vendredi 28 septembre 2007 par 24 Heures

Le chef de l'Etat Laurent Gbagbo a donné une conférence de presse le mercredi dernier à New York. Extrait de plus de deux heures d'échanges avec les journalistes.

Vous savez, pour tout vous dire franchement, je pense qu'on s'est trop précipité pour envoyer des troupes onusiennes en Côte d'Ivoire.
Je le dis depuis toujours.
La crise en Côte d'Ivoire est une petite crise, comparativement aux autres crises qui ont eu lieu en Afrique et dans tout le reste du monde.
Elle n'a jamais eu l'ampleur de celle du Libéria, elle n'a jamais eu l'ampleur de la crise sierra-leonaise.
Je ne veux pas revenir sur le passé, mais beaucoup d'autres facteurs ont fait que les gens ont poussé à l'internationalisation de cette crise qui ne connaît pas en vérité d'ampleur et qui aurait pu être réglée.
Mais ce que nous souhaitons de l'ONU aujourd'hui, c'est de nous aider à par exemple organiser rapidement les élections, remettre en place les infrastructures qui ont été démontées par la guerre les écoles, les dispensaires) et puis moins de troupes.
Dans les rues, aujourd'hui à Abidjan, vous verrez, les troupes onusiennes s'ennuient passablement.
Bon je ne suis pas contre eux parce qu'ils ne nous font pas de mal, mais je veux dire que ma devise, c'est qu'il y ait moins de militaires et plus de civils.
Sur cette même question, je voudrais aussi rappeler l'intervention de Alpha Oumar Konaré qui est le président de la Commission de l'Union Africaine.
Il a fait une intervention hier.
Une vigoureuse intervention où il a demandé que les troupes étrangères, toutes troupes étrangères, quittent l'Afrique.
Donc voilà un peu ce que je pense.
C'est pourquoi je vous disais tout à l'heure que moi, je ne vois pas un chef d'Etat qui est pour l'ingérence étrangère.
Nous sommes tous contre l'ingérence étrangère, donc voilà ce que je voulais vous dire.
En revanche, vous avez posé deux questions sur les élections où vous avez demandé la date des élections.
Je ne peux pas vous répondre parce que, en temps normal, les dates des élections sont définies constitutionnellement.
Chez nous, les élections ont lieu le dernier dimanche de la cinquième année de l'élection du dernier président.
C'est-à-dire que si on avait suivi la Constitution, sur ce point précis, on devait organiser les élections le dernier dimanche du mois d'octobre 2005.
Mais en octobre 2005, nous ne pourrions pas parce que un autre article de la Constitution dit que tant que le pays était divisé en deux, il est impossible d'organiser des élections.
Il faut donc attendre que le pays soit réunifié, et en ce moment-là, le président de la République, après avoir consulté le président du Conseil constitutionnel, s'adresse à la nation et demeure en fonction.
C'est ce que j'ai fait et c'est pourquoi je suis là.
Donc aujourd'hui, le pays est réunifié et nous allons organiser les élections.
Moi, je souhaite que les élections soient organisées le plus tôt possible, et il y a même quelques jours, j'avais proposé la date de décembre 2007.
Mais les systèmes en Côte d'Ivoire, et ça il faut que je le dise, parce que beaucoup ne le savent pas, ils croient que c'est comme dans beaucoup d'autres pays où c'est le gouvernement ou le président de la République qui décide de la date des élections.
Ce n'est pas comme ça.
Chez nous, le système électoral est le suivant : nous avons une Commission électorale indépendante.
C'est elle qui a la mainmise sur toutes les élections parce que quand nous étions dans l'opposition, et certains d'entre vous croyaient que c'était par amusement que nous étions dans l'opposition, nous avons tellement crié au hold-up électoral que notre première action était de mettre en place une commission électorale où tout le monde siège, pour plus de transparence.
Donc c'est cette commission qui propose au gouvernement une date, et à partir de ce moment, le gouvernement propose cette date au président de la République qui prend un décret.
Alors, vous voyez tous les chemins qui sont parcourus.
La Commission électorale indépendante n'a pas encore confirmé par écrit une date, donc nous attendons.
Mais personnellement, je souhaite que cela soit le plus tôt possible, pour beaucoup de raisons : la raison essentielle, c'est qu'il faut véritablement désarmer pour permettre à quelqu'un, s'il est élu, de pouvoir avec son équipe à lui, travailler pour la Côte d'Ivoire.
Donc voilà ce que je souhaite pour les élections.
Maintenant vous me demandez si je serai candidat.
