mardi 2 octobre 2007 par Fraternité Matin

Bilan à froid du récent séminaire organisé par le Forum ivoirien pour la sécurité urbaine (FISU)
Le Forum ivoirien pour la sécurité urbaine (FISU) dont vous êtes le président, entend impliquer le secteur privé dans sa quête de villes plus sûres. C'est ce qui ressort du séminaire que vous avez organisé début septembre. Pourquoi cette démarche ?
Nous sommes partis d'un constat au niveau du Forum ivoirien pour la sécurité urbaine. C'est que sur nos territoires communaux, nous avons la présence d'entités industrielles, d'entités commerciales qui ne sont pas véritablement impliquées dans la gestion municipale. Or, quand on prend le domaine de la sécurité, on se rend compte que nous avons des préoccupations communes. Le maire a en charge la tranquillité, la sécurité de ses administrés, la sécurité des biens et des personnes qui évoluent sur son territoire. Les entreprises, de leur côté, pour pouvoir prospérer, ont besoin d'un cadre propice aux affaires, d'un cadre sécurisé. Un autre facteur, c'est que pour que les sociétés puissent payer leurs taxes, leurs patentes vis-à-vis des collectivités, il faut qu'elles produisent, qu'elles soient dans un milieu qui leur permet de faire du profit. Nous nous sommes donc dit qu'il est peut-être bon de convier le secteur privé à une concertation devant aboutir à un partenariat entre les collectivités locales que sont les communes et le secteur privé. Nous avons eu le plaisir et la joie de recevoir une réponse positive de la part des organisations, des associations regroupant toutes les grandes sociétés, les petites et moyennes entreprises ou les artisans.

Qu'entendez-vous par réponse positive ?

C'était d'abord le principe qu'elles acceptent de venir passer deux journées avec les maires. Ce n'était pas évident, quand on connaît les préoccupations du secteur privé. La deuxième réponse, c'est que le secteur privé a participé effectivement en envoyant des représentants de très haut niveau. La troisième satisfaction est venue du fait que ce séminaire a débouché sur une volonté réelle du secteur privé de signer un partenariat avec les collectivités.
Concrètement, que peut-on en attendre ?
Le secteur privé, comme nous nous en doutions, a posé un certain nombre de conditions : le problème des trottoirs occupés anarchiquement, l'état des voiries, le racket des forces de l'ordre, la défaillance de certaines autorités vis-à-vis de ce secteur-là. Au-delà de nos espérances, il a pris l'engagement d'aider les collectivités par une politique soutenue des jeunes, soit par l'embauche, soit par la création d'une fondation qui pourrait permettre et aux collectivités et au secteur de réfléchir et de voir les clés de la réussite de ce partenariat. Vos collègues maires se sentent-ils tous concernés au même degré par la question de la sécurité ? Sentez-vous un engagement fort de leur part ?
La sécurité, aujourd'hui, est un facteur important dans la gestion municipale. Au niveau du FISU, il y a 13 communes du District d'Abidjan qui bénéficient du Projet d'appui à la sécurité urbaine (PASU) et à chacun de nos séminaires, la totalité des communes (soit les 197 communes qui existent aujourd'hui) demande l'extension du projet pour pouvoir lutter efficacement contre les causes de l'insécurité. C'est dire que tous les maires se sentent concernés. Même pour ce thème qui concernait le secteur privé, les communes de l'intérieur, dont on pourrait penser qu'elles sont moins intéressées, ont marqué un vif intérêt. Même si le secteur privé n'est pas très développé dans les communes de l'intérieur, il y a quand même les grandes sociétés agricoles ou la Bourse café/cacao et toutes ces faîtières de café/cacao qui peuvent jouer leur rôle. Donc au niveau des gestionnaires des cités, il y a eu un intérêt et il y a une grande attente de ce que ce qui aura été décidé soit effectivement concrétisé sur le terrain.

