mercredi 10 octobre 2007 par Le Temps

De passage à Abidjan, Guy Patrice Lumumba, le dernier fils du défunt et célèbre Premier ministre congolais Patrice Lumumba, a accepté de se prêter à nos questions. Dans cette interview, il parle du combat de son père qu'il poursuit, de celui du Président Laurent Gbagbo, de la présence de l'ONU et des militaires français en Afrique, et de bien d'autres sujets intéressants.

Que fait Guy Patrice Lumumba en Côte d'Ivoire ?
Tout comme il y en a qui vont passer leurs vacances en France, aux Etats-Unis ou ailleurs dans des pays européens, j'ai choisi, moi, de passer mes vacances dans un pays patriotique. Et j'apprends aussi à connaître mes frères et s?urs ivoiriens. Je viens non seulement lorsqu'ils ont besoin d'être soutenus, mais je viens aussi pour apprendre à vivre avec eux, manger avec eux, apprendre comment ils réfléchissent, pour que demain, nous puissions travailler la main dans la main.

Une affinité avec la Côte d'Ivoire ?
Par l'histoire du combat du Président Gbagbo, commencé sous la "Françafrique", - "la Françafrique", il faut savoir, au moment des indépendances de certains pays d'Afrique, ces dirigeants qu'on appelait des nationalistes qui ont été portés au pouvoir par certains africains, ont été décapités par la volonté des pays colonisateurs. Qui les ont remplacés par des laquais. Et pendant que ces laquais étaient au pouvoir, il nous a été difficile de pouvoir vivre la réalité du pays. Par son parcours déjà, le président Gbagbo est parti en exil, est retourné. Par son combat. Comment est-il arrivé au pouvoir ? Par son engagement et son discours. Ça, nous les Africains, descendants aussi de combattants, nous étions loin d'imaginer qu'il venait de la Côte d'Ivoire. Mais c'est la Côte d'Ivoire qui a changé, qui revendique sa place au soleil.
Pour moi, ce que représente la Côte d'Ivoire, c'est le pays phare de ce 21e siècle, où s'est déclenchée la vraie libération de nos pays, du joug de la "Françafrique", "Belgafrique", "Américafrique". Voici le sens de mon attachement aujourd'hui, de mon amour pour votre pays.

On pourrait se demander quelle sensation cela inspire d'être fils d'un homme par qui toute l'Afrique digne jure par son combat et son esprit progressiste ?
C'est d'être en position de service. Et ce qui est particulier, moi, je suis le fils posthume de mon père. Je suis né 80 jours après la mort de mon père. Donc mon père, je vais le découvrir à travers les livres, à travers les témoignages des gens. Et je me dis, ce qu'il n'a pas été capable de faire, j'avais décidé au moins, de le faire connaître et de défendre mon père autrement.

Vous dites autrement, quel est l'axe que vous avez choisi précisément pour votre combat ?
J'ai choisi la non-violence pour continuer son ?uvre dans mon pays. L'histoire de la mort de mon père, on ne l'enseigne pas au Congo. On n'en parle pas. Mais il y a beaucoup qui se réclament du Lumumbisme. Juste pour des intérêts égoïstes. J'ai pris l'engagement de faire connaître tout d'abord les combats de mon défunt père, de diffuser ses écrits à travers la jeunesse africaine qui ne les connaît pas et de pouvoir également perpétuer son combat politique.

Comment le faites-vous ? A travers des ouvrages ? des conférences ?
Nous manquons de bibliothèques. Les journaux reviennent aujourd'hui très chers. Et j'ai souhaité collectionner tout d'abord tous les écrits sur mon père. Parce que le premier livre qu'il a écrit, qu'il allait publier en 1966, dont le titre était Congo, terre d'avenir mal partie. On a refusé de le publier et il n'a été publié qu'après sa mort. A travers tous les discours et d'autres livres qui n'ont pas été publiés. J'entends les rassembler et les traduire en trois langues, en français, en anglais et portugais pour en faire une grande diffusion. C'est une façon de léguer à la jeunesse africaine, ces écrits.

