mercredi 10 octobre 2007 par Fraternité Matin

Le gouverneur du District s'est confié à nous, en exclusivité, sur le conflit relatif au recyclage des ordures. Depuis quelques semaines, on assiste comme à un bras de fer entre vous et une entreprise qui veut dépolluer et recycler les ordures de la décharge d'Akouédo. Qu'est-ce qui vous oppose ?
Parler de bras de fer, c'est trop fort. Il n'y a bras de fer que quand, juridiquement ou administrativement, vous êtes sur un pied d'égalité, que vous avez signé un engagement que vous n'honorez pas et que votre adversaire vous envoie au tribunal. Dans le cas d'espèce, ce n'est ni l'un, ni l'autre. Cela dit, qui n'aimerait pas qu'on assainisse ou dépollue son environnement ? Nous serions heureux que la dépollution des déchets toxiques issus du scandale provoqué par ceux qui y avaient intérêt soit faite pour qu'on libère nos populations. Mais pour le faire, il faut prendre langue avec le responsable de la décharge. Tout le monde sait qui est responsable de la décharge : c'est le District d'Abidjan, personne morale gérée par un conseil coiffé par un bureau et par un gouverneur qui en répond devant la Nation. Tant que vous n'avez pas eu un acte ou un document dans la gestion ou dans le recyclage avec ce responsable, vous ne pouvez rien faire. Nous sommes dans un Etat de droit. Il ne faut pas défier l'autorité administrative, il ne faut pas défier l'Etat. Nous sommes un démembrement de l'Etat. Malgré cela, il y a des gens qui soutiennent ce monsieur qui fait n'importe quoi, qui est le prototype de la défiance caractérisée. En clair, voulez-vous dire que M. Guéi Emile du Groupe Eoulée n'a pas l'autorisation nécessaire pour mener son opération ?
Il n'a signé aucun papier avec le District. Il brandit pourtant une lettre délivrée par le ministère du Logement, du Cadre de vie et de l'Environnement en date du 1er septembre 1997 et renouvelée en 2005 Nous n'avons pas vu encore cette autorisation. De toute façon, le ministère de l'Environnement n'est pas la bonne porte. Vous savez que nous sommes dans la grande décentralisation. La loi 2003-208 du 7 juillet 2003 parle des compétences qui sont bien spécifiées. Le ministère de l'Environnement peut donner des autorisations, mais après avis du District. 1997, c'est antérieur à cette loi M. Guéi peut avoir bénéficié de l'antériorité
A cette époque, il y avait un maire à Abidjan. Mon conseiller juridique (ici présent) a travaillé avec ce maire. Nulle part, dans les dossiers dont nous avons hérité, il n'y a une quelconque trace de M. Guéi Emile et son projet. C'est du bidon ! Au demeurant, je dirais que c'est normal qu'il veuille travailler. Mais le recyclage des ordures demande des investissements énormes. Il faut au-delà de 10 milliards. Il faut faire ce travail tant en amont qu'en aval. Il y a donc toute une procédure à suivre. La première chose à faire, c'est de venir discuter avec l'autorité. Elle appréciera votre capacité technique par l'intermédiaire de ses techniciens ou avec le concours du BNETD qui est outillé en la matière. Ni l'une, ni l'autre chose n'a été faite. Le BNETD n'est pas au courant de ces élucubrations. Nous, nous n'avons signé aucun papier avec M. Guéi Emile. Mais il fait dire n'importe quoi dans les journaux, nargue les autorités, avance des contrevérités. Il fait croire qu'il a de l'argent pour mener cette ?uvre colossale. En douteriez-vous ?
Son véritable problème, c'est qu'il a 3 000 à 3 500 jeunes sur les bras, qui constituent une bombe pour lui. Il a pris entre 50 000 et 100 000 F à chacun de ces jeunes, en fonction des diplômes, sous prétexte qu'il va leur donner un emploi. Depuis qu'elles ont été érigées en communes, chaque année depuis 1981 jusqu'en 2002, les mairies d'Abidjan ont payé tant bien que mal quelque chose à la Ville d'Abidjan pour gérer les ordures en fonction du principe pollueur - payeur. S'il y a une retombée aujourd'hui, ce sont elles et le District, au prorata de ce qu'ils ont versé, qui devraient en bénéficier... En réalité, Guéi Emile est en train d'ameuter les gens de peur de se faire lyncher par les jeunes qu'il a recrutés tout en cherchant à nous livrer à la vindicte populaire. Est-ce parce que la Côte d'Ivoire est dans la rébellion (qui a pris fin) que chacun peut se lever, être rebelle, faire tout ce qu'il veut ?... Je pense que non. Par principe légaliste, je défends les intérêts du District. L'année dernière, quand il y a eu l'affaire des déchets toxiques, on n'a pas parlé d'Eoulée. On a accusé le gouverneur. Je n'étais pas coupable, mais on m'a mis à l'index. J'ai été sali, humilié. Pourquoi peut-on avoir la mémoire aussi courte ? Quand les choses vont tourner au vinaigre, c'est encore moi que l'on va mettre à l'index. Alors, je prends, au nom du District, mes responsabilités pleines et entières. En moyenne, c'est environ 8 milliards par an que la ville d'Abidjan investit dans le déversement des ordures depuis 40 ans. Si aujourd'hui cette même ordure pour laquelle le District d'Abidjan a tant dépensé doit rapporter, c'est d'abord nous. A quel niveau se situe le problème, M. le gouverneur ? Etes-vous gêné par l'opportunisme de M. Guéi ou doutez-vous tout simplement de sa capacité réelle à réussir cette entreprise ?
