Le président Laurent Gbagbo vient de saisir le procureur de la République, Tchimou Raymond " à l'effet, (selon les termes du communiqué), de diligenter une enquête, d'une part, sur le rachat des différentes sociétés acquises par les structures de la filière café-cacao depuis sa libéralisation, et d'autre part, sur la circulation des ressources, les flux financiers de chacune d'entre elles ". Une telle démarche du chef de l'Etat est plus que suspecte et suscite mille et une interrogations. Quel est l'objectif réel de la saisine du procureur Tchimou ? Quelles sont les motivations profondes de Laurent Gbagbo qui, jusque-là, dans une attitude complice, laissait ses protégés, bombardés DG ou PCA dans la filière, semer la pagaille. Les Ivoiriens ne sont pas dupes et savent que le chef des refondateurs, depuis quelque temps, cherche à se cramponner à une bouée de sauvetage, en cherchant à empêcher la "comparution", de ses hommes qui gèrent les structures de la filière (FRC, BCC, FDPCC) à la séance d'informations parlementaires prévue le 8 novembre prochain. Le secret de l'instruction ne permettant pas aux mis en cause ou à tout autre personne de rendre publiques des informations sur une affaire déjà sur la table du procureur, saisi à cet effet, sera sans nul doute invoqué pour justifier le refus des DG et autres responsables de la filière de se présenter devant les députés. Ne sait-on jamais, les députés, ces empêcheurs de "refonder en rond", trouveraient peut-être des "poulets morts" là où il ne fallait pas. D'ailleurs, depuis quand la saisine du procureur de la République débouche-t-elle sur des résultats ? En tout cas, il faut s'inquiéter de cette mise en branle de Tchimou car aussi loin qu'on tourne le regard, aucune enquête sur saisine du chef de l'Etat, sauf celles qui concernent la défense de l'image de marque ou des intérêts personnels de Gbagbo, lui-même, n'ont fait la lumière sur la vérité. D'abord, l'affaire sur les déchets toxiques. Le chef de l'Etat a saisi le procureur Tchimou pour enquête express. Aujourd'hui, l'affaire moisit dans les tiroirs du Procureur, pour ne pas dire enterrée. Ensuite, l'affaire "des faux billets", le chef de l'Etat a donné lundi comme délai pour la manifestation de la vérité. Lundi est passé et toujours rien. Non seulement, le procureur n'a pas le respect des délais, mais il ne trouve pas utile de faire une déclaration dans les médias (radio, télévision) pour au moins mettre les Ivoiriens au parfum de cette affaire brumeuse. Les observateurs ont même l'impression qu'il n'attend toujours que les instructions du chef de l'Etat. Ses va-et-vient incessants au palais, lors de l'affaire des déchets ont renforcé une telle conviction. Quoi qu'il en soit, la vérité a beau être séquestrée dans les ténèbres, elle finit toujours par se dévoiler dans toute sa splendeur.
François Konan