mercredi 10 octobre 2007 par Fraternité Matin

La grande foire annuelle des dirigeants qui nous gouvernent s'est tenue à New York tout au long de la dernière semaine de septembre, à l'occasion de la 62e session de l'Assemblée générale des Nations unies. Cette année encore, la tradition des belles intentions a été respectée. Pour sa première participation à cette messe, le Président français, Nicolas Sarkozy, y est allé de ses propositions hardies, courageuses qui lui ont valu de chaleureuses ovations et des articles laudateurs dans les journaux. M. Sarkozy a annoncé, au pays de l'Oncle Sam, la nécessité d'un New Deal, pour sauver le monde et particulièrement les plus pauvres. Comme on le sait, Sarkozy est volontariste et enthousiaste à souhait. Mais a-t-il simplement les moyens de sa politique? Après les premiers mois d'euphorie, son pays, la France, retombe dans ses travers: contestation des réformes, menaces de grève en cascade, incertitude sur la croissance, etc. A l'évidence, la France a des idées dont elle n'a pas encore les moyens; le Plan Marshall souhaité par Sarkozy risque simplement d'être un effet d'annonce.
En effet, il serait illusoire de penser que l'Union européenne, d'une part, et les Etats-Unis, d'autre part, accepteraient, comme par enchantement, de s'aligner derrière l'idée généreuse du Président Sarkozy. D'abord, parce que tous sont actuellement dans la mélasse, empêtrés dans des incertitudes nationales. La guerre budgétivore des USA en Irak et la traque planétaire contre le terrorisme que s'est imposée le Président américain, George Bush, ont tout déséquilibré dans son pays. La plus grande puissance mondiale ne peut plus distraire des fonds en direction d'autres projets porteurs d'avenir en dehors de sa lutte pour se sortir honorablement (si c'est encore possible) du bourbier irakien. Quant aux autres pays européens, nous ne voyons pas encore ce qui les pousserait à vouloir agir contre leur propre gré. Il convient de rappeler que ces pays avaient décidé, en toute liberté, il y a plus de 30 ans déjà, d'allouer 0,70% de leur PIB aux pays les plus pauvres. Il s'agissait d'une aide pour la lutte contre la pauvreté, l'analphabétisme, la mortalité infantile ou maternelle, etc. Les plus généreux que sont les pays nordiques n'ont guère dépassé 0,50% de leur PIB. D'où proviendraient alors les ressources du nouveau Plan Marshall que le Président français appelle de ses v?ux (pieux ?). D'ailleurs, comme pour montrer, voire démontrer son refus de toute contrainte internationale et son entêtement dans l'unilatéralisme, le Président américain a décidé de torpiller le sommet mondial sur l'environnement organisé à l'ONU. Après avoir royalement boudé la réunion de New York au cours de laquelle le Secrétaire général de l'ONU, Ban-Ki moon, a insisté sur la responsabilité collective des pays et de leurs dirigeants à ?uvrer avec détermination pour sauver la terre de la catastrophe écologique annoncée, Bush a tenu un autre sommet avec 18 puissances à Washington. Pour les observateurs avisés, il s'agissait juste de brasser de l'air contre l'effet de serre. Plus concrètement, ils estiment que le Président américain, de plus en plus isolé sur les questions de l'environnement pour son rejet systématique, depuis 2001, de l'Accord de Kyoto, prépare la rencontre de Bali, prévue en décembre prochain. Considérant l'accord de Kyoto comme trop coûteux et trop ignorant des réalités des pays en développement pollueurs, mais surtout trop attentatoire au mode de vie américain, il n'entend pas rejoindre un nouvel accord sur le climat où il y aurait une quelconque obligation. Ainsi parlent les grands! Même quand ils ont tort, ils ont malheureusement les moyens et une capacité de nuire qu'on ne saurait occulter. Quelle place pour le New Deal du Président Sarkozy dans cette querelle de leadership qui se double d'égoïsmes à peine dissimulés? Pour espérer se faire entendre, la France aura toujours besoin de s'adosser à ses anciennes colonies: ce sont elles qui lui confèrent une représentativité sur la scène internationale. L'ambassadeur André Janier a beau dire que la Côte d'Ivoire ne représente que 0,1% des échanges de la France, ce pays a bel et bien besoin de ce 0,1% qu'assure l'Eburnie, et de l'infime apport du Gabon, du Congo, du Sénégal La Chine, elle, l'a très bien compris: depuis le 1er octobre, elle a créé deux chaînes de télévision émettant en français et en espagnol pour resserrer ses liens avec l'Afrique. Mieux, politiquement, les voix de ces pays, insignifiants (?) économiquement, comptent beaucoup cependant. La France gagnerait donc à développer des synergies porteuses d'espoir et de richesses pour ses entreprises; mais aussi pour l'Afrique. L'uranium du Niger ne pourrait-il pas servir à créer de l'énergie nucléaire civile pour répondre aux besoins sans cesse croissants et non satisfaits de la sous-région? Le Plan Marshall doit viser des projets d'infrastructures ferroviaires, aéroportuaires, routières... concernant plusieurs pays. D'une pierre, on ferait alors coup double en accélérant l'intégration et en offrant au secteur du BTP français l'occasion de jouer un rôle majeur et moteur.

Par
Jean-Baptiste Akrou

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023