jeudi 27 septembre 2007 par Le Temps

Votre commentaire sur l'interview accordée au journal Le Patriote par Alassane Dramane Ouattara ?
Nous n'avons pas de commentaire particulier. Nous pensons qu'Alassane Dramane Ouattara a exprimé son point de vue sur un certain nombre de sujets, c'est bien. Il a bien fait de s'exprimer pendant trois jours. Il faut que les gens s'expriment. C'est la démocratie.

Selon lui, votre départ n'a nullement affecté le RDR. Bien au contraire, cela a revigoré son parti
Comment voulez-vous que le président d'un parti politique comme le RDR qui perd certains de ses collaborateurs, puisse dire que cela a affecté le parti. Surtout à une période sensible de campagne électorale où les moindres gestes ou actes posés prêtent à interprétation. La seule chose que nous pouvons dire, c'est que nous connaissions bien les militants du RDR. Bon nombre sont réellement affectés. Et ils nous le font savoir chaque jour que Dieu fait. Nous ne sommes pas des politiciens de salon. Nous sommes sur le terrain. Nous venons de l'intérieur du pays. Les résultats sont là. De nombreuses personnes sont venues voir le président Zémogo Fofana pour lui apporter leur soutien. C'est tout dire. Le président du RDR fait une appréciation sur laquelle, nous sommes d'accord. Parce que nous pensons que ce parti est atteint. Et en pareil cas, à moins de faire preuve de cécité politique maladive, ce qui serait dommageable. L'honnêteté intellectuelle oblige à le reconnaître et à se remettre en cause. Se remettre en cause est une thérapie salutaire en politique.

Comment le RDR est-il atteint ?
Ce n'est pas notre départ. C'est la gangrène, le fonctionnement structurel de ce parti qui est atteint dans des considérations malsaines depuis de longue date. Dans l'interview, le président ADO reconnaît lui-même que les temps ont changé. Et que son parti ne mobilise plus. A temps nouveau, des méthodes nouvelles de management et de coaching. En ce moment, que fait un homme politique ? Il s'asseoit. Il fait l'autocritique. Pourquoi et comment ça ne fonctionne plus comme avant ?

Soyez explicite
L'autocritique n'est pas l'apanage du RDR. La modestie non plus. A preuve, Ali Coulibaly qui clame tout haut que le RDR est un parti de prestige. Un vrai nombrilisme de mauvais aloi. Franchement, croyez-vous vraiment que la Côte d'Ivoire, en ces périodes difficles, a besoin d'un parti de prestige ?

Pourquoi ?
Voyez-vous, dans certains partis politiques, le culte de la personnalité est érigé en système de fonctionnement au détriment des objectifs de départ fixés. Et ce sont les militants qui en pâtissent. C'est le cas au RDR. Et nous, à l'ANCI, sommes contre tout culte. Dans le cas d'espèce du RDR, c'est le culte de la personnalité qui prévaut. Ce qui conduit souvent à des dérapages graves. On présente Alassane Dramane Ouattara comme le messie. Sans lui, la Côte d'Ivoire ou le parti ne peut fonctionner. il faut avoir très peur de ce genre de chose.

Ce que vous dites est très grave. Puisque Alassane Ouattara soutient qu'il n'y a pas de culte de la personnalité dans son parti
En quoi ce que nous disions est grave. C'est la réalité. A partir du moment où un parti politique se prévaut de cent trente deux (132) clubs de soutien au leader, c'est déjà le culte de la personnalité. Nous avons eu des clubs de soutien à Alassane Dramane Ouattara. On se livre au culte de la personnalité. Le RDR est prompt à cela. Quand au RDR, vous n'êtes pas d'accord avec Alassane Ouattara, c'est haro sur le baudet.

Ah bon !
Nous avons subi ça. Nous ne sommes pas d'accord. Or nous autres (Zémogo Fofana, Béchio, Aly), avons toujours eu le malheur d'exprimer ce que nous pensions.