Avez-vous eu un retour positif, une réaction de la jeunesse qui vous encourage à aller de l'avant ?
Quand je suis venu en Côte d'Ivoire en 2004 ou 2005, pour soutenir les patriotes qui ont été agressés par un pays impérialiste qui est la France, c'est à ce moment-là que j'ai appris que l'on m'a déclaré que je serai candidat à la présidentielle en RDC. Ça n'a pas été facile. Parce que quand je suis rentré dans mon pays en 2005, j'ai commencé ma campagne dans des "gbaka" c'est-à-dire les mêmes minicars que vous avez ici. J'étais dedans, donc j'ai commencé à distribuer mes affiches. Je vous le dis, je n'ai rien hérité de mon père. Il m'a pas laissé une fortune. Et même si j'ai vécu en exil en Europe, ce ne sont pas ces gens-là qui vont réhabiliter Lumumba. C'est une tâche qui incombe aux Congolais et aux Africains. Et quand j'ai fait cela, on m'a arrêté.
Sur quel motif ?
Le motif, c'est un prétexte d'un conseiller de Kabila, qui est mon ami. Le fait d'avoir déclaré que j'étais candidat à la présidentielle, je dérangeais ce camp qui se disait Lumumbiste. Ils ont voulu me faire taire, en instrumentalisant un ami qui a porté plainte contre moi, quand je suis rentré au pays. Dire que j'étais dans un pays pour lequel Lumumba est mort ! Une fois arrêté, on m'a détenu pendant cinq jours à la sûreté d'Etat. J'ai réclamé au bout de 48 heures, qu'on me transfère devant le juge. On m'a transféré au parquet, où je suis resté pendant trois jours. J'étais enchaîné. On m'a envoyé à la prison centrale qu'on appelle Nakala. Là-bas, je suis resté pendant trente jours. Une fois sorti de prison, j'ai voulu pendre l'avion pour retourner en Europe. A l'aéroport, j'ai été à nouveau arrêté. C'est là qu'on va alerter les médias occidentaux, là, suivra toute la pression, au point où j'ai été libéré.

Quels sentiments pendant tout ce purgatoire ?
Je revivais ce que j'ai lu sur mon père. Son arrestation, c'est-à-dire, ses combats où on retrouve des traîtres. D'abord, ce sont des Africains qu'on va fabriquer. Qui vont m'empêcher tout simplement de dire que je me présente, tout dépend de la pensée politique de mon père. Voilà, je ne sais pas, c'était le moment où le pays était ce qu'on appelle "1+ 4", c'est-à-dire, il y avait un Président plus des bandes rebelles, des petits voyous, fabriqués par les occidentaux qui tuaient et pillaient les minerais et qui devenaient des vice-présidents. Chacun d'eux, a deux chaînes de télévision, une radio, une armée. Et moi j'arrive, dans ce décor ainsi planté, sans armée, sans parti politique. J'ai dit : " je serai candidat ". A ce moment-là, je gêne, et il faut tout tenter pour me faire taire.

Cette répression vous a-t-elle déstabilisé et encouragé l'inaction ?
Ça m'a plus encouragé. Jeté en prison, je devenais le grand leader des frères que je ne connaissais pas. Je faisais avec eux, en ce moment, le discours de campagne. Mon message en prison avait tellement charmé les co-détenus qu'ils se sont mis à s'en prendre violemment aux policiers qui nous gardaient. Allant jusqu'à leur arracher leurs armes. J'étais obligé de les calmer et les exhorter à la non-violence : les gars, ne tirez pas avec ça?. Vu l'allure des événements, on m'a transféré directement à la prison centrale. Ce, pour démontrer que je peux être le fils de Lumumba, mais eux, ils pouvent régler mon problème dans ce pays. A partir de ce moment, mon combat prend une autre forme. Parce que je mène un combat pour la justice, ce que je décris dans mon pays, c'est vrai. Je suis donc en prison.
On arrive maintenant à l'heure des 32 millions de caution pour la présidentielle. Quand on me demande, je vous dis sincèrement que je n'avais, sur mon compte, que trois euros.

