lundi 15 octobre 2007 par 24 Heures

Le Président Laurent Gbagbo a officiellement saisi le Procureur Raymond Tchimou, le vendredi 12 octobre, afin que celui-ci ouvre une enquête judiciaire sur les nombreux cas de détournements massifs de Fonds maquillés en rachat de sociétés, par les responsables des structures de gestion de la filière café-cacao. Il a nommément fait cas de l'usine de chocolat de Fulton aux Etats-Unis, et pour cause !

Le silence assourdissant des officiels ivoiriens sur cette autre scandaleuse affaire de détournement et de blanchiment de plus de 100 milliards de francs CFA opérés à partir des comptes du Fonds de régulation café-cacao (FRC) a commencé à troubler plus d'un en Côte d'Ivoire.
Passe que ce soient les Ivoiriens qui s'en étonnent, eux, qui ont vu s'évanouir l'enquête sur les déchets toxiques du bateau panaméen, Probo Koala sans véritablement broncher.
Mais l'affaire des 100 milliards des paysans a pris une dimension internationale avec des répercussions inquiétantes aux Etats-Unis et dans les instances financières telles que la Banque mondiale.
Le 02 octobre, The Valley News ,un journal du comté d'Oswego de l'Etat de New York où est implantée l'usine de chocolat (New York Chocolate and Confections Company), titrait : L'histoire de la prise de contrôle de l'usine de chocolat par le consortium ivoirien n'était rien d'autre qu'un schéma de blanchiment d'argent .
Le FRC est censé avoir pris 80% d'actions dans l'usine de Fulton.
Dans le même registre des réactions, un Sénateur américain, Charles E.
Schumer, présenté naguère par le palais d'Abidjan comme un grand ami s'est dit très déçu et surpris par le mutisme du Président Gbagbo devant la tournure que prend cette affaire d'achat d'usine.
Ce sénateur de l'Etat de New York avait par son entregent et son influence permis au chef de l'Etat ivoirien, lors d'un voyage précédant celui effectué tout récemment à la faveur de la 62e Assemblée générale des Nations Unies, de faire une déclaration devant le Congrès américain.
Le congresman dit avoir entrepris ces démarches en raison des prises de participations ivoiriennes dans l'usine de Fulton.
Les révélations du Sénateur Schumer.
Le Sénateur de New York révèle avoir été contacté plus tard par M.
Jean Claude Amon, ancien conseiller technique de Laurent Gbagbo, chargé des infrastructures économiques, et qui était alors Administrateur provisoire de l'usine de chocolat, aux fins d'obtenir un découvert bancaire sur les lignes de Key Bank à New York.
L'ancien doublon du ministre Patrick Achi à la présidence ivoirienne prétendait que l'usine connaîtrait des difficultés insurmontables de trésorerie.
Quand M.
Schumer appelle le directeur de Key Bank pour discuter de la demande de M.
Amon, il s'entend dire que le compte de l'usine qui est domicilié dans sa banque était créditeur de plusieurs millions de dollars la veille mais que ce compte a été débité et l'argent a été viré en Suisse.
M.
Schumer est tombé des nues.
Interrogé sur cette transaction suspecte, M.
Jean Claude Amon a déclaré que l'argent aurait servi à l'achat du terrain où est implantée l'usine.
Après vérification, il s'est avéré que l'usine et le terrain sur lequel elle est implantée font partie du patrimoine global qui a été l'objet de la transaction.
L'argent a été utilisé à d'autres fins.
Le rôle déterminant de Agbré Yallé.
Nous écrivions dans nos parutions antérieures que M.
Agbré Yallé, un ressortissant ivoirien installé aux Etats-Unis, a joué un rôle important pendant cette vaste évasion des deniers des paysans.
Ce rôle a même été déterminant.
De fait, M.
Yallé a été contacté par Angeline Kili et Firmin Kouakou, respectivement PCA et DG du FRC, à effet de créer deux sociétés- écran dont le siège est sa propre résidence.
Il s'agit de IC Trading et IC Management qui ont des comptes notamment à Wachovia Bank.
Dès l'arrivée de Jean Claude Amon à la tête de l'usine de Fulton, son premier acte de gestion a consisté à licencier le directeur financier américain pour nommer en lieu et place, M.
