lundi 15 octobre 2007 par L'intelligent d'Abidjan

Dimanche 7 octobre 2007, des militaires, pour la plupart des retraités, manifestent à la maison du combattant pour réclamer de meilleures conditions de vie. Le lundi 8 octobre après-midi, la hiérarchie de l'Armée rend sa lecture en déclarant les revendications des soldats illégales.Le lendemain matin, autre réponse du berger à la bergère. Les manifestants, qui n'entendent pas s'en laisser conter, sont de nouveau descendus dans la rue. Retour sur une matinée de grosse frayeur. Mardi 9 octobre 2007. Tôt dans la matinée. La rue de la mairie, voie longeant l'entrée principale du ministère de la Défense est interdite de toute circulation. Des hommes en uniforme, sans bérets ni armes, font dévier les usagers de la route. Seuls les journalistes sont autorisés à passer. Ils sont mêmes les bienvenus : C'est la presse. Laissez-les passer. Grâce à vous les gens sont informés de ce que nous endurons comme souffrances, baragouine, un homme en treillis délavé, le regard posé sur notre attirail. A 6 heures 45mn, les gendarmes ont tiré des gaz lacrymogènes sur nous. Avancez, nos chefs sont devant, ils vous donneront tous les renseignements, grommelle un autre, la voix carbonisée.
A quelques mètres de là, le cabinet du ministre de la Défense. En face, la société générale des banques du Burkina (SGGB). Guichets fermés, stores baissés et portails condamnés. Des vigiles apeurés sont entassés à l'intérieur du poste de contrôle. Ils suivent, médusés, le face à face entre manifestants militaires aux mains nues et gendarmes casqués et armés de boucliers de protection et de shoot-guns, propulseurs de gaz lacrymogènes. Un pandore se détache du groupe. Il franchit la voie et menace les journalistes. Un groupe de soldats l'encercle. Concerts d'invectives et de menaces. Un appel au calme perce le tintamarre ainsi déclenché. Ne cédez pas à la provocation, lance un des meneurs de ceux-là qui se considèrent comme les laissés pour compte de l'armée. L'apaisement apparent revient. Les récriminations peuvent reprendre. De fort belle manière : On est contre les officiers voleurs, contre les officiers délinquants, contre les officiers mange- mille (2), allusion aux jeux de mots bien connus de nos cousins ivoiriens. Les cibles se précisent : Le problème de notre Armée, ce sont les frères Diendéré (le colonel-major Dominique Diendéré, chef d'état-major de l'Armée de terre et le colonel Gilbert Diendéré, chef d'état major particulier à la présidence). Maintenant que ça chauffe, l'un d'entre eux se trouve aux Etats-Unis d'Amérique, peste une voix. Le président du comité ad hoc de concertations, le colonel Pingrenoma Zagré, aura, lui aussi, pour son grade.
Ni contre Blaise ni contre le régime?
Pour avoir, le lundi 8 octobre dernier, soutenu au cours d'une conférence de presse, que les revendications des militaires à la retraite sont illégales, il est désormais pointé du doigt comme un fossoyeur de la cause des oubliés de la grande muette. Que le colonel Pingrenoma se tienne tranquille. Si lui aussi veut rejoindre les autres, il nous trouvera, prévient un autre manifestant qui précise dans la foulée que le mouvement n'est dirigé ni contre le régime ni contre le président Blaise Compaoré même s'il trouve paradoxal que celui-ci soit prompt à éteindre le feu chez les voisins mais laisse son pays se consumer peu à peu.
Dans ce méli-mélo, on parvient à entendre pourtant la sonnerie d'un téléphone portable. C'est l'appareil d'un des meneurs, Karim Bikienga, un costaud aux muscles herculéens. Il se met à briefer un interlocuteur au bout du fil : Nous sommes mal préparés. On aurait dû sortir avec des armes. Il fallait qu'il y ait des cadavres. Mais la prochaine fois, il y aura de la viande à la morgue de l'hôpital, rapporte-t-il, sous l'acclamation de ses camarades.
Le temps passe. L'émissaire du ministre de la Défense, le colonel de gendarmerie Forgo Labao, ne ressort toujours pas du cabinet où il est allé rendre compte des exigences des revendicateurs. L'attente est pesante. Le voilà, crie soudain une voix. Arrive, du côté de l'état-major général des Armées, le messager du ministre, accompagné de deux autres pandores. Les délégués des soldats frondeurs invite la presse à venir assister à leur conciliabule avec le colonel. Ce dernier préfère le huis clos dans un premier temps. Mais, à la fin, il refusera par l'intermédiaire d'un de ses hommes, de rencontrer les journalistes présents sur les lieux.
Pas de satisfaction,
pas de 15 octobre?
Dans son compte-rendu, le délégué des croquants, Prosper Rakiswendé Kaboré, vêtu d'un débardeur, serviette au cou et croix pectorale digne d'un évêque bien en vue, a annoncé la promesse de la hiérarchie de mettre en place un nouveau comité ad hoc, comme l'avait souhaité les manifestants. Il a aussi fait part de l'engagement du commandement à revenir à la table de négociations dès jeudi 11 octobre à partir de 9 heures à la maison du combattant. J'ai été clair avec le colonel Forgo. Je lui ai dit qu'il nous sera tenu le même discours de refus. Nos supérieurs trouvent que se serait de la faiblesse s'ils accédaient à nos revendications, a tenu à ajouter, pessimiste, Karim Bikienga, avant de lancer : La patrie ou la mort, relayé par un retentissant Nous vaincrons ! (1)
Tant que nous n'obtiendrons pas gain de cause, il n'y aura pas de commémoration des 20 ans de pouvoir de Blaise Compaoré. Nous avons le soutien de nos camarades militaires qui sont hors de Ouagadougou, a confié un soldat, avant de rejoindre la troupe en route pour la place de la Nation pour une concertation à huis clos avant le rendez-vous. Rappelons que les revendications des manifestants portent essentiellement sur l'augmentation de quatre de l'âge à la retraite des militaires et sur l'application rétroactive de l'indemnité de départ aux retraités de 2006.
(1) Devise du Burkina Faso sous l'ère de la révolution
(2)Terme utilisé en Côte d'Ivoire pour désigner les jeunes filles avides d'argent.
Une correspondance
d'Alain Pascal

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