samedi 29 septembre 2007 par Fraternité Matin

Remplacé au poste de secrétaire général adjoint de la communication au PDCI, l'Ambassadeur et ancien ministre de l'Artisanat et des PME dit sa part de vérité. Depuis le 18 septembre dernier, vous avez été remplacé au poste de secrétaire général adjoint du PDCI chargé de la communication par M Djahouet Augustin. Il y a un peu plus de deux semaines que cette information a été donnée. Comment y réagissez-vous?
Je voudrais d'abord remercier la grande famille du PDCI-RDA qui m'a permis d'exercer pendant une dizaine d'années les fonctions d'abord de secrétaire national chargé de l'encadrement des jeunes et ensuite secrétaire général adjoint chargé de la communication. Je voudrais dire à toute l'opinion que dans l'animation du parti, la haute direction se compose de deux catégories de cadres : il y a les élus qui sont les membres du Bureau politique, qui sont aussi les membres du grand Conseil et il y a les fonctionnaires qui sont, disons, des agents au service du président du parti qui les nomme et qui leur confie des responsabilités. Alors, en tant que tel, dans l'intérêt du parti, le président peut procéder à des réaménagements techniques à tout moment ; comme c'est d'ailleurs le cas dans un gouvernement.
Je voudrais donc dire que nous sommes en train de partir après dix années de présence sans interruption au secrétariat général du parti comme un ministre partirait d'un gouvernement après de loyaux services rendus à l'Etat. Voila comment il faut interpréter l'acte dont vous parlez. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un limogeage. Je ne pense pas que le mot limogeage convienne. En réalité, il s'agit d'un acte administratif. Comme je l'ai dit, il a plu à celui qui m'a nommé de me retirer à un moment donné sa confiance pour procéder à un redéploiement. Et dans l'histoire du PDCI-RDA, ce n'est pas une première. Le président Yacé (paix à son âme) est passé par-là. Le président Bédié lui-même en 1977 pour le ramener au gouvernement a vécu cette situation. Mais cela n'a aucunement tiédi leur ardeur militante, leur foi en l'avenir de la Côte d'Ivoire et leur volonté de se mettre au service de leur parti.
En tant que tel, de façon humble et militante, nous pensons qu'il faut remercier, encore une fois, la direction de notre parti, féliciter tous ceux dont la mobilisation contribue à son rayonnement.

Si l'on s'en tient à vos deux exemples, on peut affirmer que ce départ ou du moins, ce changement de poste, ne tiédit pas votre militantisme au PDCI-RDA?

Ah non ! Si mon militantisme au Parti démocratique de Côte d'Ivoire devait être tiédi à la suite d'une sortie de gouvernement, les 384 ministres du président Houphouet-Boigny, auxquels il faut ajouter une centaine d'autres que nous sommes depuis 2000, allaient tout simplement se mettre en congé de la vie nationale. Bien au contraire, si nous avons accepté la démocratie, si nous avons accepté la volonté de bâtir ensemble dans le souci de donner la chance à tout le monde, il faut accepter qu'à un moment donné, surtout en ce qui me concerne, après dix années passées au secrétariat général du parti, la chance soit donnée à d'autres cadres de conduire et de jeter les bases d'un succès futur, pourquoi pas. Pour ma part, j'attends de faire la passation des charges avec mon successeur. Vous a-t-on dit pourquoi on vous a relevé de vos fonctions?
Vous savez, je suis un ancien ministre. Généralement, quand on vous nomme, on ne vous dit pas pourquoi on vous nomme. Donc quand vous partez, il faut accepter aussi qu'on ne vous dise pas pourquoi vous partez. La seule chose qu'il faut avoir présent à l'esprit, c'est cette philosophie du président Houphouet-Boigny qui veut qu'en toute circonstance, on interroge sa conscience et DIEU. Dans mon cas, je peux avouer en âme et conscience que j'ai fait pour mon parti ce que je devais et pour la Côte d'Ivoire ce que mon âge me permettait de faire pour le moment. Si DIEU me donne longue vie, je ferai davantage pour ce pays et pour mon parti.
D'aucuns pourraient vous rétorquer que contrairement à vos affirmations, vous vous êtes plutôt mis au service du camp adverse. Vous savez, le Président Houphouet disait toujours qu'on ne se bat pas au chevet d'une mère malade. Et quand vous interrogez la constitution de notre pays, il est dit que la Cote d'Ivoire est une et indivisible. A partir du moment où la Cote d'Ivoire est divisée, nous disons que nous sommes tous menacés. Dans ces conditions, tout citoyen honnête doit faire appel à son génie pour se mettre au service de cette armée de reconquête de notre intégrité territoriale. Je pense que c'est ce que nous sommes en train de faire et c'est ce qui est d'ailleurs enseigné dans tous les partis politiques puisque le parti politique est une école d'apprentissage, de gestion de la chose publique. Alors, la première bataille que nous devons mener si nous sommes vraiment citoyens ivoiriens, si nous sommes vraiment militants d'un parti politique qui aspire à gouverner, c'est de tout faire pour que la Cote d'Ivoire retrouve son intégrité territoriale et que les Ivoiriens se fassent à nouveau confiance les uns dans les autres. Puis après cela, on pourra engager des batailles partisanes.
Je voudrais me résumer en disant que le moment est venu de se mobiliser derrière notre équipe nationale qui s'appelle le gouvernement de la République de Côte d'Ivoire dont la première mission est de recouvrer l'intégrité territoriale de notre pays. Quand cela sera fait, chacun pourra retourner dans son propre parti et en ce moment-là, le championnat national va se jouer. Donc pour le moment, acceptez que je sois en équipe nationale de Côte d'Ivoire.