Agbré Yallé.
L'arnaque venait ainsi d'être bouclée.
C'est donc en tant qu'Ordonnateur des comptes de IC Trading et IC Management, et occupant le poste névralgique de directeur financier de New York Chocolate and Confection Company qu'il dissipait les flux financiers en provenance d'Abidjan et des autres comptes du FRC via les comptes de ses sociétés- écran.
Quand l'affaire a éclaté, M.
Agbré Yallé a tenté de se faire la malle pour se soustraire de la justice américaine, mais Interpol avait déjà été mis sur ses traces.
Il est contraint de rester aux Etats-Unis en attendant la conclusion des procédures engagées.
Le développement international de l'affaire.
Les dirigeants de Lion Capital Management et le Fonds de pension américain qui ont compris qu'ils ont été les dindons de la farce décident alors de sortir de cette affaire.
Ils adressent une offre de vente par courrier au FRC portant sur les 20% qu'ils détenaient encore dans l'usine de Fulton.
Pour toute réponse, c'est un autre courrier de réception de l'offre qu'ils recevront, sans plus.
Ils saisissent par conséquent la justice américaine pour être dédommagés.
Le juge qui a été saisi, devant la gravité des faits a décidé de porter l'affaire devant la Cour suprême de San Francisco.
De leurs côtés, les retraités américains dont les Fonds sont gérés par Lions capital management s'apprêtent à lancer une action judiciaire de masse appelée Class action Lawsuits contre les parties trempées dans cette affaire.
La conséquence est que, selon les spécialistes des procédures judiciaires américaines, quand des Class action Lawsuits sont relatives au blanchissement d'argent et qu'il est prouvé une forte implication d'un Etat, la justice américaine a le droit de lever les immunités diplomatiques sur les biens et les personnalités de cet Etat.
En clair, l'affaire de l'usine de Fulton risque fort de ne pas se conclure en pertes et profits comme ce fut le cas de Cora de Comstar parce que des biens meubles, notamment des avoirs financiers et immeubles de la Côte d'Ivoire pourraient être saisis, et ceux qui y sont impliqués pourraient goûter aux moiteurs des geôles américaines.
Il nous est parvenu que le Trésor américain qui a été officiellement saisi lui aussi par Lion Capital Management a tracé les Fonds du FRC et en connaît leurs destinations finales.
De son côté, M.
Robert Zoellick, président de la Banque mondiale , a pris personnellement l'affaire en main.
Il a d'abord appelé au téléphone M.
Banet Hausmann, le directeur du Fonds de pensions américain pour lui signifier que l'affaire sera traitée en priorité et avec diligence dans le cadre d'une nouvelle initiative de la banque appelée Initiative star destinée à traquer l'argent volé.
Il a ensuite instruit le Représentant de la Banque mondiale en Côte d'Ivoire à l'effet de rencontrer les autorités ivoiriennes pour éclaircir cette affaire .
Son Représentant a effectivement eu une réunion avec le Premier ministre Guillaume Soro.
Mais l'on attend encore que toute la lumière jaillisse .
Quand M.
Philippe Egoumé, Représentant-résident du FMI dit que le contrôle de la corruption est en dessous de 10% en Côte d'Ivoire , le parallèle avec cette affaire est presqu'établi.
Toujours est-il que le ministre de l'Economie et des Finances, Charles Koffi Diby, qui doit se rendre dans les prochains jours à Washington pour des négociations délicates, risque fort d'être dans ses petits souliers.
Au regard de tout ce qui précède, on comprend dès lors pourquoi le président Laurent Gbagbo est sorti de son mutisme.
Il reste seulement à espérer que les enquêtes dont est chargé le Procureur Raymond Tchimou ne se terminent pas dans un épais nuage de fumée comme toutes celles qui touchent aux intérêts des hommes du pouvoir ou à ceux qui leur sont proches.
Justement, à propos de proximité, Angeline Kili est très très proche, pour employer un euphémisme de Pascal Affi N'Guessan, le gardien en chef du temple de la Refondation.


Théodore SINZE

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