On assiste pourtant à un certain laxisme dans les différentes communes d'Abidjan avec des installations anarchiques de gares routières parfois sous des échangeurs (à Adjamé par exemple), ce qui représente des facteurs d'insécurité
Nous avons eu droit à un exposé du directeur général de la CIE qui a montré comment les marchés se mettaient sous des lignes à haute tension ou des maisons qui s'y construisaient, comment à 200 ou 300 mètres d'un barrage de la police, on pouvait venir voler des câbles de la CIE Nous avons exploré toutes ces questions. Et les maires se sont engagés à prendre des mesures de telle sorte que le travail du secteur privé soit facilité et je pense que cela va dans l'ordre normal des choses. Souvent, les maires ont des compétences en matière de police qu'ils n'utilisent pas suffisamment. Et là, c'est notre rôle, au niveau du FISU, de sensibiliser et de faire comprendre aux gestionnaires qu'ils ont des textes qui leur permettent d'agir et que quelquefois nous devons le faire malgré nous. Quelquefois, on met en avant l'impératif de la paix sociale avant de prendre certaines décisions, mais pour la sécurité, je crois qu'il faut que tout le monde comprenne qu'il y va de l'intérêt de tous, les populations les commerçants et les autorités municipales. Je crois qu'il y a une volonté qui s'est toujours manifestée mais qui, aujourd'hui, s'impose aux gestionnaires des cités que sont les maires.
Le maire est, selon les textes, un officier de la police judiciaire. Dans les faits, pourtant, il n'a pas la main sur les forces de sécurité. Cette carence a été déplorée lors d'un récent atelier avec les autorités policières. Quelque chose a-t-il changé depuis lors ?
Le débat reste toujours ouvert. La rencontre maires-police qui s'est tenue au mois de mars a eu des effets positifs puisque maintenant dans certaines communes, il y a des rapports réguliers entre les autorités municipales et la hiérarchie militaire. Mais le fait est que jusqu'à présent, quand nous faisons une réquisition, il faut toujours s'adresser à la hiérarchie et cela ne facilite pas la circulation des décisions. Je pense qu'il faut laisser le temps faire son ?uvre. Il y a eu entre-temps les états généraux de la décentralisation où on a parlé du transfert réel des compétences. Je pense que, petit à petit, certains départements ministériels comprendront la nécessité de collaborer véritablement avec les collectivités qui ne sont que des démembrements de l'Etat et permettre une réelle politique de décentralisation.
Le projet d'appui à la sécurité urbaine (PASU), principale béquille du FISU, sera à son terme à la fin de cette année. Les maires sont-ils prêts à pallier le vide que cette disparition représenterait ?
Notre souhait, c'est que le Projet d'appui à la sécurité urbaine soit maintenu et étendu à d'autres communes, indépendamment de celles du District d'Abidjan. Mais, la réponse appartient à nos partenaires au développement. L'Etat a montré ses limites en matière de financement de certains projets et donc c'est sur la communauté internationale que nous comptons véritablement. Nous avons aujourd'hui un bilan, des résultats réels sur le terrain. Nous allons prendre notre bâton de pèlerin et faire le tour de nos amis partenaires au développement pour qu'ils puissent nous aider. Mais au cas où la situation ne le permettrait pas, au niveau du FISU, nous pensons que le projet qui a un certain nombre de succès à son palmarès pourra être exploité au profit des communes qui n'en ont pas bénéficié. Qu'est-ce à dire ? Aujourd'hui, nous avons une équipe de coordonnateurs municipaux, d'assistants qui ont acquis certaines techniques, qui ont une certaine expertise, une certaine compétence en la matière. Le FISU peut prendre sur lui de demander à l'équipe de coordination d'envoyer une équipe dans une commune qui désire connaître son état d'insécurité : comment réaliser un diagnostic, comment mettre sur pied un comité communal de sécurité, comment faire un plan d'action et comment l'exécuter après des missions d'un mois ou d'un trimestre sur le terrain. Ce sera la capitalisation de ce que nous avons retiré du projet. La fin éventuelle du projet (ce que nous ne souhaitons pas) ne mettra pas fin aux activités du FISU. Bien au contraire, le FISU sera chargé de pérenniser ce qui aura été retenu dans ce projet.

Interview réalisée par
Elvis Kodjo

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