mercredi 10 octobre 2007 par Fraternité Matin

Le cabinet conseil de l'État ivoirien a commencé à investir les marchés du continent avec en ligne de mire le monde entier.
Le voyage express que Dr Ahoua Don Mello, directeur général du Bureau national d'études techniques et de développement (BNETD), vient d'effectuer au Bénin fut couronné de succès. A l'issue d'un entretien d'un peu plus de trente minutes vendredi dernier de 22h15 à environ 22h50 (heure locale, soit de 21h15 à environ 21h50, heure d'Abidjan et GMT) au Palais présidentiel de Cotonou, il a emporté l'adhésion pleine et entière de Dr Thomas Boni Yayi, Président de la République béninoise. Ce dernier, séduit par l'exposé du directeur général du BNETD, s'est s'engagé, séance tenante, à porter sur les fonts baptismaux une structure similaire dans son pays pour s'approprier les politiques et les stratégies de développement.
Le Président béninois ne s'est pas arrêté en si bon chemin. Après l'accord-cadre de collaboration et d'assistance qui a été signé, en février dernier, entre le BNETD et la Société du matériel et des travaux publics (SMTP, société d'Etat béninoise), il a donné des instructions fermes pour qu'un partenariat soit établi entre les deux structures. Une convention d'études est en discussion. Elle est destinée à fournir à la société d'Etat béninoise le meilleur cadre institutionnel et le meilleur montage financier pour se rééquiper.
Avec le Chef de l'Etat, nous avons fait le point, dans un premier temps, de l'ensemble des projets que nous avons en charge sur le territoire béninois A partir de là, nous allons, dans un second temps, déboucher sur les perspectives de coopération. Vous savez que pour le Président de la République du Bénin et son homologue de la Côte d'Ivoire, la coopération sud-sud est une préoccupation importante. Il était donc question de voir dans quelle mesure cette coopération peut se renforcer dans d'autres secteurs d'activité?, a expliqué, sobrement, Dr Don Mello à sa sortie d'audience, cette nuit de vendredi.

Depuis 2004, le BNETD, sous la houlette de son directeur général, s'est, en effet, lancé dans une politique d'internationalisation tous azimuts. Pour exporter son expertise et son expérience avérées. Il s'est donné un slogan qui résume son objectif: La Côte d'Ivoire, nous y sommes; l'Afrique nous attend; le monde nous intéresse?. Car, selon Mme Kaba Matédjé, représentant du BNETD au Togo, on ne compte pas se limiter à l'Afrique. Nous voulons conquérir les pays du monde pour prouver que les compétences n'appartiennent pas seulement à une seule race d'hommes?. Le Bureau s'est ainsi et déjà implanté en France et dans neuf pays avec des agences, des représentations ou des missions: Bénin, Congo Brazzaville, Gabon, Guinée Conakry, Guinée Equatoriale, République centrafricaine, Sénégal et Togo. Il intervient par ailleurs aux îles Comores et en Tunisie. Le BNETD est présent sur de grands chantiers et conduit des projets stratégiques pour conseiller, concevoir et superviser, selon sa devise. Au Bénin, vous êtes installé pour longtemps?, a déclaré, à l'adresse de Dr Don Mello, Gilbert Médjé, ancien directeur national de la BCEAO au Bénin et président du conseil d'administration de la Société générale des banques au Bénin (SGBB). Egalement président de Front uni de lutte contre l'avancée de la mer (FULAM, Ong), M. Médjé a échangé, vendredi dernier en fin de journée à Cotonou, avec la délégation du BNETD sur l'érosion maritime et l'urgence de trouver une société capable de conduire, à partir de mars 2008 et pour trois ans, des travaux d'un montant de 32,5 milliards de FCFA pour protéger les berges maritimes. Pour cette opération d'envergure dont les études ont été financées par le Fonds européen de développement (FED), le BNETD est en lice pour ravir le poste encore vacant de consultant chargé du managing de l'appel d'offres international. Dans ce domaine également, l'expérience du cabinet-conseil ivoirien est son meilleur avocat. En Côte d'Ivoire, il assure la maîtrise d'?uvre des travaux portuaires et aide à évaluer les phénomènes d'ensablement, de l'érosion côtière et de la fermeture des embouchures ainsi que la formation des salades d'eau. A ce titre, le Bureau conduit des travaux similaires sur le fleuve Congo qui est confronté à un problème d'ensablement. Tout comme le BNETD apporte son savoir-faire notamment au niveau des routes (contrôle et surveillance des travaux de resurfaçage de la route Djougou-Natitingou de 82 km