vendredi 28 septembre 2007 par Fraternité Matin

Le président de la Commission de l'U. A est sorti de sa réserve, mardi, pour dire ses vérités sur les relations Afrique-Occident.
Vous venez de faire une importante déclaration devant les membres du Conseil de sécurité de l'ONU, en insistant sur des points concernant le continent africain. Quels en sont les grands axes?
Je pense qu'il y a une responsabilité africaine qui est première dans la résolution des conflits en Afrique. La première responsabilité, c'est de construire des Etats de droit, démocratiques où la bonne gouvernance ne sera pas qu'un simple slogan. La deuxième chose, c'est qu'il faut qu'il y ait une solidarité interafricaine pour que l'Afrique prenne son destin en main. Il faut que nos partenaires comprennent qu'ils doivent laisser les Africains, même s'il y a des cas où il y a des défaillances, prendre leurs affaires en main. Leur appui doit venir en appoint aux efforts premiers des Africains eux-mêmes; cela me paraît fondamental. C'est vrai qu'aujourd'hui nous avons besoin d'appui pour renforcer nos forces (militaires), intervenir rapidement, mais le fait de financer ne peut pas autoriser n'importe quelle intervention et n'importe quel comportement. Aujourd'hui, il faut que l'Afrique s'assume. Les causes des conflits sont connues, on peut les éviter. Nous avons énuméré de nouvelles sources de conflits. Une des sources les plus graves, c'est la pauvreté. Beaucoup de promesses sont faites à l'Afrique mais elles ne sont pas tenues. Je ne crois pas que les objectifs du millénaire vont être atteints en 2015 malgré tout ce que nos économistes disent. Et d'ailleurs, aux économistes, je dis toujours que leur responsabilité est importante dans la mesure où il leur appartient de ne pas faire croire que l'on peut atteindre des objectifs qui sont impossibles à l'être. Les promesses ont été faites, l'aide publique au développement n'augmente pas au rythme souhaité, le remboursement de la dette est faible, il n'y a pas de nouveaux mécanismes de développement. Le vrai problème est pourquoi ce continent riche ne vit pas de ses richesses. Quelles sont, selon vous, les raisons de cette situation?
La première des choses, c'est que dans le monde, on est dans un système inégal dans le monde. Il faut que les règles du jeu changent. L'Afrique ne peut pas continuer à exporter simplement ses matières premières sans les transformer. Nous avons très peu de choses à dire dans la fixation de leurs prix. Tant que cela ne change pas et même si par la vente des matières premières, nous avons des ressources, nous resterons dépendants pour la nourriture, nous n'arriverons pas à créer des emplois simplement parce que nos matières premières ne seront pas transformées sur place. Il n'y aura pas de création de richesses, donc la pauvreté va continuer à s'élargir et un jour, conduire nos pays à des situations de violence. M. le discours de rupture que vous venez de tenir en parlant crûment, selon certains, est-il celui d'un nouveau Konaré?
Je suis le même. Ce combat a toujours été le mien, il est encore le mien et il le sera demain. Mon souhait le plus grand, c'est que ces idées qui sont partagées par certains leaders, le soient de plus en plus et qu'il y en ait une plus grande appropriation par la société civile, par les jeunes, par les femmes, par les travailleurs.
Face au Président Nicolas Sarkozy, vous avez réclamé la suppression des bases militaires en Afrique
Moi je pense que, et je l'ai toujours dit, les bases militaires doivent disparaître surtout à un moment où l'Afrique veut mettre en place une politique commune de défense et de sécurité. De la même façon, dans la logique de l'intégration, tôt ou tard, le problème des accords monétaires et financiers (conclus au début de nos indépendances) se posera. A nous de ne pas être surpris, de nous préparer à ces échéances. C'est une exigence aujourd'hui: vous ne pouvez pas avoir une politique commune de défense et de sécurité si vous n'êtes pas maître chez vous. Avons-nous les moyens de notre politique quand dans les discours, y compris le vôtre, nous continuons de faire appel au financement des puissances occidentales?
Si nous sommes unis, il y a un minimum que l'on peut partager. Il faut dire que la solidarité africaine est faible. Je ne ferai pas de démagogie en disant que même si les autres ne nous aident pas, on peut s'en sortir. Parce que aucun de ces pays-là ne s'en est sorti sans aide. Aujourd'hui, nous avons besoin de grandes infrastructures, de sources d'énergie. Et cela a un coût alors que nous n'en avons pas les moyens dans l'immédiat. Or, pour nous, c'est un problème de temps. Nous avons besoin d'être aidés mais sur la base de nos propres efforts. Il faut être clair. Il faut que nous-mêmes fassions preuve de solidarité, tirions le meilleur de nous-mêmes. Si nous parvenons à cela, alors quand l'aide va venir, nous serons en mesure de pouvoir choisir et de refuser les appuis conditionnels qui ne nous permettent pas de décider pour nous-mêmes et par nous-mêmes. On ne peut vous rencontrer sans évoquer avec vous le problème de la démographie galopante africaine qui constitue une bombe à un moment où l'Occident vote des lois plus dures en matière d'immigration
Le problème de la démographie, je le pose en terme de santé de la mère et de l'enfant. C'est vrai que cela pose des problèmes mais il y a des ressources dans le monde. Nous devons faire beaucoup attention pour ne pas adopter de politiques malthusiennes qui pourraient nous conduire un jour à avoir des regrets.
Aujourd'hui, le taux de croissance de la population marque quand même le pas. Il nous faut être très lucide. L'Afrique aujourd'hui a besoin de population, et cela est important. Maintenant, nous devons veiller sur la santé de cette population. Nous ne sommes pas inconscients au point de ne pas penser à sa subsistance et à son éducation, mais je crois que ce sont des problèmes qui peuvent être résolus.

Interview réalisée au siège de l'ONU par
Ferro M. Bally
Envoyé spécial à New York

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