Tous les citoyens ivoiriens qui ont plus de 40 ans, et pour enlever le suspense, parce que j'ai un peu plus de 40 ans, et jouissent de tous leurs droits civiques, ont le droit de se présenter.
Mais en plus, j'ai pris après la réunion de Pretoria une décision exceptionnelle, pour dire que pour ce qui est de tous les postes électoraux, tous ceux qui veulent être candidats peuvent l'être.
Tous ceux qui ont participé aux négociations et qui veulent être candidats, ils peuvent l'être.
Comme ça, on évite les débats sur qui est candidat qui n'est pas candidat.
Il faut partir aux échéances et puis après on verra.
Donc pour moi, en tant que président en exercice, il est important que je vous le dise.
Mais quand le moment sera venu, vous le saurez.
* Avez-vous rencontré Nicolas Sarkozy pendant cette réunion à New York ? (il hésite quelque temps) Bon, je vais vous répondre, mais je voulais vous dire une chose, parce que moi je n'ai jamais vu un homme politique qui pense qu'il n'a pas de surnom.
Quand on fait la politique, on vous donne des surnoms, et il vous faut toujours un surnom.
Quand vous n'en avez pas, c'est que vous ne comptez pas et l'on ne fait pas attention à vous.
Or moi, je suis heureux qu'on fasse attention à moi.
Donc voyez, on m'a appelé boulanger, ça je le sais.
Si mes adversaires estiment que je les roule dans la farine, mais tant mieux pour moi.
Parce que j'ai aussi mes rôles.
Un homme politique, son rôle c'est de rouler ses adversaires dans la farine (rire).
Partout dans le monde, les hommes politiques qui comptent ont toujours un petit surnom.
J'ai espoir que je serai malgré tout ce que les hommes politiques pensent, parce que pour faire la politique, on ne vous demande pas pardon, nous sommes tous volontaires.
Nous venons et nous vendons notre marchandise.
Chacun d'entre-nous dit qu'il est le meilleur pour diriger le pays.
Le moins qu'on puisse faire, c'est de vous donner quelques surnoms.
Donc je vous ai dit ce que j'en pense.
Je ne pense rien de mauvais, au contraire, j'estime même que ce sont des surnoms élogieux parce que quand on peut rouler dans la farine tous ces.
C'est cela aussi le métier.
Maintenant, en ce qui concerne ma rencontre avec Sarkozy à Washington ou à New York.
Mais ce n'est pas pour le voir que je suis là, ce n'est pas pour le voir que je suis venu.
Non, je veux dire qu'il ne faudrait pas qu'on personnalise les problèmes des rapports entre la France et la Côte d'Ivoire.
Ces rapports-là ont eu un grand coup de pied à cause de leurs trop grandes personnalités par le passé.
Les rapports entre deux pays sont des rapports entre deux groupes d'intérêts.
Et notre rôle à nous, c'est de faire en sorte que les intérêts de la Côte d'Ivoire et ceux de la France sur beaucoup de sujets puissent aller dans les mêmes sens, et par conséquent, il faut travailler ensemble pour que nous puissions avancer ensemble.
Et comme, c'est la Côte d'ivoire qui est le pays le plus faible, je ferai en sorte qu'on le fasse et que nous avons tout à gagner à coopérer avec les nations plus développées, notamment avec la France avec laquelle nous avons des données historiques etc.
Mais, comprenez que dans ma tête, il y a une personnalisation extrême des rapports.
Maintenant pour répondre de façon précise à votre question, j'ai rencontré Sarkozy dans la salle de conseil de sécurité et il venait vers moi, on s'est salué, on s'est serré la main, on a échangé quelques mots mais bon c'est la politesse élémentaire entre deux chefs d'Etat qui se sont téléphonés.
Il n'y a pas de drame entre Nicolas Sarkozy et moi, il n'y pas de drame, il n'y a pas de tension, il n'y a aucun problème donc je vous dis ça pour qu'on ne dise pas mais il n'a pas répondu à la question.
Il ne faut pas que ce soit un drame, on s'est salué, dans la salle de sécurité, on a causé.
Mais je voudrais vous dire que vraiment, il faut qu'on cesse de personnaliser les rapports diplomatiques entre un pays et un autre pays.
Il faut qu'on cesse de pousser à l'extrême.
Maintenant, si au cours du travail on peut devenir amis, c'est tant mieux.
Et il est bon qu'on devienne ami.
Mais seulement il ne faut pas qu'on crée des drames, là où il n'y en a pas, il ne faut pas qu'on crée des problèmes là où il n'y en a pas, il ne faut pas qu'on crée des tensions là où il n'y en a pas.
Maintenant, je peux changer de surnom pour devenir le pâtissier parce que le pâtissier fait de bons gâteaux.


Propos retranscrit sur RFI par T.B

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