Il rejette ce que vous dites
Que voulez-vous qu'il dise ? Avez-vous vu un homme qui montre son village avec la main gauche. Il ne vous dira jamais que son parti est un club de soutien. La réalité est tout autre sur le terrain. Tous les ivoiriens peuvent le constater. Vous avez vu la levée de bouclier quand nous sommes partis de ce parti. Vous avez vu la réaction maladive de Ibrahim Cissé Bacongo. Il a passé son temps à nous insulter. Mettre en exergue les qualités du président du RDR en prenant les autres pour des imbéciles. Nous étions, à l'époque rédacteur en chef de La Voie, principal journal de l'opposition. Face à Alassane Ouattara, Premier ministre, les faits qu'on lui reprochait ont curieusement ressurgi au niveau de son parti. C'est grave pour le pays. C'est aussi grave pour la démocratie. C'est une menace constante sur la démocratie. On arrive à l'autocélébration. Ainsi, on fabrique des dictateurs de demain.

Pour annoncer votre départ, vous avez des reproches au RDR. Notamment la prise en otage de Ouattara par un clan, la tribalisation du parti. Il rejette tout cela du revers de la main.
Personne ne peut dire en Côte d'Ivoire que le fonctionnement du RDR n'est pas tribaliste, exclusionniste, régionaliste. Les faits sont là, têtus !

Pouvez-vous nous donner des exemples ?
Prenez les composantes du parti. On a créé une délégation à New York, il y avait quatre-vingt- douze (92) personnes venues toutes du Nord. Vous pouvez le retrouver sur internet. La Côte d'Ivoire représente plus de soixante (60) ethnies. Pour composer un bureau, il faut faire un dosage. New York où nous étions, toutes les ethnies ivoiriennes sont représentées. New York même en tant que structure étatique a cent trente-deux (132) communautés mondiales représentées. En Côte d'Ivoire, toutes les ethnies sont représentées. Nous en connaissons beaucoup qui militent sincèrement au RDR. Par les pratiques foncièrement tribalistes de la représentation, ils ont été exclus de fait du RDR.

Pourquoi ont-ils été exclus ?
Il faut le demander au président du RDR. Il faut demander aux dirigeants du RDR. Quand même quelqu'un d'une autre ethnie se distingue par sa conviction et son allant au RDR, il apparaît toujours comme un épiphénomène. Ce n'est pas normal pour un parti politique. C'est l'exemple du Pr. Guédé Guina.

Peut-on en savoir plus ?
Quand Djiguiba Cissé dit que "votre parti est constitué de la plupart de nos fidèles". C'est une connotation religieuse dangereuse. Nous nous attendions à une réaction d'Alassane Dramane Ouattara. Il ne l'a pas fait.

N'est-ce pas lui qui a donné l'occasion à Djiguiba Cissé de tenir de tels propos. Puisqu'en son temps, Alassane a dit qu'on refuse sa candidature parce qu'il est musulman et ressortissant du Nord ?
C'était sa plus grave faute politique. C'était un problème de communication. Amadou Soumahoro fait une déclaration lors d'une réunion des femmes qu'il présidait : "rejeter la candidature d'Alassane c'est exclure le Nord". C'est grave. Ça veut dire que Alassane Dramane Ouattara n'est qu'une entité du Nord. Or, ce monsieur aspire à être le Président de la Côte d'Ivoire. Pour un pays comme le nôtre, c'est une dérive qui peut avoir des conséquences incalculables.

Vous étiez au RDR quand
Amadou Soumahoro tenait ces propos. L'avez-vous interpellé ?
Demandez-nous, comment nous avons été interpellés aux Etats-Unis. Les congressistes m'ont interpellé. Vous pouvez demander au responsable du RDR de Washington. Des leaders de Droit de l'Homme en n'ont fait autant. En plus, nous avons été invité au congrès. A ce débat, les propos d'Amadou Soumahoro ont été mis à l'ordre du jour. Vous ne pouvez pas dire que vous combattez l'exclusion, le tribalisme, quand sur 92 personnes sur la liste, toutes sont natives du Nord. En Côte d'Ivoire, consultez l'arbre généalogique d'une famille, vous remarquerez à deux ou trois branches près, plusieurs ethnies s'entremêlent. Ce pays est un véritable melting-post. Quand vous ne connaissez pas sociologiquement un pays, arrêtez de prétendre parler au nom de ce pays. Ce pays est un brassage extraordinaire d'ethnies.

