mardi 16 octobre 2007 par L'intelligent d'Abidjan

A l'occasion de la journée de commémoration des 20 ans de l'assassinat du capitaine Thomas Sankara, ancien chef de l'Etat burkinabé, M. Halidou Ouédraogo était l'invité de RFI, le lundi 15 octobre 2007. Nous reproduisions ici ses propos intégralement.
M. Halidou Ouédraogo, 15 octobre 1987- 15 octobre 2007, cela fait 20 ans que Thomas Sankara a été assassiné. Cela fait aussi 20 ans que le Président Blaise Compaoré est au pouvoir. Qu'est-ce qu'on commémore aujourd'hui au Burkina Faso ?
C'est l'assassinat du capitaine Thomas Sankara. Est-ce qu'il faut assimiler cela aux 20 ans de pouvoir de Blaise Compaoré ? Je ne le pense pas. Il y a eu un retour à une vie constitutionnelle normale en 1990-1991, il a eu son premier mandat légal en 1992. Cela ne fait pas 20 ans. Je ne sais vraiment pas quoi vous dire, mais moi je vois la commémoration de l'assassinat du capitaine Thomas Sankara en 1987. Et pourtant, il y a beaucoup d'activités organisées sous le signe de 20 ans de renaissance démocratique Ce n'est pas exact et cela fait mal. Il ne faut pas jouer sur une supposée amnésie de notre peuple. Je crois qu'il faut assimiler cela à un acte grave, parce que le peuple ne sait pas ce qui s'est passé le 15 octobre 1987. Ce qu'il sait, c'est que son Président a été tué. Il a été tué au bout d'un processus alimenté par les uns et les autres, à partir de calques d'ici et de ragots divers. Il est vrai que le conseil national de la révolution est un lieu politique qui a péché par un laxisme en matière de Droits humains. Nous en avons souffert mais il s'en est suivi le régime du Front populaire, ensuite celui du CDP. Je ne vois pas de très grande différence. On peut parler de liberté d'expression mais où met-on les droits économiques et socioculturels, l'injustice, l'impunité, etc ? Il faut pourtant régler tout cela. Et s'il s'agit d'un renouveau démocratique comme ils le disent, le renouveau démocratique ne se bâtit pas sur du sang.
Concernant l'assassinat de Thomas Sankara, est-ce qu'un procès ou une enquête impartiale est envisageable au Burkina Faso ?
Il y a eu des rencontres, des mouvements. Au cours du forum national de réconciliation, le peuple avait été convié à ces assises pour des explications. A ces occasions, les grandes actions auraient pu être définies, le peuple aurait pu s'impliquer et on aurait eu les tenants et les aboutissants de ces situations que nous avons vécues. En fait, les gens n'exigent pas le pardon. Ils veulent plutôt savoir pourquoi pardonner et qu'est-ce qui s'est passé. On en est à une situation de fracture sociale caractérisée où effectivement, on fête deux dates et ce n'est pas ce dont nous avons besoin. On nous montre des réalisations certes, je ne veux pas être négativiste, mais qu'est-ce qu'on pouvait faire d'autre quand qu'on est au pouvoir depuis 20 ans !
Est-ce que vous comprenez ceux qui comparent Thomas Sankara à Kwamé N'Krumah, à Patrice Lumumba, à Steve Biko, en quelque sorte aux héros de la lutte contre le joug colonial ?
Je n'irai pas jusque là. Un chef d'Etat de la stature de Kwamé N'Krumah est exceptionnel. Kwamé N'Krumah avait posé les vrais problèmes de l'Afrique et c'est de la prison, en 1957, qu'on l'a porté au pouvoir () Steve Biko posait les problèmes de l'apartheid, Lumumba avait vu loin. Il a été abattu par les colonialistes, Sankara a été abattu par des traîtres. C'est une différence fondamentale. Thomas Sankara est un martyr africain aujourd'hui, il a fait preuve d'une vision. Mais, qu'est-ce qu'ils ont fait de lui ? Ils ne sont même pas capables de dire exactement quelle est sa philosophie. Comment pensez-vous que ce 15 octobre va être vécu au Burkina Faso ?
Il y a deux camps : le camp de ceux qui sont frustrés, c'est-à-dire ceux qui commémorent l'assassinat de Sankara et celui de ceux qui se réjouissent. Ce sont ceux-là qui invitent à un faux simulacre de renouveau démocratique au Burkina Faso.
Propos recueillis par O.D

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