au Bénin, projet de pont sur le Mono entre le Bénin et le Togo, études des travaux d'achèvement et de modernisation de la route Afflao-Hillacondji au Togo, etc.), de l'agriculture (projet d'aménagement de petits périmètres irrigués au Bénin) et du logement avec des projets immobiliers à Cotonou, à Malabo et à Lomé. Au Bénin, deux projets phares mobilisent, en ce moment, l'attention du Président de la République. Il s'agit de l'échangeur de Houeyihio et de l'adaptation des installations de la Communauté électrique du Bénin (CEB, société supranationale créée en 1967 réunissant le Bénin et le Togo) à la consommation du gaz naturel. Le premier projet va certainement désengorger la circulation vers l'entrée nord et ouest de la capitale économique encombrée par les Zémidjan? qui représentent, selon une étude diligentée par le BNETD, environ 80% des engins circulant à Cotonou. Mais son aspect historique n'échappe à personne. Cet ouvrage de 280 mètres réparti en dix travées de 28 mètres chacune, d'un coût de 310.328.200 FCFA, est le premier échangeur du pays avant celui de Godomey qui est en examen. Il sera réalisé en dix mois par Colas, sous la surveillance et le contrôle du BNETD.
Nous sommes au niveau de la vérification des notes de calcul de l'entreprise qui va réaliser les travaux (de l'échangeur de Houeyihio). Vous savez que c'est un ouvrage qui va être fondé en profondeur et donc il est important que toutes les notes de calcul de la fondation et du tablier du pont soient vérifiées avant de passer à la phase d'exécution. Et nous pensons que d'ici peu, ces travaux-là peuvent démarrer après avoir fait toutes les vérifications techniques?, a déclaré Don Mello. Dr Yayi Boni a officiellement invité le directeur général du Bureau national au lancement des travaux de cet échangeur qui est prévu le 15 novembre prochain. Il devrait prendre fin dans dix mois.
Quant à la conversion au gaz naturel des centrales thermiques, le second projet, elle conditionne l'autonomie énergétique du Togo et du Bénin. Après les centrales thermiques ivoiriennes d'Azito et de Ciprel qui fonctionnent au gaz, le BNETD est adjudicataire de ces marchés financés entièrement par Ecobank Togo à hauteur de 10 milliards de nos francs. La CEB s'appuie, pour l'instant, sur la centrale hydroélectrique de Nangbéto et sur deux centrales thermiques de 20 mégawatts chacune à Lomé et Cotonou pour approvisionner les deux pays. Cependant, la dépendance énergétique des deux pays est criante: 80% des besoins proviennent de l'extérieur (Ghana, Niger, Nigeria et Côte d'Ivoire). En outre, les coûts de production sont élevés parce que les deux centrales thermiques utilisent le Jet A1, un combustible liquide (sorte de kérosène). C'est pour tirer un meilleur parti du gazoduc ouest-africain baptisé West african gas pipeline compagny (WAGPCO) -qui part du Nigeria jusqu'au Ghana en traversant le Bénin et le Togo- que la CEB a lancé un appel d'offres international éclaté en trois lots. Le premier lot porte sur la construction du poste de haute et moyenne tensions à Maria Gléta (quartier de la commune d'Abomey-Calavi, dans la banlieue de Cotonou). Sur le site qui accueille le terminal gazier, l'entreprise Forclum énergie services (FES) avait, samedi dernier, terminé les travaux de terrassement et de nivellement du terrain de 7 ha sur une superficie totale de 20 ha. Les deux autres lots, réalisés par l'entreprise SCT, concernent la conversion Dual fuel de la turbine à gaz de Lomé et de Cotonou. Autant cette opération est simple dans la capitale politique togolaise, autant elle s'avère complexe dans la capitale économique béninoise. Ici, il faudra arrêter la centrale thermique de Cotonou, la démanteler, la déplacer avant de la monter sur le site de Maria Gléta. Sans compter que l'âge avancé des machines reste un sujet d'inquiétude, étant donné que leur remplacement n'est pas à l'ordre du jour dans le cahier des charges. Focus : De Cesario à Don Mello
La politique a révélé Ahoua Don Mello aux Ivoiriens; tellement cet iconoclaste fut l'enfant terrible du FPI. Membre fondateur de ce parti et à cheval sur les principes qui ont présidé à sa formation, il a été le premier président du Comité de contrôle. A la tête de cette structure qui était un vrai contre-pouvoir contre l'autocratie et la dictature interne, il va donner du fil à retordre à Laurent Gbagbo, alors secrétaire général du FPI, en cassant certaines de ses décisions jugées arbitraires. Il deviendra alors l'homme à abattre.