Ouattara soutient que son programme de gouvernement a été plagié par le Président Laurent Gbagbo. Notamment le transfert de la capitale. Vous qui étiez aux premières heures du FPI, que répondiez-vous ?
Nous sommes très bien placés pour parler de cette question. Puisque, à l'époque, nous étions parmi les rares initiateurs de ce projet. Le programme du FPI a été écris avant le programme du gouvernement du RDR. Ouattara parle du transfert de la capitale. Mais sait-il au moins comment la capitale a été transférée à Yamoussoukro ? Nous sommes l'un des artisants de ce transfert. Les témoins sont encore vivants. Demandez à Me Cheikna Sylla, le ministre Léon Konan Koffi, Ipaud Lago, alors Directeur de l'Administration centrale, Marie Paule Djédjé, Ben Soumahoro ou Odette sauyet... C'est aberrant de dire que Gbagbo a plagié le programme de gouvernement du RDR. Ce parti n'a existé qu'à la faveur du multipartisme. Depuis que le monde est monde, personne n'a inventé l'eau chaude. Elle existe. On l'enrobe. Le passage de Alassane Dramane Ouattara à la Primature a été très grave pour la Côte d'Ivoire.

Comment ?
Son passage à la Primature n'a pas fait que de bien à la Côte d'Ivoire. Des entités indispensables à la vie de nos populations comme les travaux publics ont été purement et simplement dissoutes. Aujourd'hui, toutes nos routes sont impraticables. Les herbes ont envahi les routes pleines de crevasses. Les vraies victimes de cet état de fait sont nos populations, véritables bras de labeurs. Pis, il a mis un certain nombre de catégories de fonctionnaires à la retraite à 30 ans.
Vous imaginez un professeur de médecine à l'Université aller à la retraite à 30 ans. La désarticulation et le dysfonctionnement de la santé publique font partie de cette décision. Il faut avoir le courage de le dire. Nous aurons beaucoup d'admiration pour Ouattara s'il s'asseyait un jour pour reconnaître publiquement ses impairs.


En quoi est-il responsable ?
Quand tu sais qu'à 30 ans, on va te mettre à la retraite, tu commences à mettre en place ta petite structure médicale. Tu travailles ainsi dans le privé. Le public où va la large majorité des populations ne trouve plus en place les médecins. C'est dans les compressions de Ouattara que nous nous sommes retrouvés avec plus de 1000 médecins au chômage. Alors que le problème de santé est criard. On avait en son temps, ce qu'on appelait les conducteurs des travaux. Tous les matins, sur les différentes routes ils lançaient des équipes qu'ils surveillaient. Les gens qui taillaient les routes. Aujourd'hui, les herbes ont envahi les routes. Il est facile de détruire. Il est difficile de construire. Il a suppléé cela par quoi. Rien. Arrêtons un peu de mystifier. Souvent, quand nous entendons le Président Gbagbo reconnaître certaines erreurs commises, ça me va droit au c?ur. Il dit qu'on va les réparer. C'est important pour un homme. C'est l'humilité et la modestie.

Voulez-vous dire que Ouattara manque d'humilité ou de modestie ?
Mais ce n'est pas moi qui le dit. Ce sont les faits qui parlent. Il est pris dans un engrenage où l'arrogance, la suffisance, l'orgueil sont érigés en système de gouvernement. A partir de ce moment, il n'y a pas grand-chose à faire.

Peut-on connaître les noms de ceux qui l'ont pris en otage ?
Nous ne citerons pas de nom. Il est pris en otage. Il y a une complicité. Nous pensons qu'un chef de parti qui aspire gouverner un pays comme la Côte d'Ivoire doit pouvoir prendre ses responsabilités en se débarrassant d'un certain nombre de collaborateurs qui gênent le bon fonctionnement du parti. Prenons l'exemple de Bush. Personne ne pouvait s'imaginer qu'il pouvait se débarrasser de Roosevelt. Il vient de se débarrasser de son ministre de la justice.

