samedi 13 octobre 2007 par AFP

ABIDJAN - Le président ivoirien Laurent Gbagbo a demandé à la justice d'ouvrir une enquête sur d'importants détournements de fonds présumés dans la filière café-cacao, l'une des principales ressources du pays, dans une lettre diffusée samedi par la présidence.

"Eu égard au caractère récurrent (des) accusations de détournement" de fonds dans la filière café-cacao et "afin d'éclairer l'opinion nationale sur ces graves accusations, nous vous instruisons par la présente de diligenter une enquête", écrit M. Gbagbo dans cette lettre datée du 11 octobre et envoyée au procureur de la République Raymond Tchimou.

Le président ivoirien demande à M. Tchimou d'enquêter "d'une part sur le
rachat des différentes sociétés acquises par les structures de la filière
café-cacao depuis sa libéralisation et d'autre part sur la circulation des
ressources (et) les flux financiers de chacune d'elle".

"Au terme de cette enquête et en cas d'infractions avérées, nous vous
demandons de prendre les dispositions nécessaires en vue d'initier toutes poursuites utiles, conformément à la loi", ajoute-t-il.

La Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial de cacao, qui représente avec le café 40% de ses recettes d'exportations et environ 20% de son PIB.

La filière café/cacao ivoirienne est en proie à l'agitation sociale depuis
plusieurs mois, une partie des planteurs accusant les responsables des
structures de gestion de détournements de fonds massifs.

Ils visent notamment la Bourse du café cacao (BCC), le Fonds de régulation du café cacao (FRC) et le Fonds de développement des activités des producteurs de café cacao (FDPCC), qu'ils accusent de "pillage systématique" de la filière.

Ces accusations sont régulièrement corroborées par des rapports
internationaux, notamment par l'Union européenne, dont un rapport a préconisé en mai dernier la "liquidation" de ces structures nées de la libéralisation de la filière, entamée en 1999 sous la pression des institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale).

M. Gbagbo souligne dans sa lettre qu'"il a été fait mention de détournements de fonds importants à l'occasion de diverses opérations" menées par les structures de gestion de la filière, citant notamment "le rachat de l'usine de Fulton aux Etats-Unis" (où le FRC est accusé d'avoir détourné près de 100 milliards de FCFA, soit 152 millions d'euros, ndlr), et "l'acquisition de différentes sociétés à l'intérieur de la Côte d'Ivoire".

La lettre de M. Gbagbo marque la première intervention de l'Etat ivoirien,
traditionnellement très lié à cette juteuse filière aux revenus très opaques, dans cette affaire depuis le début de la mobilisation des producteurs, qui s'est intensifiée en août dernier.

"Nous nous félicitons de l'annonce du président de la République", a
déclaré samedi à l'AFP, sous couvert de l'anonymat, un représentant des producteurs mobilisés.

"Mais cela ne garantit rien, et nous réclamons la mise en place d'une
commission d'enquête constituée de représentants des planteurs, de l'Union européenne et de la Banque mondiale, pour garantir que cette affaire ne soit pas enterrée par la justice ivoirienne", bien peu efficace lorsqu'il s'agit d'enquêter sur les cercles proches du pouvoir, a-t-il ajouté.

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