lundi 15 octobre 2007 par Fraternité Matin

Voici le discours tenu, jeudi, par le Chef de l'état aux cadres de la santé. Dans ce pays, s'il y a un seul chef d'état qui ne peut pas interdire à quelqu'un de se mettre en grève, c'est bien moi, parce que j'ai fait beaucoup de grèves. Mais moi, j'étais chercheur en histoire. Quand je me mettais en grève, ça n'avait aucune incidence sur la vie des gens. Et pour vous dire une chose, c'est la raison pour laquelle les chercheurs n'ont pas quitté le SYNARES. A un moment donné, dans la section des chercheurs, nous voulions créer notre syndicat. Mais si nous le faisions et nous mettions en grève, ce ne serait pas le problème des Ivoiriens ou du gouvernement. Donc, nous étions obligés de rester au SYNARES pour que, en cas de grève, les enseignants puissent nous suivre. C'est vous dire qu'une grève n'est pas une grève. Vous avez un métier qui est à la limite entre la technicité, la science et la philosophie. En France, où la plupart d'entre nous ont fait leurs études, la médecine est le seul métier pour lequel François Mitterrand avait créé une commission d'éthique dirigée par un médecin qui était à la fois un philosophe. Si vous êtes en face de quelqu'un qui est en phase terminale d'une maladie quelconque et qui vous dit qu'il veut mourir, parce qu'il souffre, c'est un cas de conscience qui est posé. Le débat n'est pas encore d'actualité ici, mais il le sera. Dans certains pays, des lois ont été votées. On demande au médecin de l'aider à partir tranquillement, dans d'autres non. Une fille violée qui prend une grossesse non désirée. Doit-elle garder l'enfant oui, ou non ? C'est vous seul que ça tourmente. Elle n'ira pas s'adresser à un professeur d'histoire. Vous êtes dans un métier que vous avez choisi, où vous avez des problèmes que nous n'avons pas. Donc il faut assumer jusqu'au bout, ces questions philosophiques. Et vous dire, si je fais la grève qui est un droit constitutionnel, quelle est ma responsabilité si quelqu'un meurt, parce que je n'aurais pas observé un service minimum ? Le problème n'est pas celui de loi, mais de philosophie. Vous êtes plus que de simples fonctionnaires, parce que vous traitez l'être humain entre le néant et la vie, ensuite entre la vie et la mort. C'est vous qui dites à une femme qu'elle attend un bébé. Vous suivez cette vie. Or la vie, c'est l'élément philosophique par excellence. Et quand un homme quitte la vie, c'est encore vous qui dites qu'il est mort. Tant que vous n'avez pas signé l'acte de décès, il n'est pas considéré comme mort, dans nos sociétés urbaines. C'est pourquoi votre métier est totalement différent de tous les autres. Il y a les métiers et il y a les médecins. C'est pourquoi j'ai eu mal avec cette grève. Je me suis dit que vous n'avez pas compris la spécificité de votre métier. Les revendications que j'ai devant moi ne sont rien par rapport à ce que d'autres ont soulevées. On a travaillé avec les enseignants du supérieur de 16h à 22h. Les problèmes pouvaient être traités ou pas, ça n'aurait pas eu d'influence sur la vie de quelqu'un. Parce que si l'enseignant est en grève et qu'il a mis des élèves en retard, on sait où l'attraper. Quand le moment des examens arrive, on lui demande de rattraper les cours. Alors que si vous n'avez pas soigné quelqu'un et qu'il meurt, on ne peut pas vous dire de le réveiller. Donc je voudrais que vous soyez grands vis-à-vis de vous-mêmes et que vous preniez la pleine mesure de la nature de votre métier. Il ne faut pas que les gens vous trompent. Pour nous autres croyants, si je compte les miracles de Jésus dans la Bible, il en fait trois. Un au cours duquel il a transformé l'eau en vin et deux autres où il a multiplié le pain. En dehors de ces trois, tous les autres sont liés à la guérison des malades et à la résurrection des morts. C'est important, puisque c'est l'activité principale de celui en qui il croit. Quand on dit que votre grève fait mal, ce n'est pas pour vous empêcher de la faire. Vous devez prendre vos dispositions pour montrer votre colère sans enlever le verrou qui fait passer les hommes de la vie à la mort. Si on s'entend sur cela, il n'y aura pas de problème. Pour les revendications, on vous rappellera pour qu'on formalise les solutions. Mon problème, c'est de faire en sorte que la Côte d'Ivoire retrouve Sa Majesté. Dans cette majesté, l'état aura les moyens de mettre ses enfants dans de meilleures conditions sociales. Sachez que rien que pour les primes de guerre, j'ai dépensé plus de 120 milliards. L'argent aurait pu servir à autre chose. Par exemple à construire deux ou trois fois le troisième pont. Je vous le réitère, vos revendications ne seront pas mises dans les tiroirs. En ce qui concerne les problèmes internes à votre syndicat, en tant que militant et ancien syndicaliste, je peux vous donner un coup de main. Amichia est victime d'une règle que nous avions prise. Nous l'avions fait pour bloquer des membres PDCI, qui étaient du bureau politique ou du comité directeur, afin qu'ils ne puissent pas être secrétaires généraux de syndicats, mais cela ne doit pas amener des grèves de médecins. Ces derniers temps, il y a une folie de grèves. Je ne jette pas la pierre à celui qui se met en grève, mais si le médecin suit, c'est qu'il n'a pas compris que la médecine est un corps spécial. C'est aux Ivoiriens que vous avez parlé, moi je ne suis que le canal. Ils vont apprécier et vous bénir ".

Propos retranscrits par
Marcelline Gneproust

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