Qu'est-ce que ça veut dire ?
2000 FCFA. A trois jours de la clôture des dépôts de dossiers, je n'avais que trois euros sur mon compte. A ce moment-là, on m'appelle, il s'agit des Congolais de la diaspora, qui me disent : "Guy, nous avons les 32 millions, es-tu prêt pour aller payer les 32 millions ?". Bien sûr que j'irai payer les 32 millions dans mon pays !

Cela nous rappelle la campagne de Laurent Gbagbo face au Président Houphouët-Boigny en 1990. Il arrive dans les mêmes conditions ou presque, sans grands moyens, et l'on lui demande 20 millions de caution. Monsieur n'a pas de sou. Et spontanément, toute la population se mobilise pour sortir les 20 millions. Similitude de parcours ou écho de destin ?
(Rire) Je l'ai su ici, quand on m'a fait le récit du parcours du Président. Pour moi, ça s'est présenté de la même façon, c'est-à-dire en arrivant, je n'avais pas d'argent. Je pars payer les 32 millions en cachette. Parce que tous les 33 candidats avaient pour la plupart des avions, des hélicoptères, des 4 X 4 - parce que la RDC, ça fait quand même 2.000.345 Km2-, ils auront des équipes et beaucoup de documents. Mais moi, quand je vais payer, je pars en taxi, et dans la Commission, on n'y entre jamais à pied, et moi, j'y suis entré avec une Mercedes de location, parce qu'il faut y aller avec une belle voiture. On sort de là et je me suis fait tout-petit auprès des journalistes. Je rentre en France, pour la recherche d'autres fonds pour la campagne. Il faut avoir la foi pour avancer. Parce qu'au moment où je pars pour la campagne, l'environnement financier était désastreux : je n'avais que 20 euros en poche. Et l'ami qui m'accompagnait, avait 120 euros qu'il m'a remis, c'est-à-dire, j'avais 80 000 FCFA. Donc je débarque pour la campagne dans mon pays. J'arrive, on saisit toutes mes affiches. Les affiches étant saisies, on me demande de dédouaner mes affiches que j'avais envoyées par avion. Je n'avais que 200 affiches avec moi, parce que je me suis dit : "celles-là, je peux les garder parce qu'ils referont le coup qu'ils m'ont fait auparavant." Ces quelque 200, j'en donne quelques unes aux petits Lumumbistes pour les afficher. Mais les gens vont les arracher. Vous voyez sur l'affiche, je mets l'image de mon père à côté de la mienne. Parce qu'au niveau de certains villages, on se demande qui je suis, je suis le fils de qui ? Mais j'étais candidat indépendant.

Cela était-il nécessaire, pour donner une caution à votre candidature, que vous soyez à l'ombre de votre père ?
La campagne, moi, je parle avec le peuple. J'utilise tous les moyens qui sont bons. Je peux utiliser l'image de mon père, les écrits de mon père, c'est mon père. Et je pars en campagne avec ça. Donc je suis Lumumbiste, je suis Congolais, je suis patriote. Les autres ont de gros moyens, moi, je n'ai que ça. Je suis passé à la télé une seule fois. Parce que pour passer à la télévision, il fallait payer, pour chaque passage, 2000 dollars.

Est-ce à dire que pendant la campagne, tous les candidats n'ont pas le même temps d'antenne ?
Il faut de l'argent, moi, j'étais piéton. Et je peux le dire, j'étais le seul candidat piéton à la présidentielle. Je faisais le "gbaka" et le "wôrô-wôrô". Et à Kinshassa, on le sait, je n'avais pas de voiture. Tout le monde avait peur de me soutenir ; donc personne ne m'a donné sa voiture. Mais j'étais dans la rue, j'ai vécu sous le soleil et la pluie.

