mardi 2 octobre 2007 par Notre Voie

Des confrères de la place se font, ces derniers jours, l'écho d'un tract intitulé la charte des Akan?. Le document dénonce l'exclusion? dont seraient victimes les Akan et appelle ces derniers à se réveiller pour la réhabilitation et pour la prise du pouvoir?. L'exclusion est désormais érigée en système de gouvernement. Des groupes ethniques subissent des injustices indescriptibles. C'est le cas des Akans qui, chaque jour, sont victimes de brimades et de frustrations dans tous les secteurs d'activités, dans l'administration civile comme dans l'administration militaire sans oublier le monde des affaires?, dit le tract. Les initiateurs de cette politique d'exclusion sont bien nommés. Nos amis les refondateurs dont la coloration ethnique ne fait l'objet d'aucun doute s'accaparent de tout?, précise le document qui énumère ensuite une kyrielle de pratiques auxquelles les refondateurs s'adonneraient quotidiennement : expropriation, nominations fantaisistes, ostracisme, gangstérisme étatique, célébration du culte de la médiocrité. Face à ce spectacle macabre?, le tract appelle les Akan à l'insurrection. Tu es Akan, tu es dans l'armée, dans l'administration et dans le monde des affaires, réveille-toi, l'heure a sonné pour la marche des Akan . L'heure a sonné pour la réhabilitation de la justice et la prise du pouvoir?.
A-t-on vraiment besoin d'accorder un intérêt à ce document ? La réponse est : non et oui à la fois.

Manque de consistance

Non ! Parce que le contenu du document manque de consistance s'agissant des griefs contre les refondateurs. Raisonnablement, on ne peut pas prendre au sérieux un papier qui parle d'exclusion d'une quelconque ethnie dans un pays dirigé depuis 2003 par des gouvernements d'union nationale. On se convainc davantage de son caractère niais quand il parle d'exclusion d'Akan dans l'armée quand on sait que le chef d'Etat Major Philippe Mangou, le commandant des forces terrestres Adou Akaffou, le commandant du théâtre des opérations Konan Boniface, le Commandant du Centre de commandement intégré Kouakou Nicolas, le commandant des forces aériennes Aka Kodjo, le Directeur général des douanes Gnamien Konan, le directeur de la police nationale Yapo Kouassi sont tous des Akans. Lorsqu'on prend l'entourage du chef de l'Etat, on s'aperçoit tout de suite que son épouse Simone Gbagbo est Akan, que son directeur de cabinet N'zi Paul David est non seulement Akan mais est aussi du Parti démocratique de Côte d'Ivoire(PDCI). C'est aussi le cas du directeur financier de la présidence de la République Jacques Anouma.
Au fond, la charte des Akan? surfe sur un registre de bas étage. Parce que les Ivoiriens ont, aujourd'hui, dépassé ce niveau. Convaincus qu'ils appartiennent tous à une même nation, ils sont aujourd'hui au stade de la lutte pour l'affirmation de cette nation. C'est ce qui explique leur mobilisation patriotique pendant la guerre. Les jeunes qui ont fait front dans les rues, de jour comme de nuit, étaient de toutes les ethnies. Beaucoup l'ont fait parce qu'ils ont trouvé inacceptable la prise du pouvoir par les armes et le comportement de la France dans le conflit. D'autres l'ont fait parce qu'ils voient dans le Président Laurent Gbagbo, le seul homme politique crédible à cause de son parcours politique, son programme de gouvernement et son courage. Tous ces jeunes des indépendances comprennent que la politique, ce n'est ni l'ethnie, ni la religion mais l'idéologie, un projet de société et un programme de gouvernement. Les auteurs du tract font donc preuve d'un manque d'élevation morale en brandissant un argument ethnique qui montre toutes ses limites.

Intoxication

Oui ! Il faut accorder un intérêt au document. D'abord parce qu'il y a un précédent, ensuite parce qu'au plan national, il existe quelques esprits faibles. Et enfin parce qu'au plan international, des personnes ignorant les réalités du terrain absorbent facilement les fruits de l'intoxication.
Le précédent, c'est la charte du nord. C'était au début des années 90. Des personnes prétextant l'exclusion dont les ressortissants du nord seraient victimes, avaient diffusé un tract appelant ces derniers à se mobiliser derrière Alassane Ouattara qui serait un des leurs. La star de reggæ Alpha Blondy, aujourd'hui ambassadeur de l'ONUCI pour la paix a plus d'une fois revendiqué la paternité de ce tract dit charte du nord . Les arguments contenus dans cette charte ont plus tard servi au déclenchement de la rébellion du 19 septembre 2002. Les auteurs de la charte des Akan? évoquent d'ailleurs ce précédent pour bien montrer qu'il ne s'agit nullement d'une plaisanterie. Parce qu'il existe malheureusement encore dans ce pays, des personnes qui voient tout à travers le prisme du tribalisme.
Le fait de n'avoir pas, dès le départ, opposé une stratégie de communication proportionnelle à celle utilisée pour intoxiquer, a largement contribué à l'encrage du mensonge. Il est donc important d'agir vite pour ne pas laisser prospérer une telle manipulation.

Peur de l'adversité

Le moment où ce tract fait son apparition n'est nullement innocent. Pascal Affi N'Guessan, président du Front populaire ivoirien (FPI), parti de la refondation, vient d'achever une tournée triomphale dans la région du N'Zi-Comoé (pays Akan) que le président du PDCI, Henri Konan Bédié, considère comme son domaine réservé. Le succès de cette mission a créé la trouille dans l'entourage de Bédié qui a compris qu'il ne pouvait pas compter à cent pour cent sur les Akan à la prochaine présidentielle. Bédié n'est désormais plus seul sur le terrain akan. Ça peut troubler le sommeil et réveiller les vieux démons du tribalisme primaire. Comme ils inventèrent hier l'ivoirité, ils initient aujourd'hui la charte des Akans. Mais tout comme l'ivoirité n'a pas maintenu ses promoteurs au pouvoir, la charte des Akan ne peut pas les ramener au pouvoir. Parce que tout le monde comprendra très vite qu'il s'agit d'un combat d'arrière-garde. Un combat sans avenir.








Dan Opéli Dan.opeli@yahoo.fr

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