Vos 18 mois en France n'ont-ils pas favorisé votre remplacement quand on sait que vous n'arriviez plus à assumer régulièrement vos charges de secrétaire général adjoint chargé de la communication?

Au mois de mars 2006, avant de partir pour la France, j'ai souhaité qu'il y ait quelqu'un qui continue l'action au niveau de la communication de notre parti. Je pense que cela a été fait, je suis de retour et encore une fois, je tiens à dire que contrairement à ce qu'on pense, l'acte qui a été posé s'inscrit dans l'animation de notre parti.
Donc, ce n'est ni un acte illégal, ni une forfaiture mais bien au contraire, une tradition à laquelle il faut se conformer. Je dis merci à notre président qui a pensé qu'à cet instant précis c'est-à-dire le 18 septembre 2007, il fallait donner la chance à un autre cadre pour poursuivre l'action que nous avons initiée depuis le mois de mai 2002 au niveau de la communication du parti.

Depuis votre retour de Paris, avez-vous rencontré le président de votre parti ou l'un des responsables?

Je pense que ce sont des choses qui se font mais qui ne se disent pas. Permettez que je ne le dise pas. Dans tous les cas, nous sommes à l'intérieur de notre parti.

Les militants ou ceux qui vous liront pourraient se rire de vos propos. Ils diront, par exemple, que M. Gnamien Yao refuse d'être honnête avec lui-même.