C'était quand même charmant pour un beau gaillard comme vous ?
C'était physiquement dur. Et les yeux des autres pèsent. Et je me suis fait tout-petit. Je n'avais pas d'autres choix. Mais au résultat, sur les 33 candidats, je sors 10e. Et dans certaines villes, je suis deuxième, troisième, septième, etc. Et dans certaines cités où il y a du lumumbiste, c'est là où j'ai pu avoir des points, sans que j'aie pu y battre campagne, sans qu'on puisse me voir, par le nom seulement. Mais ce n'est qu'après, avec les étudiants, j'ai eu à discuter avec beaucoup d'étudiants, qui ont apprécié le travail. Je leur ai dit que ce ne sont que les premières élections, il fallait que j'y sois présent, et c'est un test entre le nom de Lumumba et le peuple congolais.

Quelles leçons tirez-vous de cette expérience ?
Aujourd'hui, je connais les problèmes de mon pays. Je sais de quoi je parle quand il s'agit de misère dont souffre le peuple. J'ai pu rencontrer beaucoup de personnalités, beaucoup d'étudiants. Dans les quatre ans qui nous restent pour les prochaines élections, il s'agit de pouvoir rassembler beaucoup d'amis qui ont accepté qu'on puisse se rassembler, qu'on crée un grand mouvement, et dans quatre ans, je me présenterai à nouveau.

Quel rapport aviez-vous avec le pouvoir congolais, quand nous autres pensions que les Kabila étaient proches des Lumumba et défendaient la thèse de Lumumba ?
Ces élections ? Je remercie la communauté internationale de nous avoir permis de les organiser. Moi je suis pour la non-violence. Je suis démocrate. J'ai accepté la victoire de Kabila. Au deuxième tour, je n'étais ni pour Bemba, ni pour Kabila. Je me suis placé en retrait pendant ce quinquennat pour pouvoir créer un mouvement dans lequel nous, les jeunes nationalistes, nous pouvons faire des analyses et poursuivre le combat de Patrice Lumumba. Avec le gouvernement de Kabila, je n'ai aucun rapport.

C'est voulu ou bien on vous rejette ?
Non, c'est au niveau des programmes économiques. Après le deuxième tour, j'ai approché Kabila, j'ai approché Bemba ; à ce moment-là, il fallait soutenir l'un des deux, mais les deux avaient des programmes de la banque mondiale. Dans ce cas là, il était difficile que je puisse accepter de brader mon nom avec un programme qui spolie les peuples africains. Alors j'ai dit niet ! Je me suis présenté à un poste, je ne me suis pas présenté pour des facilités. Alors, je préfère vivre la même vie, la même situation, mais en ayant conscience que beaucoup de Congolais ne se sont pas retrouvés dans le programme de ceux qui ont élaboré ces projets.

Mais en dehors de la divergence idéologique, est-ce que sur le plan humain, vous avez des rapports avec Kabila fils ?
Nous sommes des Africains. J'ai salué sa victoire. Je suis Congolais comme tout le monde, il est Président, donc je suis un citoyen comme tous.

Votre jeunesse ne joue-t-elle pas contre votre combat ?
C'est la détermination. C'est que nous ne pouvons plus laisser passer les traîtres de notre génération, qui sont appuyés par des puissances occidentales. Nous leur disons : nous avons appris le même combat qu'eux. Donc nous irons utiliser, s'il faut, de la violence, s'ils utilisent de la violence. Parce que nous, nous souhaitons aller aux élections. Et que le peuple puisse se déterminer. Donc, malgré ma jeunesse, je ne vais pas me laisser malmener. J'ai vécu dans la dictature, en exil ; je rentre chez moi en Afrique, je ne souhaite pas que cela se perpétue par des gens de ma génération. Donc ce que j'ai posé comme acte, c'est pour des générations ; pour nos jeunes frères qui nous regardent. Mais s'ils ne sont pas préparés, nous allumerons le flambeau pour qu'ils le perpétuent.

Combien de frères et s?urs avez-vous ?
Nous sommes cinq enfants de Lumumba ; je suis le seul que mon père n'a pas vu.

