais là n'était pas le problème. Je pense qu'on a voulu dire merci à tous les enfants de Côte d'Ivoire. A tous ces braves jeunes qui ont donné leur poitrine. A ces leaders qui ont géré la crise au niveau de la galaxie patriotique et qui ont permis à la Côte d'Ivoire de se retrouver là. Il ne fallait pas procéder à des classifications. Parce que les leaders insignifiants se connaissent et nous les reconnaissons tous en Côte d'Ivoire. Mais venir mettre certains au rang d'ambassadeur, de messager et d'autres au rang de simple mérite, je crois que c'est frustrant. C'est l'avis de la majorité de patriotes qui ont mis leur vie en péril et qui n'ont pas la palme d'or, qui n'ont pas le titre d'ambassadeur. J'ai l'impression qu'on veut faire plaisir à un groupe d'individus. Nous pensons que c'est une mascarade et nous sommes très amers là-dessus. Nous avons été déçus de cette soirée qui, à l'annonce pourtant, nous promettait beaucoup de joie. Il n'y a pas une vie humaine qui est au-dessus d'une autre. Nous estimons que nous avons pris beaucoup de risques, je dirai même plus de risques que certaines personnes qui se retrouvent être les mieux lotis dans cette situation. Le ministère de la Réconciliation nationale gagnerait, pour sa propre crédibilité, à être neutre. Nous nous sommes rendus compte que le décor était planté pour faire la promotion de certains individus. Dites-nous exactement quelle est la mascarade que vous dénoncez ? A la sortie de la cérémonie, quand les journalistes nous ont approchés, nous n'avons pas caché nos sentiments de désolation. Nous n'étions pas les seuls. Beaucoup de membres de la société civile, des leaders et non des moindres, ont partagé ce même sentiment que nous. Ce que nous dénonçons, c'est que ceux qui ont créé des troubles dans ce pays sont au rang d'ambassadeur de la paix. Je veux parler nettement des jeunes du RHDP. Et en notre sein, je ne sais pas lequel des patriotes qui a lutté plus que Watchard. Nous avons tous pris les mêmes risques. Je dirai que nous avons souvent pris plus de risques que certaines personnes qui se voient aujourd'hui classés ambassadeurs. Quand on parle de galaxie patriotique, il n'y a pas un patriote supérieur aux autres. Il faut mettre tout le monde au même niveau. C'est cela que nous décrions depuis le déclenchement de cette crise. Ainsi que le comportement de certaines personnes qui devaient pouvoir rassembler davantage les enfants de cette famille qu'on appelle la galaxie patriotique et proche du président de la République. Malheureusement, nous avons droit à des actes qui ne sont pas de nature à favoriser la cohésion et l'entente entre ces enfants-là. Qui ont mené le même combat, qui ont pris les mêmes risques et d'autres sont présentés comme ceux qui sont les grands faiseurs de paix. Et d'autres sont logés comme de petits ouvriers. C'est frustrant. Ne pensez-vous pas que la nomination des jeunes du RHDP au rang d'ambassadeur répond au souci de rapprocher davantage ceux qui ont besoin d'être mis en confiance ? Je suis d'accord qu'on mette des gens en confiance. Mais en le faisant, il ne faut pas frustrer ceux sur qui cette confiance-là devait pouvoir se reposer. Parce que pour les mettre en confiance. C'est ceux dont ils avaient peur hier qui doivent pouvoir les rassurer. Mais, et si ces derniers par ces comportements dégradaient aussi l'environnement ? Nous crions notre ras-le-bol, nous protestons. L'environnement ainsi n'est plus serein. Il ne peut donc pas avoir de mise en confiance. Si on doit mettre des gens en confiance, il faut créer les conditions pour que ceux qui étaient là ne soient pas frustrés. Mais qu'ils soient plutôt rassurés que la présence des autres viendra renforcer leur sérénité. Nous sommes d'accord qu'au niveau de la paix, ce sont les échanges. Il faut briser les murs de méfiance. Nous n'avons pas un problème contre les ex-rebelles. Aujourd'hui, nous sommes ensemble, on s'embrasse. Quand je vois Wattao, nous nous taquinons. De même pour Konaté Sidiki. Nous sommes les frères d'un même pays. Il ne faudrait pas que d'autres individus de par leurs attitudes créent une fissure dans ce que nous sommes en train de colmater. A votre sortie de Diabo, vous avez fait cette déclaration : L'ère du tronc commun est finie. Allons à la spécialisation ?. Considérée comme une volonté de porter un coup à la cohésion de