samedi 13 octobre 2007 par Fraternité Matin

En cette rentrée scolaire, cette nouvelle aurait pu susciter une levée de boucliers des parents d'élèves et des responsables de l'Education nationale. Mais elle n'a ému personne. Et tout le monde semble s'en accommoder. A Divo, pourtant, sur 30 établissements privés que compte la ville, 19, soit 63,33%, n'ont pas d'autorisation. Et fonctionnent donc dans l'illégalité (Cf. Fraternité Matin du 10 octobre 2007). Les Ivoiriens, dans leur ensemble, sont restés de marbre pour une seule et unique raison: c'est un secret de Polichinelle. Les écoles boutiques et clandestines ont pignon sur rue dans notre pays. L'année dernière, le Service autonome de promotion des établissements privés (SAPEP) a tenté de nettoyer les écuries d'Augias. Il a rendu publique la liste des écoles autorisées. Pour séparer le bon grain de l'ivraie. Il a perdu et le combat et de sa superbe. Au vu et au su des autorités du ministère, les établissements non reconnus par l'Etat de Côte d'Ivoire ont fonctionné normalement. Et continuent de le faire encore cette année. Toujours impunément.
Prétextant des troubles à l'ordre public, en cas d'application de ces mesures d'assainissement, la tutelle a jeté l'éponge. Ainsi, à Divo comme partout ailleurs dans notre beau pays, les seules sanctions? que ces fondateurs d'établissement encourent ne sont que les supplications des autorités pour qu'ils régularisent leur situation et se mettent en règle vis-à-vis de leurs cahiers des charges. Selon leur bon vouloir. Et à leur rythme. Le SAPEP, au lieu donc de continuer à prêcher dans le désert, n'a eu d'autre choix, cette année, que de rentrer dans le rang pour ne pas continuer à être la risée de ces fondateurs véreux; laissant toute cette irrégularité prospérer dans ce pays qui a conclu un bail avec l'opacité et le faux. Durablement.
C'est cette psychose qui plombe les audiences foraines. Qui tardent à atteindre, depuis 2006, leur vitesse de croisière. A telle enseigne que, pour la première fois sur ce sujet brûlant, le président du RDR, Alassane Dramane Ouattara, a chanté à l'unisson avec Laurent Gbagbo et le camp présidentiel. Les audiences foraines ont pour objectif de donner des papiers précisément à ceux qui n'en ont pas; mais seulement à ceux qui n'en ont pas. Ne souhaitons pas que ce soit une occasion de créer la fraude?, s'est-il exprimé, mercredi, sur les antennes de la radio onusienne.
C'est un signe qui ne trompe pas. Et un aveu qui vaut son pesant d'or. Depuis que des débats enflammés opposent la classe politique sur la question, le RDR et son président ont toujours, et c'est un euphémisme, banalisé ou minimisé la fraude sur l'identité ivoirienne. Que le prochain Président de la République? finisse par mettre en garde les fraudeurs et les usurpateurs montre que le problème est sérieux. Cette pratique, qui dilue notre nationalité, est récurrente en Côte d'Ivoire. Elle a même été encouragée, pour des raisons électoralistes, par le PDCI-RDA. Et ADO redoute que certaines personnes, qui ont déjà des papiers, puissent avoir d'autres papiers pour pouvoir voter deux fois, comme cela s'est vu dans d'autres pays? ou qu'avec une double identité, des Ivoiriens ou prétendus tels ne participent illégalement ou doublement au même scrutin.
Seul Premier ministre de Félix Houphouet-Boigny, il se rappelle, sans aucun doute, le tripatouillage opéré par l'ancien parti unique, en 1990, pour assurer sa victoire électorale à la présidentielle avec 82% des suffrages exprimés. Face à Laurent Gbagbo, crédité de seulement 18% des voix. Avant la proclamation du multipartisme, le plus vieux parti de Côte d'Ivoire faisait participer les ressortissants de la sous-région, en général, et les Burkinabè, en particulier, aux élections. En violation de la Constitution.
En 1990, pour contourner les dispositions de la Loi fondamentale, dont l'opposition demandait le respect scrupuleux, le PDCI-RDA a consacré le faux en délivrant des cartes d'identité ivoiriennes à des populations étrangères.
Le problème, aujourd'hui, c'est que la plupart de ces électeurs de circonstance, qui étaient censés constituer son bétail électoral, ont refusé de respecter les termes du contrat: rendre ces papiers une fois les élections terminées. Malgré la chasse à l'homme et les battues? organisées, certains se sont évanouis dans la nature avec ces vraies-fausses pièces d'identité pour devenir de vrais-faux Ivoiriens.
Pour cette catégorie de personnes, comme pour les autres usurpateurs et plusieurs cadres ivoiriens, Boga Doudou était la bête noire. L'identification que le défunt ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur voulait conduire, représentait un vrai danger. Se référant au village d'origine, elle aurait permis de mettre à nu le capharnaüm qui règne à l'état civil ivoirien et de démasquer tous les faussaires. Le sort des étrangers, usurpateurs de la nationalité ivoirienne, aurait été rapidement scellé. C'est pourquoi, certains, s'arc-boutant au Code de la nationalité, ont fustigé cette procédure alors que d'autres hurlaient à tue-tête qu'ils n'ont pas de village d'origine.
En ce qui concerne nombre d'Ivoiriens, les surprises auraient été grandes et inouïes si ce contrôle avait pu être fait. Certains cadres, avec la même identité, diminuent leur âge. Et se retrouvent alors souvent avec deux actes de naissance, deux lieux et deux dates de naissance. Des recherches méticuleuses auraient alors permis de découvrir le pot aux roses.
D'autres nationaux, généralement de la génération des quadragénaires et des quinquagénaires, ont carrément abandonné leur propre identité. Atteints, au cycle primaire, par la limite d'âge, ils (ou elles) se sont servis des actes de naissance de leurs frères, s?urs, neveux, nièces, cousins ou cousines plus jeunes, pour pouvoir poursuivre leurs études. Ces derniers, restés au village, mais ne jugeant pas toujours utile de faire autrement, ont gardé la même identité et se sont fait délivrer la même pièce d'identité où figurent des faciès différents.