Ça vous frustre, ça vous gêne, ça vous chagrine ?
Non, pas du tout. Quand je vois des rues d'Afrique qui portent le nom de mon père, j'en suis fier. J'en ai vu également en France, j'étais à l'inauguration de la rue Patrice Lumumba à Montpellier. C'est à travers ses idées que je vis, et non pas en tant que mon père. Dans une interview, j'ai dit que Gbagbo me rappelle mon père; c'était de voir aussi ce vaillant combattant d'Afrique et ces actes qu'il pose aujourd'hui en Afrique, et pour moi, c'est comme mon père. Parce que c'est le combat. Donc je m'approche de ceux qui veulent la libération, la dignité de l'homme noir.

A partir de quel âge vous avez pris conscience que vous mèneriez le combat de votre père ?
Dès l'âge de 17 ans. Parce que sous Mobutu, il était mal vu qu'on puisse parler de Lumumba et même du parti unique. Et j'ai pris conscience quand on m'a donné en cachette, le livre " le Capital " de Marx. Quand je l'ai lu, pendant une semaine, sous un avocatier, j'ai compris le fonctionnement du capitalisme dégradant qu'on appliquait pendant la colonisation, et les régimes fantoches qui ont suivi les indépendances. Dès lors, je me suis fixé comme but que je serais militaire et je mènerais des actions violentes contre le régime de Mobutu. Je m'étais même dit que l'âge idéal de ma mort serait 30 ans.

Pourquoi ?
Parce que bel âge ; je préfère mourir sous les balles que dans les bras d'une copine (). Et dès le Lycée, j'ai écrit un journal pamphlétaire contre Mobutu. J'ai fui pour le Congo Brazza. A 20 ans, j'ai commencé l'exil. Mon frère aîné m'avait alors conduit à Abidjan, au moment où Emmanuel Dioulo en était le maire ().

Le fait d'être fils de Lumumba, est-ce que cela vous ouvre des portes ?
Mais, si ça m'ouvrait les portes, je n'allais pas partir en campagne avec 120 Euros, dans mon pays, dans le pays pour lequel Lumumba est mort, où les gens se réclament Lumumbistes et ils savent que je n'avais pas de véhicules, je n'avais pas de permanence, je n'avais pas d'argent.

Il n'y a pas que le trésor financier derrière les portes, il y a aussi des relations solides qui constituent une créance sur l'économie.
Non, je parle du niveau de ce combat immédiat. Parce qu'en Europe, quand il y a une association, un parti politique, les adhérents se cotisent. Parce qu'ils se disent : "nous, nous combattons pour les idées". Or, en Afrique, on croit qu'avec le nom, c'est moi qui vais chercher l'argent, ou les autres viennent pour se greffer dessus, et en tirer toujours des bénéfices. Or, c'est un combat, des combats d'idées où, aujourd'hui, en face de nous, nous avons de gens toujours prêts à nous assassiner, à nous abattre. On se dit : on va de l'avant. Mon nom, je l'aimais comme je l'ai dit, mon nom, je le mets en position de service. Quand je suis venu en Côte d'Ivoire, où je me sens en paix pendant les vacances ; c'est vrai que je n'ai pas d'argent, mais je viens apporter quand même mon nom à un combat que vous menez, vous les Ivoiriens. Moi aussi, pour témoigner également du fait que votre combat est valeureux à nos yeux, c'est pourquoi, je dis qu'un jour viendra où certains Africains comprendront le sens du combat que je mène et j'aurai leur soutien.

Pourquoi étiez-vous candidat sans étiquette ?
J'étais candidat indépendant pour fédérer toutes les Forces. Je vous dirais que Kabila qui est président de la République, qui avait les moyens, était candidat indépendant comme moi. Mais ma campagne était le discours de Lumumba un peu actualisé. Et cela a pris, 47 ans après.

