vendredi 5 octobre 2007 par Notre Voie

L'organiseation du Hadj 2007 continue de susciter de vives réactions au sein de la communauté musulmane. Pour El Hadj Bema Fofana, président de FIRDAOUSS (Association des musulmans de Cote d'Ivoire), toutes les conditions sont réunies pour que le voyage en terre sainte connaisse encore un échec cette année. Explications.

Notre Voie : Où en êtes-vous avec les préparatifs du Hadj 2007 ?
El Hadj Bema Fofana : Nous ne faisons pas partie du comité d'organisation du Hadj 2007 parce qu'après l'échec du hadj 2006 bis, la communauté musulmane a rencontré le Chef de l'Etat, le 22 mars 2007, pour solliciter son concours. C'est ainsi que l'Etat a choisi le Conseil supérieur des imams (COSIM). Mais nous pensons que le COSIM n'est pas compétent pour l'organisation du Hadj qui doit, de mon point de vue, être l'affaire des démarcheurs et des associations. Et on ne saurait organiser le Hadj en les ignorant royalement. Il y a donc un problème - et l'Etat le sait - au niveau du comité d'organisation qui a été mis en place parce que les acteurs véritables du Hadj ont été écartés.

N.V. : Qui sont-ils, ces démarcheurs et associations dont vous parlez ?
E.H.B.F. : Par le passé, quand les associations n'existaient pas, il fallait bien quelqu'un pour faire partir les pèlerins à la Mecque. C'était les démarcheurs de compagnies aériennes qui amenaient nos parents vers les compagnies traditionnelles pour les transporter et les encadrer en Arabie Saoudite. Et c'est cette habitude que l'ex-ministre de l'aménagement du territoire, Bamba Cheick Daniel, a décidé de changer en faisant appel aux associations. Mais vous avez également des associations qui sont composées exclusivement de démarcheurs. Ils ont non seulement la pratique du terrain mais maîtrisent aussi la langue arabe.

N.V. : Quelques noms d'associations.
E.H.B.F. : La plupart des associations qui sont dans le Hadj ne tiennent que par les démarcheurs qui en sont la cheville ouvrière. On ne peut pas se passer d'eux. Dans l'organisation qui a été mise en place, on a demandé aux associations de tout régler. Elles ont payé les frais de logement et de transport ; elles ont rempli leur part du contrat. Si le Hadj 2006 n'avait pas eu lieu pour certains pèlerins, c'est parce que l'avion n'était pas arrivé et c'est la faute au ministère de tutelle. Nous avions dénoncé cela. Nous avons dit qu'il fallait libéraliser la filière parce qu'en donnant l'exclusivité à une seule compagnie aérienne, comme ce fut le cas, en cas de problème, tout le monde se trouve bloqué. Et c'est malheureusement ce qui s'est passé. Les compagnies aériennes qui sont là, Royal air Maroc, Fly emirate, Egypt air, Ethiopian air lines, viennent en appui. Malheureuse-ment, le ministère n'a pas voulu les associer.

N.V. : Cette année, où est le mal ?
E.H.B.F. : C'est le même scénario mis en place.

N.V. : N' y a-t-il pas d'autres problèmes ?
E.H.B.F. : Depuis 2004, l'équipe gouvernementale, à commencer par le ministère des Cultes, a échoué. Tous les problèmes qu'on a connus en Côte d'Ivoire dans l'organisation du Hadj sont partis de cette équipe qui était en place. Malheureusement, bien que le chef de l'Etat nous ait avertis qu'il ne veut plus avoir honte, la même équipe a été reconduite. Je me pose donc des questions. Je me demande si on veut arriver à quelque chose d'autre.

N.V. :Que proposez-vous concrètement ?
E.H.B.F. : La libéralisation du transport, de l'hébergement, de la banque. Le hadj est très simple, on peut se passer de tout ce cafouillage. Il ne faut rien imposer aux pèlerins.

