lundi 15 octobre 2007 par Le Nouveau Réveil

Dans une lettre datée du jeudi 11 octobre 2007, le chef de l'Etat Gbagbo Laurent a saisi le procureur de la république Tchimou Raymond aux fins d'ouvrir une enquête autour de la gestion des ressources du binôme café cacao. Il a instruit le procureur de poursuivre devant les tribunaux quiconque serait mêlé à des malversations sur l'argent du café cacao. A priori, il est toujours bon que la justice voie clair dans la gestion des biens sociaux, mais encore faut-il qu'elle aille jusqu'au bout. Sans injonction.
En sept (7) ans de libéralisation de la filière café cacao, c'est bien la première fois que le chef de l'Etat demande qu'une enquête soit ouverte pour faire la lumière sur les ressources engrangées par ces deux produits. Pourtant que de bruits de scandale n'a-t-on pas entendus dans cette filière depuis que la Caisse de Stabilisation a été remplacée par la BCC, le FRC, l'ARCC, le FDPCC, le FGCC initiés par le régime FPI ? Les premiers bruits de malversations se sont fait entendre dès 2002. A cette époque, la presse a fait état d'une destination floue de plus de 30 milliards de francs des paysans qui devaient être transférés de la BCEAO. On a parlé d'une enquête au niveau des producteurs et plus rien. Ensuite, il y a eu le problème d'achat de parts à SIFCA COP et à COCO Service par le FDPCC, là aussi il n'y a rien eu comme réaction. En 2004 et 2005, les producteurs de café cacao ont, pour la première fois de l'histoire, marché et protesté pour dénoncer la gestion scabreuse de la filière par les nombreux responsables de structure installés par le régime. D'autres, de guère lasse, ont brûlé leurs productions quand certains vendent au Ghana pour protester. Ils n'ont jamais eu gain de cause. Dans les mêmes années, la Banque Mondiale et le FMI ont recommandé des audits de la gestion des revenus du café cacao. Mais en lieu et place de ces audits, le Chef de l'Etat Gbagbo Laurent a rencontré les producteurs via les mêmes responsables qu'il a nommés. Il a été décidé de la création d'un comité de pilotage pour la restructuration de la filière. Le président de ce comité a été nommé par le chef de l'Etat Gbagbo lui-même. Ce comité de pilotage devait rendre publics ses travaux au bout de six mois, en vue de mettre de l'ordre dans la filière. Plus de deux ans après, rien. En 2006, les remous dans la filière sont plus que quotidiens au point où le gouvernement décide d'y voir clair. Mais là aussi rien. En 2007, éclate le scandale de l'achat de l'usine de Fulton aux USA, la transaction aurait été une escroquerie aux paysans, puisque les 100 milliards destinés à l'achat de l'usine ne seraient jamais arrivés à destination. Après moult tractations entre les parties ivoiriennes et américaines (un courrier aurait même été envoyé au chef de l'Etat ivoirien par le gouvernement américain qui marque son indignation), l'affaire semblait rangée aux oubliettes quand les députés réunis la semaine dernière exigent presque d'entendre les responsables de la filière, les maîtres d'oeuvre de la transaction et les ministères associés dans cette rocambolesque affaire. Voilà que le Chef de l'Etat ivoirien sort enfin de sa réserve et "instruit formellement le Procureur de la République à l'effet de diligenter une enquête, d'une part, sur l'achat des différentes sociétés acquises par les structures de la filière café cacao depuis sa libéralisation, et d'autre part, sur la circulation des ressources, les flux financiers de chacune d'elles "; A priori, on pourrait crier enfin. Mais au fond, on est tenté de se demander pourquoi maintenant ? Pourquoi juste au moment où les députés de la Nation, représentants du peuple appellent devant le parlement les dirigeants et gestionnaires de la filière et leurs mandants ? Pourquoi avoir attendu que le peuple exige de voir clair dans la filière avant de prendre les problèmes de ladite filière à son compte?
Certains analystes soutiennent que la saisine formulée par le Chef de l'Etat au procureur de la république n'est pas du tout innocente. Pour la simple et bonne raison que cette saisine constitue de facto un obstacle à l'audition demandée par les députés. Si une procédure d'information judiciaire est lancée par le procureur de la république contre les gestionnaires de la filière café cacao, il n'est plus nécessaire qu'ils se présentent devant les députés qui ne sont pas juges. Et aussi longtemps que durera la procédure du procureur Tchimou, les responsables de la filière n'ont de comptes à rendre à personne. Tant que l'enquête ne sera pas bouclée et ne dévoilera pas "d'infractions avérées", les responsables dormiront tranquille. Puisque la saisine du Président Gbagbo dit " au terme de cette enquête et en cas d'infractions avérées, nous vous demandons de prendre les dispositions nécessaires en vue d'initier toutes poursuites utiles, conformément à la loi ". En d'autres termes, si ce n'est pas le cas, laissez-les en paix. On en déduit donc que le Chef de l'Etat soustrait à l'audition devant le parlement les hommes qu'il a placés à la tête des structures pour remette leur sort au seul procureur Tchimou. Et puisque nul autre ne peut demander des comptes au procureur, encore moins le presser, on peut toujours attendre. Les enquêtes prennent le temps qu'elles veulent. Surtout que, contrairement au cas des faux billets, cette fois-ci, le procureur n'a donné aucun délai pour boucler l'enquête.
Eddy PEHE

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