lundi 15 octobre 2007 par Nord-Sud

La saisine médiatique du procureur de la République par le chef de l'Etat est loin de laisser entrevoir une réelle volonté de recherche de la vérité sur les fortes présomptions de détournements dans la filière café cacao.


Laurent Gbagbo a choisi le week-end de la fête du ramadan pour lancer son enquêteur préféré dans le labyrinthe de la filière café cacao. Le chef de l'Etat a confié au Procureur de la République, Tchimou Raymond, une enquête sur les accusations de détournements de fonds dans la filière, selon une déclaration rendue publique, vendredi. Une initiative louable, serait-on tenté de commenter. Surtout que le courrier présidentiel insiste sur le cas de l'usine de Fulton qui défraie la chronique depuis des années. Mais, la sortie médiatique de Gbagbo surprend l'observateur attentif de la filière où tout est devenu possible.

Pour la première fois, le chef de l'Etat a choisi en effet de s'adresser au procureur de la République. Certes, il argue de troubles graves à l'ordre public pour donner un vernis légal à sa démarche. Mais, pourquoi cette saisine directe et subite? L'analyse des évènements récents pourrait sans doute donner quelques pistes. En principe, le Procureur est sous l'autorité et le contrôle du Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Sur instructions du chef de l'Etat, le ministre de la Justice aurait pu mettre en branle l'action publique. Le contournement de ce dernier permet sans doute de man?uvrer à l'abri des regards indiscrets. Une tradition. L'on se rappelle que la même procédure de saisine directe du Procureur avait prévalu dans le scandale des déchets toxiques déversés à Abidjan en août 2006. M. Tchimou avait enquêté jusqu'en Europe et remis ses conclusions directement au chef de l'Etat. Des résultats demeurés secrets. La commission nationale d'enquête, dirigée par la juge Diakhité Fatou, a rendu publiques ses conclusions. Les personnalités dont la responsabilité a été mise en cause par son rapport ont été par la suite toutes blanchies et rétablies dans leurs fonctions parce que proches du Palais. Et puis, surprise, le porte parole d'alors du chef de l'Etat, Désiré Tagro, a engagé des négociations avec Trafigura, l'affréteur du Probo Koala, le bateau pollueur. Celles-ci ont abouti au paiement de 100 milliards de Fcfa par Trafigura. Une quinzaine de personnes avaient perdu la vie et les effets à long terme des déchets n'ont toujours pas été spécifiés. Et, c'est ce qui fait la spécificité de la saisine du Procureur. Ce dernier n'a pas en effet l'obligation d'engager des poursuites face à une infraction.

Il peut décider d'un classement sans suite. Notamment, en cas de mise en ?uvre et exécution de conditions (dédommagement de la victime, régularisation d'une situation administrative,...) ou d'alternatives aux poursuites pénales (rappel à la loi, médiation pénale, stages de formation ou de sensibilisation,...). En d'autres termes, un arrangement pécuniaire peut éteindre l'action publique. Un autre arrangement financier n'est donc pas à exclure dans le cas de la filière café cacao, surtout pour le dossier de l'usine de Fulton. Car, tout indique que c'est ce dernier dossier qui constitue l'élément nouveau dans une filière où la mauvaise gouvernance est devenue la norme depuis 2000. Le scandale a pris de l'ampleur lorsque l'associé américain du FRC (Fonds de régulation et de contrôle) a esté en justice accusant la partie ivoirienne de détournement de fonds et, plus grave, de blanchiment d'argent. Il a même saisi le Département d'Etat américain et le Secrétariat au commerce qui gère le dossier de l'AGOA. Il faut rappeler que le FRC a racheté en 2004 une vielle usine à chocolat de Nestlé à Fulton, dans l'Etat de New York. Pour y arriver, il a créé avec son partenaire, Lion Capital Management, une entreprise dénommée New York Chocolate and Confections Company (NY3C'S). L'usine n'a jamais produit du chocolat alors que des milliards de Fcfa y auraient été engloutis.


Kesy B. Jacob

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