N.V. : L'actuel ministère de tutelle affirme pourtant être très avancé sur le terrain, en Arabie Saoudite. La libéralisation que vous suggérez ne peut-elle pas créer d'autres problèmes ?
E.H.B.F. : Cela ne peut créer aucun problème. A la dernière émission d'Allah Akbar, ces mêmes personnes ont déclaré qu'elles sont en train de mener des démarches pour obtenir des slops pour Air Ivoire. Cela veut dire qu'il ya un risque si Air ivoire n'arrive pas à avoir des slops où son avion va poser en Arabie Saoudite, on se retrouvera dans la même situation que l'année dernière. Ils ont pris des engagements pour 4000 pèlerins (2133 pèlerins du Hadj 2006 bis ne sont pas partis). J'estime que si on veut Air Ivoire, il n'y a pas de problème. Mais qu'on lui dise de transporter les 2133 pèlerins. Les 1867 qui restent, qu'on permette aux différents organisateurs et aux compagnies de la place de les prendre. Parce que l'avantage c'est qu'il n'y a pas de risques et que bien d'autres compagnies sont relativement moins chères qu'Air Ivoire.

N.V.: Vos suggestions sont-elles connues du ministère ?
E.H.B.F. : Je m'évertue à répéter la même chose depuis longtemps.

N.V. : Pourquoi n'êtes-vous pas écouté ?
E.H.B.F. : je me dis que le Hadj génère beaucoup d'argent. Je n'ai rien contre le fait qu'on puisse gagner de l'argent. Mais qu'on gagne cet argent de façon propre. Je ne rentre pas dans leur magouille. Je suis dans le milieu il y a 10 ans. J'ai de l'expérience et de l'expertise.

N.V. : Vous dites bien magouille.
E.H.B.F. : Mais ça existe. Tous ceux qui sont du milieu le savent. C'est cela le vrai problème du Hadj. Parce qu'il ya un groupuscule qui veut avoir la bouche sur l'orange. Même en Arabie Saoudite où on va, les arabes ont tout libéralisé. Ils vous disent que pour organiser le Hadj il faut être un groupe ou une association, une agence de voyage. Il faut avoir un minimum de 50 pèlerins, un maximum de 600 pèlerins et signé les contrats au plus tard le 15 du mois de ramadan.

N.V. : Si, d'ici décembre, vos propositions ne sont pas prises en compte, doit-on s'attendre à un autre échec ?
E.H.B.F. : Eh bien, on court encore vers un autre clash. Ce qui est dommage car quand le chef de l'Etat nous a reçus, il a dit : Faites en sorte que je n'aie plus honte?. Et cela me rappelle Churchill qui avait dit à ses compatriotes : Vous avez le déshonneur, vous avez la guerre?. Là, le chef de l'Etat dit qu'il ne veut pas avoir honte. Il donne les moyens pour un bon Hadj mais il risque d'avoir honte.

N.V. : Par le passé, l'organisation du Hadj était confiée à certaines associations mais elles ont montré leur limite. Ne pensez-vous pas que c'est cela qui justifie aujourd'hui l'implication de l'Etat ?
E.H.B.F. : Je comprends tout cela mais je dis que l'Etat a un rôle régalien. Malheureusement, il y a des gens qui utilisent le droit régalien de l'Etat pour se régaler sur le dos des musulmans. C'est ce que je dénonce. Sinon, l'Etat doit jouer le rôle d'arbitre. Aujourd'hui, si on voulait mettre de l'ordre dans la communauté musulmane, on aurait pu mettre en place une organisation qui a l'agrément de tout le monde.

N.V. : Peut-on avoir une idée des coûts que vous proposez ?
E.H.B.F. : Au cours de l'émission Ma part de vérité? à laquelle j'étais invité, je l'ai démontré, preuves à l'appui. J'ai dit qu'avec, 1,5 million F CFA par pèlerins, j'organise le Hadj sans problème. Or on demande à chaque pèlerin 1,9 million F CFA parce que c'est l'Etat qui prend les choses en charge. On nous apprend qu'on va loger les pèlerins dans un hôtel 5 étoiles. Mais ceux qui viennent généralement de nos villages, villages ou bas quartier n'ont pas besoin de luxe insolent ! Même si c'est l'état qui paye. En vérité, tout a été surfacturé.