la galaxie patriotique. Etes-vous mal compris? Je suis désolé. Je ne peux pas être le mal compris de la galaxie. Ceux qui sont épris de travail, ceux qui bossent, ceux qui ne trichent pas, ceux-là se retrouvent dans les paroles que nous avons dites. C'est vrai que nous avons, pendant cinq années, sillonné une partie du pays, les hameaux, les quartiers, les agoras et les Parlements. Nous avons fait tout ça en groupe. Aujourd'hui, il faut que chacun de nous, à son niveau, puisse mettre en application, chez lui, ce qu'il a appris en groupe. C'est ce qu'on appelle la spécialisation. Avec le tronc commun, on a mené le combat ensemble. Nous avons animé les meetings de façon collégiale, de façon collective. A la place de la République. Mais nous n'allons pas animer le même meeting à Diabo, à Bloléquin, à Kounahiri. Il faut que chacun retourne sur la terre de ses ancêtres pour mettre réellement en application ce qu'il a appris. C'est en le faisant que nous pourrons garantir le succès et la victoire de notre candidat Laurent Gbagbo. Nous sommes désolés pour ceux qui n'ont pas compris. Nous nous excusons auprès de ceux que cette phrase aura gênés, mais c'est la vérité. Elle ne peut être autrement. Depuis la flamme de la paix, nous ne faisons que parcourir les campements. Je suis à Bouaké, à Gagnoa, à San-Pédro, partout. Je suis en train de partir encore dans les campements baoulé dans le Sud-Ouest du pays. Et c'est ce que chacun doit pouvoir faire. Vous affirmez votre appartenance au FPI ? Je n'affirme pas mon appartenance au FPI. Je le dis et je le répète chaque fois, je ne suis pas militant du FPI. Mais je ne suis pas loin du FPI. Parce que le patriotisme et le FPI, il n'y a qu'un pas. Le patriotisme a pour colonne vertébrale le Front populaire ivoirien. Je suis contre les sorties hasardeuses. Tu ne peux pas dire que tu es patriote et ne pas aimer le FPI. Quand je dis j'aime la politique de Laurent Gbagbo, c'est le programme de société du FPI, le programme du gouvernement du Front populaire ivoirien que je soutiens à travers son candidat Laurent Gbagbo. Il y a une incongruité énorme lorsqu'on dit moi je m'en fous du FPI. Il faut avoir de la retenue. Peut-on savoir ce que deviennent vos éléments au moment où on parle de réconciliation nationale ? Nos éléments sont là. Nous les avons recensés. Et comme nous sommes engagés de façon responsable pour le processus de paix, nous ne posons aucun acte. Nous attendons que les autorités en charge du démantèlement nous programment. La balle est dans le camp des autorités et nous souhaitons que cela se fasse vite. Nos éléments ont été très polis, ils nous ont compris et nous souhaitons que l'on puisse les honorer. Parce qu'il serait méchant de ne pas remercier publiquement des jeunes Ivoiriens qui ont donné leur poitrine pour sauvegarder la patrie. Nous avons eu des séances de travail avec l'état-major. On nous a dit que le service civique était une aubaine pour que ces milliers de jeunes gens puissent se retrouver. Nous attendons. Nous comptons sur la disponibilité de tous afin qu'il n'y ait pas de frustration. Quelle lecture faites-vous de la décision de l'état-major des FDS qui vous interdit désormais le port du treillis ? Je pense que l'état-major, le faisant, a sa petite idée dans la tête. Mais, je ne pense pas que ce soit adressé forcément aux mouvements d'autodéfense. Nous avons montré durant cette guerre que nous sommes disciplinés. Et, le quotidien, le banditisme, nous démontre en Côte d'Ivoire qu'il y a plus de militaires, de gendarmes, des gens du corps même impliqués dans les braquages que les mouvements d'autodéfense. Nous essayerons de sensibiliser davantage nos éléments, mais nous dirons aussi à l'état-major de ne pas brimer ou violenter nos éléments. Nous ne l'accepterons pas. Nous avons défendu la République et ces jeunes gens ont été braves défenseurs de la République. Et, ce n'est pas l'état-major actuel qui dira le contraire. Il sera donc bon de faire des contrôles mais de façon intelligente. Tant que le désarmement ne s'est pas encore fait officiellement, on ne peut pas interdire le port de la tenue militaire à nos éléments. La balle est dans le camp de l'état-major, du ministère de la Défense et du Centre de commandement intégré.


Interview réalisée par Stéphane Beyniouah

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