Le chef de l'Etat ivoirien Laurent Gbagbo, vient de s'exprimer devant l'Assemblée générale de l'ONU, où il a posé les préoccupations de la Côte d'Ivoire et expliqué le processus en cours. Quel commentaire vous en faites ?
Le discours du Président est plein de sagesse. Demandez que les Nations unies puissent reconsidérer les sanctions face à un pays souverain, face à un gouvernement élu, est louable. Par son discours, il demande aux Ivoiriens de tourner le dos à la violence, son discours est rassembleur. Le Président a pu demander à la communauté internationale de nous juger autrement, parce que les Africains sont mûrs. C'est un discours positif. Mais, moi, je suis pour que les traîtres d'hier, ne se renouvellent pas aujourd'hui. Nous sommes aussi déterminés à en découdre avec ceux qui veulent perpétuer la domination de la race blanche en Afrique.

Ça veut dire quoi concrètement ?
Ecoutez, l'esclavage, nous sommes la race qui en a souffert. La France, ce sont des Blancs, l'Amérique, ce sont des Blancs, la Belgique, ce sont des Blancs, les Nations unies, ce sont des Blancs. Il y en a qui vont parler haut et fort, qui ont des maisons en France, là où il y a des riches, des Noirs qui ont pillé l'Afrique, qui ont pris l'argent des Africains, qui ont tué des Africains, qui vont se marier en Europe, faire de grandes fêtes en Europe et qui proclament haut et fort qu'ils sont pro-occidentaux. Donc ceux-là, ils savent aujourd'hui, nous n'allons pas leur laisser l'occasion de rééditer leurs crimes. Nous ne sommes pas de la génération des moutons. Nous sommes prêts à défendre notre race, à défendre nos territoires, à défendre l'Afrique.
Quel est votre regard sur la gestion de la crise ivoirienne ?
Je loue la sagesse de ceux qui ont abandonné les armes pour qu'il y ait la paix. Aujourd'hui, nous devons comprendre cette sagesse ivoirienne. Il appartient aux Ivoiriens de prendre conscience et de se mettre autour d'une table. Et plus nous nous battons et plus nous nous enfonçons dans la misère. Il y a lieu à ce que la paix apporte le travail et la prospérité. Et que nous puissions demain, en Afrique aussi, valoriser nos produits, les transformer, et qu'on ne soit pas toujours en train de vendre la matière première, et que nous importions même les boites de thon, alors que le poisson sort de chez nous, des vêtements, alors que nous produisons le coton. Donc je dis que la gestion de la crise ivoirienne est un schéma encourageant, et que les frères ivoiriens doivent aider le Président pour que la Côte d'Ivoire change de visage, demain.

Que vous inspire la présence permanente des bases militaires françaises en Afrique ?
Je l'ai dit, nous demandons à ce que les bases françaises puissent quitter l'Afrique partout où elles sont. Parce que les Français ont demandé aux Américains de quitter leur territoire, et il en est de même, il faut que les bases françaises militaires soient démantelées et que les bases et les militaires de l'ONU soient également démantelés. Et nous nous battrons économiquement pour mettre fin au FCFA.

Pensez-vous que ce sera aisé ?
C'est certain qu'ils ne nous laisseront pas en paix, mais il nous appartient de démontrer à l'homme blanc, que l'homme noir est capable aussi d'accéder à la richesse par son travail. Nous devons sortir de ce joug financier qui est le FCFA, qui est un des plus grands hold-up que la France a fait en Afrique. Et nous devons être prêts, nous devons informer la population également à travers la culture et l'enseignement, que nous devons travailler dur et fort, à travers ces dettes qu'ils nous ont collées. Parce que le jour où la Côte d'Ivoire va demander à sortir du FCFA, la France demandera dans les 24 heures, qu'elle rembourse ses dettes sinon, elle bloquera tous ses comptes. Cela veut dire, que ce sera difficile, nous devons travailler ; transformer nos matières premières ; qu'il y ait des patrons ivoiriens, qu'il y ait des sociétés à 100 % ivoiriennes, que ce soient des boites de conserves, des assiettes, tout produit ivoirien, et en ce moment, vous serez prêts pour sortir du FCFA.

