Une dizaine de caricaturistes croquent, à travers l'ouvrage Côte d'Ivoire, on va où là ? , avec humour, les soubresauts de la vie sociopolitique ivoirienne. Maître d'?uvre de ce projet, Olvis Dabley explique ici ses motivations.
Le Patriote: Pourquoi avoir attendu maintenant pour éditer cet ouvrage ?
Olvis Dabley: Les choses sont venues d'elles-mêmes. Cinq ans auparavant, quand la crise éclatait, on ne savait pas qu'elle allait durer autant d'années. Je pense que c'est à force de perdurer que cette crise a fini par nous amener à la réflexion sur les actes et les concepts qui ont jalonné cette période. Bien plus, le bouquin ne se limite pas aux cinq années de la crise. On le situe depuis la mort d'Houphouët-Boigny jusqu'à ce jour. Il relate donc treize années de la vie politique en Côte d'Ivoire.
L.P: Mais, l'ouvrage évoque aussi l'époque du parti unique
O.D : Effectivement, nous avons commencé le livre en situant l'ère du pouvoir unique. La crise a commencé là. A partir du moment où il y a un déficit de démocratie, de pluralité, il y a évidemment crise. Et elle existait déjà à travers des clivages, même si elle couvait. Mais, nous avons remarqué qu'après le décès du président Houphouët-Boigny, cette crise a commencé à éclore. Le conflit a été un peu plus ouvert au lendemain de la mort du premier président de la République avec les velléités de pouvoir de ses successeurs qui ont commencé à se regarder en chiens de faïence, à se lancer des piques. Même si ce n'était pas encore le grand magma, nous pensons que c'est justement à partir de cette époque, en 1993, que les soubresauts ont débuté. Dieu merci, l'Accord de Ouaga nous permet aujourd'hui d'aller à la paix.
L.P: Comment s'est fait le choix des caricaturistes ?
O.D: Le choix s'est imposé à nous, même si nous avions le souci de faire de la qualité. Ce livre tient d'abord sa genèse d'une réflexion au cours d'un atelier où nous avons été amenés, dans notre vocation de promouvoir les Arts visuels, à prendre en compte le déficit d'exploitation de ce corps de métier. Il fallait permettre que, ces acteurs de la presse, au fur et à mesure que la crise perdurait, de la croquer à leur façon. Nous avons voulu, au cours de l'atelier, mettre en regards croisés, ces dessinateurs sur le thème, la Satire politique, quelle orientation pour un témoignage efficace dans l'actualité politique ivoirienne . Il s'agissait pour nous d'asseoir d'abord véritablement, le rôle que peut jouer le crayon dans une expression journalistique plurielle. Pour matérialiser cette réflexion, nous avons ensuite décidé de jeter ces coups de rayons sur l'actualité ivoirienne. L'atelier s'est déroulé en mars 2006 avec la participation de Patrick Chapatte, dessinateur suisse. Après cet atelier, nous avons réuni les dessinateurs sous l'auspice de Zohoré Lassane, pour en sortir une centaine de travaux auxquels nous avions voulu donner un peu de rédactionnel en sollicitant le journaliste Venance Konan. En gros, une dizaine de dessinateurs a été retenue pour ce projet.
L.P : Combien a t-il coûté ?
O.D : Un projet comme celui- là ne peut pas être encore véritablement quantifié. Parce que nous n'avons pas encore fini la phase de diffusion de l'ouvrage. Il fallait mettre les dessinateurs en atelier, inviter leur homologue de Suisse, payer tous les prestataires qui ont participé à l'édition de l'?uvre. Cela dit, nous avons quantifié, à ce jour, à peu après 11, 5 millions de Fcfa pour matérialiser l'ouvrage. Tout ce qui relève de l'atelier se chiffre à environ 8 millions de francs. Nous n'avons pas encore fini la phase de diffusion. Nous entamons, bientôt, la promotion sur le plan international. En définitive, on peut chiffrer cet ouvrage à près de 20 millions de Fcfa.
L.P : Quelles sont vos ambitions avec cet ouvrage ?
O.D : Ce livre témoigne d'un pan de l'Histoire de la Côte d'Ivoire. Nous voulons, dans un style décalé, montrer au monde entier, ce qui s'est passé sans parti- pris. Dès sa sortie, nous avons bénéficié d'une invitation au Salon international d'humour et du dessin de presse de Morges en Suisse où trois dessinateurs m'ont accompagné pour présenter officiellement ce livre au cours d'une des expositions de ce salon qui est aussi un Festival du rire. La Côte d'Ivoire y était en tant qu'invitée d'honneur. J'avais, à mes côtés, Lassane Zohoré, Karlos Guédégou de "Gbich" et du "Courrier d'Abidjan", et Eric Dago de "Nord-Sud Quotidien". L'ouvrage a été présenté avec une déclinaison d'une exposition des planches originales. Je précise que le livre a été bien apprécié à ce salon. Nous serons, dans le mois d'octobre, en France, au Salon international du dessin de presse de Saint-Juste le Martel, non loin de la ville de Limoges. Le public ivoirien peut se le procurer, dans les librairies et sur toutes les grandes surfaces du pays.
Réalisée par Y. Sangaré