mardi 2 octobre 2007 par Le Nouveau Réveil

Beaucoup d'interrogations et une certaine inquiétude. Voilà ce qu'inspirent les propos va-t-en guerre qui se multiplient dans les interventions du président Gbagbo, au fur et à mesure que progresse l'application des accords de Ouagadougou. Le chef de l'État ivoirien veut-il vraiment de la paix ?
Songe-t-il un seul instant que ses retournements de veste désorientent, lassent et révoltent ? De toute la classe politique, lui seul, pourtant au pouvoir, continue de psalmodier en faveur de la guerre. A un moment où le pays tout entier voudrait tourner la page. Et pourquoi cet empressement à aller aux élections alors que les Accords de Ouagadougou donnent suffisamment de temps pour baliser la voie ? Cela paraît bien suspect. Est-il besoin de provoquer et de maintenir un climat de tension pour des fins électoralistes, si tant est que l'on se réclame partisan sinon artisan de cette paix que l'on clame à tout vent ?
Maintes fois, "Le Pays" l'a relevé : l'entourage du président ivoirien n'inspire pas confiance. Il ne s'aide pas lui-même. Plutôt que de préparer les conditions d'une élection gagnante dans la tranquillité et la transparence, il semble vouloir conserver le pouvoir coûte que coûte. Comme s'il redoutait une défaite, hypothèse à ne pas écarter dans un scrutin ouvert, libre et digne d'une démocratie véritable. En fait, le sentiment belliqueux n'a jamais déserté l'esprit de Gbagbo. Il le confirme dans une interview à RFI, arguant que pour des raisons de sécurité, il faut lever l'embargo afin de doter les soldats et les gendarmes d'équipements adéquats. Comme si les besoins ne se trouvaient pas ailleurs. Par le choix du vocabulaire, le président ivoirien ne rate pas l'occasion de rappeler que son pays a été divisé par la faute de certains. Se donnant le beau rôle, dans ses rencontres avec ses compatriotes, il distille la haine de la différence. Lors de son récent séjour aux États Unis, Gbagbo a échangé avec les Ivoiriens résidant en Amérique du Nord. Langage et esprit belliqueux l'emportaient de loin. Enfin, le chef de l'État ivoirien aime cultiver le doute dans les esprits. Il a tendance à minimiser les acquis du brasier de Bouaké où se sont pourtant consumées les armes des folies meurtrières entre forces loyalistes et forces nouvelles. Mais pourquoi ce ton et ces incertitudes ? Le président-candidat est en fait très inquiet. Il croit de moins en moins à sa propre victoire. Pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il ne domine plus la scène politique nationale. Longtemps visible et seul maître à bord, à bâbord et à tribord sur le navire Côte d'Ivoire, il doit composer avec l'apparition d'autres acteurs et non des moindres. Des leaders aussi doués sinon plus tribuns que lui, qui montrent chaque jour que dans des conditions de réelle transparence, ils ont aussi leur chance. L'expérience, l'expertise, le sens des relations et de la communication en sus. Ensuite l'émergence d'un véritable débat contradictoire. On n'accuse pas sans retour de l'ascenseur. Jour après jour, suite aux Accords de Ouagadougou, la confiance renaît, de nombreux exilés rentrent, qui ont pris le temps de mûrir ailleurs. Peu à peu, les langues se délient, et la vérité pointe à l'horizon, cruelle et implacable. L'émergence, la consolidation progressive du débat contradictoire ne sont pas sans risque. De moins en moins, Laurent Koudou captive l'attention. D'une position passive et attentiste, le citoyen se mue en contribuable aux aguets. Sa conscience l'interroge, son esprit critique se développe. Soumis aux chocs incessants de la réalité quotidienne, il cesse de demeurer celui qui écoute et ingurgite des discours savamment distillés. Il devient alors électeur et prêt à demander des comptes. Gbagbo ne mystifie plus. Ses stratèges le savent bien : il faut changer de discours. Mais chasser le naturel, il revient au galop. Enfin, la communauté internationale se montre bienveillante mais vigilante. A l'ONU, on n'a pas oublié les critiques acerbes du dirigeant ivoirien aux temps forts de la crise ayant secoué son pays. Gbagbo qui a régulièrement asséné des coups à l'équipe d'alors de Koffi Anan, reconnaît aujourd'hui l'importance de l'organisation dans la résolution de la crise. Mais, aux Nations Unies, plutôt que de lever l'embargo, on tend à privilégier l'aide en vue de la reconstruction de la Côte d'Ivoire. Parmi les différents interlocuteurs, la sous-Secrétaire aux Affaires africaines des États unis, entend surtout favoriser la formation.
Dans l'état actuel des choses, réarmer les forces sous contrôle du seul camp présidentiel ivoirien, comporte de sérieux risques de déséquilibre entre candidats aux prochaines échéances présidentielles. L'embargo visant à favoriser l'organisation d'élections libres, démocratiques et transparentes, il serait illogique de le lever, les objectifs n'ayant pas encore été atteints. On vient à peine d'entamer les audiences foraines et rien n'est encore définitivement acquis. Au moment où l'on parle de désarmement, il est déplorable que le chef de l'État ivoirien lui, parle de réarmement. Faut-il aussi rappeler que trop de dossiers attendent encore d'être clarifiés ? Outre l'odieux assassinat des journalistes, on attend encore d'en savoir sur les charniers de Yopougon de triste mémoire. Le fait de polémiquer sur les chiffres relatifs au nombre de postulants à la nationalité n'apporte rien de bon, sinon de la ranc?ur et de l'amertume. Est-ce la peur éventuelle de faire face aux grands procès à venir, notamment en matière de droits de l'homme ? Une certaine clarification est pourtant nécessaire sur différents dossiers. En soufflant le chaud et le froid, Gbagbo démontre clairement qu'il veut d'une paix contrôlée et mise à son service. Le consensus lui, paraît évident : toute levée de l'embargo incombe à un gouvernement démocratiquement élu, disposant d'un mandat clair du peuple ivoirien pour entreprendre les réformes indispensables.
" Le Pays" (journal du Burkina Faso)

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