Ce n'est pas une question de doute, mais de principe, de droit, de légalisme. Il faut d'abord reconnaître qu'il y a un responsable à qui la loi confère la gestion. C'est en négociant qu'on verra ses capacités financières, techniques et (surtout) morales. On ne va pas donner le marché au premier venu tout de même, sans s'entourer d'un minimum de garanties quant à sa réussite. Il faut aussi faire venir l'argent qu'on a eu à l'extérieur, préciser dans quel compte on l'a mis. Nous prenons alors langue avec les techniciens de l'Etat (le ministère de l'Environnement, le BNETD) pour nous assurer de la faisabilité de la chose. Or, rien de tout cela n'a été fait. Etes-vous en phase avec les populations d'Akouédo quand vous vous dites responsable de la décharge ? On se souvient que vous avez essuyé un revers de la part des jeunes du village le 30 août dernier en voulant faire arrêter la cérémonie de lancement de l'opération présidée par le président du Conseil économique et social
Vous aurez sans doute constaté qu'il y a une semaine, les mêmes populations ont tourné casaque lorsque M. Guéi Emile a voulu passer à l'action Je ne veux pas de polémique avec mes parents d'Akouédo. Quand nous luttons, c'est dans leur intérêt. Nous voyageons beaucoup et nous avons des contacts pour transformer ces ordures. Avant la fin du premier trimestre 2008, ça devrait être chose faite. Il y a des Coréens, des Chinois, des Portugais qui sont intéressés. Si nous le faisons, les premiers bénéficiaires, ce sont nos parents d'Akouédo. Ce sont eux qui seront les premiers à être engagés par les entreprises qui vont venir transformer ces ordures. Nous ferons en sorte, aussi, qu'ils aient leur part dans les dividendes et ils le méritent bien Eux qui ont tant souffert des ordures. Je ne veux vraiment pas de polémique avec eux. Au cours d'une conférence de presse, M. Guéi Emile s'est dit prêt à vous verser 10 millions par mois pendant 25 mois pour obtenir votre collaboration.
Votre courroux, selon lui, découle du fait que vous craignez de ne rien gagner dans l'affaire
En Côte d'Ivoire, il y a certes beaucoup de corrupteurs et de corrompus, mais nous, nous cherchons à nous mettre au-dessus de la mêlée. S'il est corrupteur, il ira en prison. A propos d'intérêt, qu'il sache que j'ai les intérêts du District d'Abidjan à défendre. Si l'on transforme ces ordures, les communes et le District, incontestablement, vont avoir des dividendes. Ils vont avoir leur part pour alimenter leurs budgets, leurs régies financières. Le village d'Akouédo et l'Etat gagneront eux aussi. Vous voyez donc que nous ne prêchons pas pour nous-mêmes. Si l'on est sain d'esprit, on ne dit pas de telles choses. Moi, je suis sain d'esprit, j'ai ma tête qui repose sur mes deux épaules. Ce qu'a dit Guéi Emile est grave. C'est urbi et orbi qu'il l'a dit devant le peuple ; c'est très grave pour lui. De toute façon, nous le poursuivons déjà au tribunal, depuis le 30 août, pour destruction de notre pont bascule. J'aurais bien voulu ne pas revenir sur mon intervention plutôt musclée du 30 août, mais je dois avouer que c'est parce que nous étions excédés par les agissements de ce monsieur. Malgré les communiqués et les notes administratives que nous lui envoyons, il se permet tout. J'en profite pour lancer un appel aux jeunes gens à qui il fait croire qu'il est capable de leur donner du boulot. Ces jeunes gens doivent savoir que de Guéi Emile et moi qui fais mon travail honnêtement, il faut qu'ils croient en moi et au District.
Pourquoi donc ?
Quand le moment viendra, beaucoup d'entre eux seront recrutés pour travailler. D'ailleurs, nous n'allons pas nous arrêter à la décharge. Nous ferons un travail de quartier à quartier, du tri au recyclage. Il ne faut pas que ces jeunes gens continuent de faire confiance à leur arnaqueur. S'il était capable de quelque chose, depuis plus de trois ans, il l'aurait fait. Il aurait touché le BNETD, le ministère de l'Economie et des Finances parce que tout d'abord ce serait un crédit, un endettement de l'Etat malgré son caractère particulier. Le ministère de l'Economie aurait eu un droit de regard sur ces fonds. D'où ils viennent ? Est-ce un blanchiment ou de l'argent propre ? Quel impact peut-il y avoir sur l'endettement déjà lourd de la Côte d'Ivoire ?
A la population, je voudrais donc dire de rester tranquille. Eoulée n'a jamais signé un quelconque contrat ou convention avec nous. Nous ne lui avons jamais fermé la porte ici. Il était venu une fois nous voir en compagnie d'un éminent député. Nous leur avons tendu la main. Cette main est restée tendue jusqu'à ce jour, car ils sont partis et ne sont plus revenus.

Interview réalisée par
Elvis Kodjo

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