Peut-être que Ouattara a peur que ces derniers le torpillent, puisqu'ils en savent plus ?
Regardez le PDCI. A plusieurs étapes, Houphouët s'est débarrassé de certains compagnons de lutte. parce'à un moment donné, il a jugé bon de les mettre à l'écart. En politique, quand vous êtes incapable de procéder ainsi, il va s'en dire que vous n'avez pas de lisibilité réelle de la situation de votre pays. la politique, ce n'est pas un court terme. C'est un moyen et long terme. En politique, le court terme est sans issue viable.

On ne vous suit plus
C'est clair. Si vous êtes vraiment démocrate, vous ne pouvez pas donner les résultats des élections qui n'ont pas encore eu lieu. A moins que ce soit du bluff, pour satisfaire les militants.

Il a dit qu'il ne bluffe pas
C'est vrai, il a dit cela. Dans ce cas, nous avons bien peur pour la démocratie en Côte d'Ivoire.

De quoi avez-vous peur ?
Ça veut dire qu'il sera Président par tous les moyens. Quels sont ces moyens ? Dieu seul sait. Nous avons le droit alors d'avoir une suspicion légitime. En d'autres termes, il pourrait devenir Président de la République sans recourir forcément aux méthodes démocratiques.

En quoi c'est un danger ?
C'est un danger parce que ça veut dire que j'ai préparé les élections pour gagner coûte que coûte.

C'est normal lorsqu'on va à une compétition, c'est pour la remporter. Donc il est en droit de dire qu'il sera le Président de la Côte d'ivoire en 2008
Nous sommes d'accord. Maintenant vous tenez de tels propos et par la suite vous êtes battu, qu'est-ce que vous faites? Vous dites que vous serez le Président de la Côte d'Ivoire en 2008. En plus, vous dites c'est moi. Vous n'allez pas le soupçonner ?

De quoi vous le soupçonnez ?
Nous ne savons pas. Ce- pendant, nous sommes sûrs d'une chose: Alassane fera pout pour être Président. Si un autre candidat gagne les élections en 2008, il va l'empêcher. C'est le message que lance Ouattara.

On annonce l'arrivée de hauts cadres au RDR pour vous remplacer ?
A l'ANCI, on se marre des contradictions. Voila docteur Ahua qui arrive, Abou Cissé. Mais personne ne dit qu'ils ont trahi leur parti pour rejoindre le RDR. Ou bien qu'ils ont été achetés. Même Alassane ne le dit pas dans son interview. Dès que vous quitter le RDR, on dit qu'on vous a acheté. Nous avons une question que nous trouvions très pertinente : A combien Ouattara a-t-il acheté docteur Ahua et Abou Cissé pour qu'ils viennent au RDR ? Lorsque j'étais rédacteur en chef de la Voie, Alassane a été attaqué violement par Osseye Gnanssou à Korhogo. J'ai pris ma plume pour le défendre. Je ne l'ai pas défendu pour ses beaux yeux. Mais par conviction. Autrement dit, combattre l'exclusion dont il était victime. Nous allons vous surprendre. Les journaux qui lui sont proches ne l'ont pas fait. Tout le monde peut me parler de conviction sauf Alassane. Il sait suffisamment que nous sommes des hommes de conviction. Nous aimerions qu'il parle de ce que c'est que la conviction. Parce qu'il y a des choses très graves qu'il ne faut pas laisser passer sans suite.

Lesquelles ?
Il y a trop de mystificateurs. C'est par conviction qu'on a défendu Alassane. On entend dire au RDR qu'il faut lutter contre l'impunité. Mais l'impunité a été instaurée le jour où on a instauré la loi anticasseurs. C'est Alassane qui a fait voter cette loi à l'Assemblée nationale. Que dire de la descente des militaires sur la cité universitaire de Yopougon dans la nuit du 17 mai au 18 mai 1991. Alassane était Premier ministre. C'est parce que Houphouët-Boigny a refusé de sanctionner les coupables après les enquêtes de la commission dirigée par feu Camille Hoguié que nous nous sommes retrouvés dans la rue le 18 février 1992.

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