Non ! Non ! Non ! Premièrement j'ai été en mission en France pour la République de Côte d'Ivoire et lorsque j'en reviens, il est tout à fait normal que mes premiers mots ou mes premiers comptes rendus soient faits à celui qui m'a envoyé en mission, c'est-à-dire le Président de la République de Côte d'Ivoire. Et une fois que j'aurai donné les nouvelles au Président de la République qui a bien voulu m'envoyer en mission, je serai libre de tout engagement vis-à-vis de l'Etat de Côte d'Ivoire et je pourrai alors engager toute démarche vers ma propre famille politique. N'oubliez pas que le président Houphouet dit que quand vous accédez à un certain nombre de responsabilités, sutrtout des responsabilités publiques, vous n'appartenez plus à votre famille biologique ou politique.
Votre parti vient d'organiser un grand meeting à Dabou au moment où vous êtes plus où moins mis à la touche. Est-ce ce qui explique votre absence à cette rencontre?
Dans un parti politique, il n'y a pas de touche. Dans un parti politique, on ne met personne à la touche. Je dis que c'est toujours un redéploiement. Pourquoi ? Je vous l'explique encore une fois. Le parti politique est une école où l'on apprend la gestion de la chose publique. La philosophie qui sous-tend l'action du PDCI -RDA, c'est donner la chance à chacun. Pour paraphraser le Président Félix Houphouet-Boigny, je vous invite à vous convaincre de ce que la politique, c'est la saine appréciation des réalités du moment. Bonne selon les uns et mauvaise selon les autres. Mais moi, en tant que disciple de l'action du Président Félix Houphouet-Boigny, je ne peux qu'apprécier positivement, tout ce qui se fait parce qu'aucun acte ne sera posé qui ne soit pas dans l'intérêt du PDCI RDA. Et comme aucun d'entre nous n'est au-dessus des intérêts du parti, j'estime que tout acte qui est posé à l'intérieur du parti, se pose dans son intérêt. On ne peut qu'applaudir de nos deux mains. Vous n'avez pas répondu à notre question. Pourquoi n'avez-vous pas été à Dabou au meeting du samedi 22 septembre?
Jusque-là, je porte le manteau de l'envoyé de la République de Côte d'Ivoire en mission. J'ai encore en main le bagage que le Président de Côte d'Ivoire m'a confié. C'est seulement quand je vais me débarrasser de ce bagage que je pourrai retourner à la maison dire que je suis de retour. Parce que les intérêts de la République sont au-dessus de tout autre intérêt. Donc je plaide pour que jusqu'à ce que je rencontre le Président de la République je puisse encore garder en lieu sûr le message que je lui dois. Voila ce que je voudrais dire et c'est républicain, c'est même honnête. Avez-vous tourné définitivement le dos à la politique avec l'Institut africain de stratégies et de développement dont la présentation officielle a eu lieu le 18 septembre?
Pour ne pas cacher ma joie, j'avoue que cette question me plaît. J'aime bien cela. Parce que, nous avons en tout lieu et en toute circonstance, une mission d'éducation. Et depuis les bords de la Seine, nous avons constaté que l'espace politique en Côte d'Ivoire, l'espace socio économique dans notre pays était devenu l'otage de la classe politique. Il y a pourtant, des Ivoiriens pleins de connaissances et je me dis qu'il faut partager cette somme de connaissances. Il faut renforcer les capacités des uns et des autres. Donc l'Institut africain de développement et de stratégie que nous venons de mettre sur pied a pour vocation de partager ce savoir, partager les connaissances que nous avons acquises sur les bords de la Seine. Dans ces conditions, ce n'est plus un renoncement mais une contribution. Donc je joue à la fois mon rôle d'éducateur, et de celui qui a reçu de la Cote d'Ivoire et qui ambitionne de retourner un peu de ce qu'il sait aux Ivoiriens qui sont restés ici. Je ne tourne donc pas le dos à la politique.
A quoi doit-on s'attendre depuis votre retour de France en ce qui concerne votre carrière?
En tant qu'intellectuel, ma carrière continue et peut ne prendre fin qu'au soir de ma vie. Toutes les autres voies ne dépendront exclusivement que de ma rencontre avec celui qui m'a envoyé. Acceptez donc que je puisse vous rencontrer quand celui qui m'a envoyé en mission aura reçu le bagage que j'ai envoyé de là-bas.
Depuis votre départ de la Sodemi, votre situation au niveau de cette entreprise a toujours été problématique. Aujourd'hui quels sont vos rapports avec la direction de cette entreprise?
Nous avons de bonnes relations. Grâce au Président de la République, je suis le conseiller spécial du président du conseil d'administration. Je voudrais m'arrêter là et dire merci à tous ceux qui ont prié pour moi, tous ceux qui m'ont aidé dans cette période difficile. Nous aurons le temps de revenir sur ces questions ; mais pour l'heure sachez que je vis bien de mon statut de conseiller spécial du PCA de la Sodemi. Comment voyez-vous l'évolution de l'Accord de Ouaga et les rapports que votre parti
a avec cet accord?
Je ne voudrais pas parler au nom de mon parti, mais en tant que citoyen ivoirien parce que le plus important pour tout citoyen honnête aujourd'hui c'est de mettre de côté les batailles partisanes parce que la Côte d'Ivoire est en train de souffrir. Pour le moment, si j'avais un plaidoyer à faire, c'est que tout le monde se mobilise pour soutenir l'Accord de Ouagadougou. Tout le monde se mobilise pour que la Côte d'Ivoire recouvre sa santé et après, on se battra pour nos intérêts partisans. Donc, encore une fois, je soutiens pleinement l'Accord de Ouagadougou. Mais en même temps que je le soutiens, je me permets de demander aux Ivoiriens, quels qu'ils soient, de procéder au quotidien à une évaluation de cet accord pour que très rapidement, tout ce qui peut contribuer à gêner son application ou sa mise en ?uvre puisse être décelé. Si nous ne
procédons pas de cette façon, nous serons sourds aux signaux de faible intensité, nous ne tiendrons compte que des signaux de forte intensité. Or très souvent, ce qui crée le plus de problèmes, ce sont les signaux de faible intensité. De quoi s'agit-il ?
Le débat sur l'identification est un débat qu'il faut aborder sérieusement. Pendant 5 ans, la Côte d'Ivoire était au banc des accusés. Aujourd'hui, le Président de la République est revenu de New York où il s'est s'adressé depuis la tribune des Nations unies au monde entier. Quelle symbolique cela représente-t-il pour vous?
Lorsque le Président intervient à la tribune des Nations unies, il y a de quoi être fier, heureux et affirmer sa dignité d'être Ivoirien. A l'extérieur, nous devons présenter un visage uni. A l'intérieur nous devons pouvoir accepter la critique parce que ce qui va compter, c'est la capacité de fédérer toutes les énergies, c'est la capacité de prendre en compte toutes les propositions pour qu'ensemble, nous puissions continuer de bâtir la Côte d'Ivoire. N'oubliez pas que nos aïeux ont travaillé pour bâtir la nation ivoirienne. Il nous appartient donc, en tout lieu et en toute circonstance, d'entretenir cet acquis. Je souhaite que DIEU inspire le Président de la République et que DIEU puisse faire en sorte que tous ceux qui l'écoutent soient attentifs et sensibles à ses propos.

Interview réalisée par
Abel Doualy
et Franck A. Zagbayou

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