Si vous aviez à construire une société africaine, quels seraient les grands traits de ce projet en terme de priorité ?
Nous n'avons pas une multinationale africaine. Et nous n'avons pas la capacité de transformer. Ce que je voudrais, c'est de pouvoir tout d'abord au plan monétaire avoir des banques. Ma vision est également de nous approprier nos matières premières ; de nationaliser toutes les entreprises minières de façon à ce qu'on puisse discuter de partenariat avec les Européens. Mais il nous faudrait absolument des industries de transformation, pour transformer nos matières premières. Deuxièmement, il est urgent de créer des patrons africains, qui aient des moyens de permettre de revenir au pays, aux grands cerveaux africains qui vivent à l'étranger et qui seront demain des moteurs du développement de l'Afrique. Parce qu'ils sont partis étudier, travailler, ils ont acquis de l'expérience, ils ne peuvent pas retourner en Afrique. Et troisièmement, il faut faire la formation à l'intérieur de l'Afrique, pour que nous puissions, nous-mêmes, nous approprier nos matières premières et la formation pour vraiment faire la transformation de tout ce que nous avons.

Que cache cette politique ?
Mon souhait est que demain, en Afrique, comme je le fais, que je puisse venir passer les vacances en Côte d'Ivoire ou dans un autre pays, plutôt que d'aller vivre dans un pays froid, inhospitalier, dont l'histoire nous rappelle l'esclavagisme qui est une honte de l'histoire, qui est également la colonisation, qui est une autre plaie de notre sous-développement. Il y a lieu, pour tous les Noirs, de démontrer ce dont nous sommes capables en terme de développement : pour fabriquer des voitures Et les chemises que nous portons, que nous ayons aussi des marques africaines : tout soit fabriqué en Afrique par nous mêmes, comme l'a fait la Chine. Si hier, l'on a taxé la Chine de communiste,- y compris nous-mêmes - on constate aujourd'hui le développement auquel elle est parvenue. Elle fait partie de ceux qui aident l'Afrique à progresser. Le Président Gbagbo, si des gens ne le comprennent pas, moi qui viens du Congo, je comprends son combat. Et il m'a dit : " ce que je fais aujourd'hui, je veux que vous et d'autres générations, vous puissiez prendre le relais du combat de nos parents et nos frères aînés, avec l'expérience que nous avons acquise en Europe pendant une vingtaine d'années, c'est pour mettre fin à la domination économique de l'homme blanc. Voilà ma vision ".

Que pensez-vous du fait que des journalistes résistants se soient regroupés pour défendre leur pays contre la maltraitance communicationnelle de l'extérieur ?
Il vous appartient de le faire. L'histoire africaine ne sera pas écrite à Paris, pas à Washington, pas au Luxembourg, ce sera écrit par les Africains. C'est à vous qu'il appartient d'écrire cette histoire. C'est vous qui devez vous battre pour réécrire cette histoire, informer, patriotiquement, pour démasquer tous les traites - d'abord nous avons des traîtres à l'intérieur et des traîtres à l'extérieur. Donc nous avons besoin de vous pour nous galvaniser chaque matin lorsque nous nous réveillons et que nous écoutons la radio, nous lisons les informations patriotiques. Donc il vous appartient de ne pas baisser les bras, ne pas vous décourager face à ceux qui tentent de vous déstabiliser, et qui ne veulent pas le réveil du grand nationalisme africain. Donc je vous soutiens. C'est ce type de journalistes que j'aime ; qui défend le Noir contre vents et marées. Qui défend la vision des Noirs de leur Continent. Qui défend les valeurs africaines. Moi, je ne suis pas du côté du journaliste intellectuel, qui pèse le contre et le pour, occidentaux et autres, donc sont rationnels. Moi je veux le journalisme de c?ur, qui défend la race noire, qui défend les territoires africains.

Interview réalisée par Germain Séhoué
gs05895444@yahoo.fr

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