mardi 2 octobre 2007 par Le Nouveau Réveil

Dans quoi sommes-nous embarqués au juste avec cet accord de Ouaga ? Quand allons-nous avoir une lisibilité plus nette de notre avenir politique avec des élections libres, ouvertes et transparentes ? La Côte d'Ivoire est comme prise en otage par les deux ex-belligérants qui sont parfaitement d'accord sur leur désaccord ou du moins qui ont du mal à traduire dans les faits leur commune volonté ( ?) de réaliser la paix ensemble. Après l'attentat manqué contre le 1er ministre Guillaume Soro et le feuilleton controversé des grades des FAFN, voici la guerre des audiences foraines. Pour rappel, c'est une opération qui devrait démarrer depuis le mois de juin dernier. Mais elle a été retardée en raison de certains impondérables, appelons-les ainsi, inhérents à tout processus de paix. On a cité les difficultés de la mise en place du gouvernement, on a cité l'attentat manqué contre le 1er ministre le 29 juin dernier. Tout cela a été compris et accepté. Entre temps, les services techniques de la Primature n'ont jamais cessé de travailler sur la mise en ?uvre des audiences foraines. De sorte que le lancement de l'opération était censé se faire à tout moment. Mais il a fallu une réunion du CEA à Ouagadougou le 4 septembre dernier, suite à un congé de 3 semaines du gouvernement, pour que l'on annonce enfin que les audiences foraines démarreront le 25 septembre 2007. Ouf ! Enfin la délivrance après le long chapelet des actes symboliques égrenés par les ex-belligérants ? Mais surprise, le 25 septembre, au démarrage des audiences foraines, seuls les départements de Ouragahio et de Ferké sont retenus. C'est-à-dire que ceux qui veulent aller aux "élections vite, vite" ont délibérément choisi de traîner les pas. Car comment peut-on vouloir organiser des audiences foraines pour permettre à plus de 3 millions d'individus d'obtenir leur jugement supplétif de naissance en 3 mois chrono ? Pour des gens sincères et pressés de réaliser la paix pour mettre fin aux souffrances de leurs compatriotes, on est contraint de reconnaître que les signataires de l'accord de Ouaga adoptent une démarche bien curieuse. Car, rien dans tout ce qu'ils font ne montre qu'ils sont pressés d'avancer. On organise des meetings et des rencontres à coups de millions de francs pour expliquer et réexpliquer l'accord de Ouaga ou pour nous convaincre que cet accord va nous apporter la paix tant désirée. Mais au décompte, rien n'avance vraiment.
A Ouragahio par exemple, les magistrats qui se sont rendus dans la ville natale du chef de l'Etat pour le lancement symbolique des audiences foraines avec le ministre de la Justice sont revenus le même jour à leur base de Gagnoa. Attendant que les véhicules qui doivent leur permettre de sillonner tout le département leur soient livrés afin de commencer effectivement le travail, ce lundi. Mais, ces véhicules n'ont pas encore été mis à leur disposition après plusieurs démarches des magistrats auprès de la tutelle. Selon certaines indiscrétions, ces véhicules de types 4X4 seraient encore garés dans les parkings de la présidence de la République, sans plaques d'immatriculation. Face à ces difficultés, il a suffi que l'un des magistrats évoque la coïncidence entre les audiences foraines et la rentrée des classes pour rallier toute la bande des réticents. Mais comme si cela ne suffisait pas, voilà que Tagro Désiré, l'un de ceux-là mêmes qui ont participé aux négociations de Ouaga, décide de rentrer en scène, et d'affronter l'autorité du 1er ministre Guillaume Soro. En tout cas, selon des sources proches de la primature, c'est le ministre de la Sécurité intérieur qui joue les trouble-fête, qui refuse de faire diligence dans le redéploiement des préfets et sous-préfets. Ecoutez plutôt les propos rageurs de M. Méité Sindou, porte-parole de la Primature. " On veut booster le processus de paix et Tagro fait obstacle. Il estime que les sous-préfets sont de sa compétence exclusive. Il voudrait faire du dilatoire qu'il ne se prendrait pas autrement. Même pour la nomination des sous-préfets, il a fallu qu'on lui mette la pression. Aujourd'hui, s'il n'y a pas de sous-préfets dans certaines zones, on risque d'avoir un processus qui n'irait pas à son terme. On est inquiet, et au cas où ça devrait foirer, le 1er ministre invoquera la responsabilité du ministre de l'Intérieur ", martèle Méité Sindou. Donnant du coup entièrement raison à "Le Nouveau Réveil" sur ce que nous écrivions il y a peu sur la volonté réelle des acteurs. Aujourd'hui, c'est celui-là même qui porte la parole du chef du gouvernement qui accuse et fait des révélations. Il nous apprend que le camp opposé faisait de la diversion, du dilatoire dans la nomination des sous-préfets et qu'il avait fallu faire pression sur lui pour s'exécuter.
Mais diantre, comment peut-on expliquer cela ? Quand nous dénoncions les retards dans la mise en ?uvre de Ouaga, l'on nous accusait d'être des adversaires, pardon, des ennemis de la paix, des ennemis de Soro. Comment peut-on comprendre que celui qui a conduit la délégation présidentielle aux négociations de Ouaga et qui est membre du comité de pilotage des audiences foraines - qui a donc participé à l'élaboration du mode opératoire - puisse aujourd'hui refuser de mettre en place les instruments administratifs sans lesquels les audiences foraines ne peuvent se faire ?
L'on se souvient que les problèmes de l'ancien Premier ministre Charles Konan Banny sont partis de sa volonté de mettre en ?uvre les audiences foraines telles décidées par le gouvernement en Conseil des ministres. L'histoire serait-elle en train de se réécrire avec la soudaine volte-face de Tagro Désiré ?
L'on nous a fait dire ici que c'est parce que l'opposition politique et la communauté internationale avaient la main trop immergée dans le processus de sortie de crise et même dans l'élaboration des accords de paix que rien n'allait de l'avant. Gbagbo a refusé d'appliquer la résolution 1721 du Conseil de sécurité de l'ONU, il a engagé le dialogue direct avec la rébellion pour trouver des solutions à l'ivoirienne à tous les problèmes. Mais depuis le 4 mars 2007, on attend en vain. Il y a eu la bataille pour la formation d'un gouvernement dans lequel on a voulu réduire l'opposition politique non armée à sa plus simple expression. Il y a eu ensuite la polémique autour des grades des FAFN. Jusqu'à ce jour, le problème reste en suspens. Il y a eu l'attentat manqué contre Soro. Et maintenant, il y a les audiences foraines. Ils vont se livrer une querelle de clocher autour, et pendant ce temps, nous le peuple, on attend. On va perdre encore du temps, c'est sûr. On va souffrir encore de la pauvreté et de la misère qui nous écrasent. C'est sûr. Mais on n'est obligé d'attendre et de grogner bien sagement dans nos salons parce que si nous sortons pour crier notre ras-le-bol, il y a une armée conditionnée qui est prête à nous écraser comme des mouches. Véritable prise d'otage qui ne dit pas son nom. Et pour entretenir le train de vie des seigneurs de la guerre, on va encore couper nos salaires en janvier avec la reforme de l'IGR. Et dire qu'ils font tout cela sans le moindre remords, sans la moindre pitié pour ce peuple.
Akwaba Saint Clair

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023