N.V. : Avez-vous les coûts réels ?
E.H.B.F. : A la Mecque ou à Médine, nous logeons les gens entre 100 et 150 mille F CFA la chambre pour tout le séjour (un mois). Si vous voulez, on peut aller à jusqu'à 300 000 F CFA la chambre.

N.V. : Le contentieux qui vous opposait depuis 2004 à un avionneur saoudien a-t-il été vidé ?
E.H.B.F. : Le contentieux a été vidé mais je reviens sur l'affaire des 90 millions FCFA. En effet, le chef de l'Etat, sur ma demande, a remis la somme de 90 millions au Ministre des Cultes de l'époque, Désiré Gnonkonté. Mais ce dernier m'a fait croire qu'il n'a rien reçu. Quelque temps plus tard, j'ai eu l'occasion de rencontrer le président de la République. Il m'a reçu à Mama. Nous avons parlé de cette affaire de 90 millions FCFA. Il m'a confié qu'il a effectivement fait décaisser la somme.

N.V. : Etes-vous certain que le ministre a reçu cette somme d'argent ?
E.H.B. F. : Le président l'a répété le 22 mars devant toute la communauté. Il a dit que pour sauver le hadj 2004, des gens étaient venus le voir pour lui parler d'une histoire de 90 millions FCFA qu'il a fait décaisser. Il l'a signifié à la communauté. En ce qui concerne les 140 millions que nous avions expédié à l'époque, le Saoudien s'est acquitté de ce montant. Mais comme je l'ai toujours dit, il faut libéraliser la filière de la banque. Voici une des raisons. On nous avait imposé une banque qui nous a vendu un Real à 200 FCFA au lieu de 150 FCFA. Aujourd'hui, on me rembourse un Real à 120 FCFA. J'ai donc un manque à gagner de 60 millions FCFA au niveau de la différence de change. Autrement dit, l'Arabe m'a remboursé les 848 mille Real. Mais en CFA, il y a un manque à gagner. J'ai encore écrit au chef de l'Etat afin que justice soit faite à ce niveau. Car déjà, au cours d'un conseil des ministres qu'il a présidé le 25 octobre, il a donné son accord pour la prise en charge du Hadj 2004/2005. Malheureusement, les membres du ministère des Cultes de l'époque m'ont créé des problèmes. Ce sont d'ailleurs les mêmes qui sont toujours là. Dans tous les cas, j'ai le mérite d'avoir fait partir 362 pèlerins les années suivantes. Eux qui prétendent être honnêtes, pourquoi augmentent-ils les prix alors que l'Etat soutient financièrement le Hadj. Ce n'est pas normal.

N.V. : L'argent des pèlerins qui n'ont pu effectuer le voyage l'an dernier, leur a-t-il enfin été remboursé ?
E.H.B.F. : Non, on ne leur a rien remboursé. De mon point de vue, les organisateurs du Hadj de cette année devraient en tenir compte. En effet, on avait imposé aux pèlerins d'ouvrir leurs comptes à Omnifinances. Cet argent est supposé être gardé dans cette banque qui est encore là. C'est pour toutes ces raisons que je demande la libéralisation de la filière banque. Sinon, à mon avis, il n'y a que les frais d'hébergement que l'Etat devrait prendre en charge car l'an dernier, on a loué des maisons en Arabie Saoudite, malheureusement, on y était pas.

N.V. : Suspecteriez-vous des gens de se sucrer sur le dos de l'Etat ?
E.H.B.F. : Je cite le directeur des cultes qui, récemment dans une interview accordée à un journal de la place, a dit que le Hadj revient à 4 milliards à l'Etat. Je me demande pourquoi cette somme parce que lorsque je prends ma calculatrice, cela signifie que l'Etat paye pour chaque pèlerin la somme de 1, 7 million FCFA. Alors que cela devrait lui coûter 3,6 milliards v . Je suis d'autant plus surpris qu'au cours d'une émission d'Allah Akbar sur La première, le représentant du Trésor public ait révélé que l'Etat préfinance le Hadj à hauteur de 1,5 milliard FCFA. A l'analyse de toutes ces incongruités, je demande donc à l'Etat d'être regardant sur la façon dont le Hadj est en train d'être géré.



Interview réalisée par Junior Dekassan et Schadé Adédé

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