Et quand, en 1996, il décide de rendre le tablier parce que le Comité de contrôle, émasculé, a été réduit à sa plus simple expression, c'est pour porter sur les fonts baptismaux un courant à l'intérieur du parti: La Renaissance. Pour dénoncer les dérives droitières? infligées au FPI par la direction. Après que son véhicule (une Nissan blue bird) a essuyé, une nuit, des coups de feu à Treichville dans des circonstances jamais élucidées, il choisit, avec ses camarades, de transformer ce courant politique en parti. Nous sommes en 1997. Mais, il a été clair. Ce n'est pas un divorce. Ce n'est qu'un au revoir?.
En 2000, avant la présidentielle d'octobre, il revient au FPI avec ceux qui lui sont restés fidèles, parce que le parti est revenu à l'économie sociale de marché. C'est Don Mello qui va concevoir et animer le site internet du FPI durant ce scrutin. Grâce à cette technologie de pointe, tous les résultats de la présidentielle, en temps réel, étaient connus du monde entier au point que le passage en force du général Guéi Robert a foiré.
Le 20 novembre 2000, un mois environ après son élection, Laurent Gbagbo nomme l'ancien président du Comité de contrôle du FPI à la tête du BNETD non seulement pour tirer le cabinet-conseil de l'Etat des griffes des bailleurs de fonds qui l'avaient inscrit sur la liste des sociétés d'Etat à dissoudre, mais pour lui insuffler une nouvelle dynamique et une cure de jouvence. Don Mello est en train de réussir le pari. Sans tambour, ni trompette.
Très peu d'Ivoiriens savent que, aujourd'hui à 48 ans révolus, Ahoua Don Mello est un universitaire accompli. The right man in the right place. L'homme qu'il faut à la place qu'il faut. Docteur-ingénieur des ponts et chaussées de Paris et DEA de génie mécanique, il a été enseignant à l'Ecole nationale supérieure des travaux publics (ENSTP) de Yamoussoukro de 1986 à 1990. Cette année-là, dans la fièvre des manifestations de rue pour arracher le multipartisme, il est identifié comme un activiste. Persona non grata dans la capitale politique, il est muté comme chercheur au Laboratoire des bâtiments et travaux publics (LBTP, de 1990 à 1992). Ce qui devait être une affectation punitive est, pour lui, une aubaine. Condamné à l'oisiveté dans cette société, il invente alors le géopavé. Les qualités de Don Mello n'échappent pas au Président Bédié. Le successeur du Président Houphouet-Boigny le nomme au Conseil économique et social et surtout à la tête du projet Technopole de Yamoussoukro. Parallèlement à l'université de Cocody où il dispense des cours, il est chargé de réfléchir au futur ivoirien et aux perspectives de développement du pays à partir des nouvelles technologies. Sans moyens, il a fait du surplace. Don Mello a vaincu le signe indien au BNETD qu'il a choisi de sortir des sentiers battus. Aujourd'hui, il est le digne successeur de Cesario. Celui-ci a donné ses lettres de noblesse à l'ancêtre du Bureau national, la Direction générale et contrôle des grands travaux (DGCTx), avec des travaux pharaoniques et de prestige. Don Mello, lui, est en train de faire de cette société une référence mondiale.