De ce fait, il arrive parfois qu'un responsable d'administration ou qu'un fonctionnaire soit déclaré décédé alors qu'il est toujours en vie ou vice-versa.
C'est l'embrouillamini. Et la situation politique actuelle ne fait que l'accentuer. En 1999, le Président de la République, Henri Konan Bédié, publie un ouvrage autobiographique, Les chemins de ma vie. Ce livre, paru au plus fort des débats sur la nationalité du président du RDR, fait grand bruit. Le Chef de l'Etat ne fait pas dans la dentelle. Il déclare clairement qu'Alassane Ouattara est Voltaïque (Burkinabé).
Mais N'Zuéba ne s'arrête pas en si bon chemin. Il porte plainte contre son adversaire politique pour faux, usage de faux en documents administratifs et complicités?. Et lance même un mandat d'arrêt international. Sur ses traces, la Cour suprême invalide, en 2000, la candidature du président du RDR, aussi bien à la présidentielle qu'aux législatives, pour nationalité douteuse?.
Mais voilà que ce leader, grand bénéficiaire de la crise armée, est candidat à la prochaine présidentielle, fût-ce à titre exceptionnel. Sans avoir à montrer patte blanche. Question: y a-t-il une morale en politique quand on sait qu'en 1995, le président du RDR avait librement renoncé à briguer la magistrature suprême parce que, arguait-il, les conditions d'éligibilité (alors qu'elles étaient plus souples) l'empêchaient d'être candidat? Machiavel l'a dit et il ne faut pas s'y méprendre: la fin justifie les moyens. Surtout quand le père de l'ivoirité, en tandem, désormais, avec son ex-ennemi intime pour vaincre Laurent Gbagbo, sublime le faux et l'usage constant du faux dans ses propres déclarations en soutenant maintenant que Alassane Ouattara est mon frère de Dimbokro?.

Par Ferro M. Bally
ferobibali@fratmat.info

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