Repères
Délégation. Don Mello a conduit une forte délégation comprenant notamment Ouattara Tchèdjougou, directeur de l'agence du BNETD au Bénin, Mme Niavom épouse Amon Léopoldine, conseiller technique chargé du suivi des agences extérieures, Gérard Dayato Kouassi, conseiller technique chargé de l'habitat, Kouassi N'Da, directeur du département Industrie, Energie et Mines, Mme Marie-Cathérine Koissy, responsable du département communication. Erosion. La mer avance de 15 m par an sur les côtes béninoises en général et à Cotonou en particulier. Il faut donc un programme d'urgence qui nécessite un chronogramme d'exécution très serré; ce d'autant plus que le gouvernement béninois est devenu un riverain avec le programme de construction de villas de luxe devant accueillir, en bordure de mer, les hôtes de marque à l'occasion du prochain sommet de la CEN-SAD. Représentation. Le BNETD est présent dans dix pays à travers des agences, des missions et des représentations. Ces structures décentralisées qui emploient une centaine d'agents, sont dirigées par Dakoua Edmond (Liberia), Ouattara Tchèdjougou (Bénin), Ouattara Sita (Guinée Conakry), Mme Kaba Matédjé (Togo), Boua Aka Désiré (chef de mission au Sénégal), Adja Adiko Laurent (Guinée équatoriale), Essan Abo (Gabon), Kpangni Kablan (Congo Brazzaville), Georges Gougouéi (République centrafricaine) et Moro Barthélemy (France) Compétences. La Direction et contrôle des grands travaux (DGCTx) est devenue le Bureau national d'études techniques et de développement (BNETD). Car, au-delà des travaux et domaines traditionnels (routes, industrie, mines, énergie, environnement, transport et agriculture), les compétences du BNETD intègrent les études et couvrent tous les aspects du développement depuis l'économie, le droit, le marketing jusqu'aux nouvelles technologies, l'audit, la cartographie et les télécommunications.
Ferro M. Bally
Envoyé spécial à Cotonou
Option : Expertise à revendre
La Côte d'Ivoire détient environ 50% de parts de l'UEMOA. Une présence confortable au sein de la communauté financière ouest-africaine qui fait d'elle un pays phare avec lequel il faut compter. Et le Président Laurent Gbagbo ne croyait pas si bien dire lorsque, intervenant l'année dernière à la rencontre du Congrès panafricain des jeunes et des patriotes (COJEP) à l'Ivoire, il exhortait les jeunes Ivoiriens à faire comme leurs frères des autres Etats africains. Qui n'hésitent pas à sortir de leurs pays pour aller faire fortune ailleurs. Car les Ivoiriens sortent très peu surtout en direction des pays frères de la sous-région. Dont les ressortissants, eux, viennent par milliers, voire par millions en Côte d'Ivoire à la recherche d'un mieux-être. Un seul exemple suffit à édifier les uns et les autres sur cet état de fait. Si la communauté burkinabé est considérée comme la plus forte en terre ivoirienne, les Ivoiriens, eux, se comptent sur le bout des doigts au Burkina Faso. En 1999, l'on dénombrait 1400 Ivoiriens enregistrés à l'Ambassade de Côte d'Ivoire au Burkina.
C'est en cela que l'appel du Chef de l'Etat devrait sonner comme un gong pour l'ensemble des Ivoiriens qui doivent apprendre à sortir et à investir les marchés sous-régionaux et continentaux.
En cela, le BNETD d'Ahoua Don Mello joue un rôle d'avant-garde en étant déjà implanté dans de nombreux pays où il exporte son expertise. Gabon, Guinée équatoriale, Guinée Conakry, Sénégal, Tunisie, Togo, Congo Brazza et récemment le Bénin sont autant de pays qui ont su tisser un partenariat avec le BNETD dans divers domaines de développement. Au moment où la Côte d'Ivoire sort de cinq années de crise et qu'elle a besoin de reconquérir les marchés perdus aussi bien en Afrique qu'à travers le monde, il est bon que chaque Ivoirien, opérateur économique, diplomate, acteur politique, songe à aller à l'assaut de l'extérieur. Et surtout de la sous-région où l'argent qui y circule appartient à environ 40% à la Côte d'Ivoire. C'est votre argent, dixit Laurent Gbagbo.
Des structures comme l'ANADER, la SOTRA, la SICOGI, le CNRA, la BNI et toutes autres structures d'inspiration purement ivoirienne, gagneraient aujourd'hui à aller sonder les espaces sous-régionaux qui n'ont pas toujours ces expertises et qui ont besoin qu'on les leur expérimente. C'est aussi cela être une grande nation. Celle qui accueille tout le monde. Mais aussi celle qui va vers les autres pour leur communiquer son savoir-faire.

par
Abel Doualy

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